(Banjul) - Pour le président gambien, l'émigration clandestine, en l'état actuel des disparités entre le Nord et le Sud, est un phénomène quasi imparable. Car, pense-t-il, les jeunes africains qui subissent les affres du sous-développement, n'arrêteront d'émigrer tant que la situation restera inchangée dans le continent, prenant de ce fait le contre-pied des ses homologues ouest-africains, notamment son voisin Abdoulaye Wade qui a signé des accords avec l'Espagne et la France pour le rapatriement des immigrés clandestins de son pays mais aussi pour décourager ceux qui seraient tentés par l'aventure de la mer. D'ailleurs , soutient-il, ''chaque fois qu'il est question des migrations concernant l'Afrique, l'Occident a tendance à exagérer et à faire dans l'alarmisme.'' Les jeunes africains ‘partent pour une raison ou une autre. Et je ne vois pas pourquoi les pays occidentaux doivent en faire un drame'', a-t il fait observer.
Convoquant l'histoire, Yahya Jammeh a donné un vrai cours magistral à l'Occident à la mémoire courte. ''Les Africains ne méritent pas cette ingratitude car les Occidentaux, les Anglais par exemple, sont restés 400 ans durant en Afrique en situation d'occupants, exploitant nos terres et nos richesses sans que l'on ne trouve à redire'', relève-t-il. Ainsi, pour les faits d'esclavagisme et d'exploitation économique, pense-t-il, les choses doivent être ramenées à leur juste proportion. ''Pour ce qui est de la Gambie, ce pays n'a obtenu son indépendance de la Grande-Bretagne que depuis 41 ans et, pour compenser l'exploitation dont nos populations ont été l'objet, nos jeunes ont le droit de séjourner comme ils veulent en Grande-Bretagne pour quelque 359 ans. En tout cas, c'est le temps qui leur reste pour goûter aux délices de l'ancienne puissance colonisatrice'', a-t-il martelé, faisant dans l'ironie réaliste. Et de poursuivre : ‘Pourquoi doit-on se plaindre pour seulement 41 ans alors qu'ils nous reste encore 359 à combler'', s'est-il demandé solennellement.
Au-dela de son discours, par trop philosophique, Yahya Jammeh a également fait des propositions pour rééquilibrer les choses, c'est-à-dire pour régler de façon équitable ces anomalies de l'histoire. ’S'ils sont sérieux dans ce qu'ils soutiennent par rapport au phénomène d'immigration qui les assaille, ils doivent être justes avec l'Afrique. Car, pour régler le problème, l'Occident doit d'abord restituer à l'Afrique tout ce qu'il lui a pris plus 25 % d'intérêt'', soutient-il mordicus. Et, il tranche aussitôt : ''C'est à ce seul prix que les jeunes africains pouraient rester chez eux et n'iraient en Europe que pour faire du tourisme ou encore des affaires''.
Yahya Jammeh n'a pas tenu ses propos en vain. Lui qui a soutenu que Allah seul est sa banque mondiale, est sûr de son propos. D'ailleurs, son discours qui a été chaleureusement accueilli par les jeunes gambiens, spécialistes de l'émigration qu'ils sont, fait suite à la révélation qu'il a faite, quelques heures seulement après son élection, selon laquelle un pays développé qu'il n'a pas cité a promis d'employer 100 000 jeunes gambiens dans le cadre d'un contrat de main-d'œuvre. Mais, en tenant un langage aussi lacéré à l'endroit de l'Occident, l'effet recherché est certainement de tempérer les ardeurs des pays occidentaux qui seraient tentés de rapatrier manu militari ses compatriotes. Car le rapatriement des immigrés africains établis en Europe, tel qu'il se fait aujourd'hui, pose plus de problèmes qu'il n'en résout.
Se fondant sur l'expérience du Sénégal voisin où la ronde des charters bourrés d'immigrés en provenance d'Espagne choque énormément les âmes sensibles, Yahya Jammeh veut donc prévenir. Et, la justice, c'est-à-dire la réparation des préjudices causés aux Africains par le colonialisme dont le sous-développement est l'une des mamelles, est donc à ses yeux l'unique moyen de contenter l'Afrique. Une Afrique dont la pauvreté pousse ses enfants à risquer leurs vies à la recherche de verts pâturages.
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