Près de vingt ans après sa fondation et trois semaines seulement après avoir accédé au pouvoir, le Hamas en est réduit à lutter pour sa survie politique.
Certains responsables et analystes palestiniens ne donnent que quelques mois au mouvement islamiste Hamas avant de s’effondrer sous l’effet combiné des pressions politiques et du blocus financier extérieur. Aux abois depuis qu’il assume la direction du gouvernement palestinien grâce à son triomphe électoral de janvier, le Hamas cherche frénétiquement des partenaires. «Le Hamas n’admet pas officiellement son échec, mais il a découvert qu’il ne pouvait pas gérer seul les choses et, pour éviter, une révolte populaire, il implore les autres de partager sa responsabilité», note l’analyste Mehdi Abdel-Hadi.
Dimanche, le mouvement islamiste a entamé des tractations avec une douzaine de factions rivales pour tenter une nouvelle fois de les persuader de rejoindre le gouvernement. Toutes, et notamment celles qui relèvent de l’Organisation de la libération de la Palestine (Olp) - comme le Fatah, le Fplp ou le Fdlp -, avaient déjà décliné l’offre le mois dernier. Selon Mehdi Abdel-Hadi, il est peu probable que le Hamas arrive à débaucher des mouvements appartenant à l’Olp tant qu’il ne reconnaîtra pas celle-ci comme le représentant unique et légitime du Peuple palestinien.
RISQUES DE CHAOS
Il lui faudrait en outre accepter le principe d’un règlement du conflit israélo-palestinien sur la base de la coexistence de deux Etats. Israël reconnaît l’Olp et accepte la solution de deux Etats, mais le Hamas persiste à ne reconnaître ni l’Olp ni Israël dont sa doctrine fondatrice prône la disparition. C’est cette obstination idéologique qui a entraîné la mise en quarantaine du Hamas par une Communauté internationale outrée en plus de voir ce mouvement, parvenu au pouvoir, justifier un attentat-suicide comme celui qui a fait neuf morts lundi à Tel Aviv. Le Hamas s’est abstenu depuis plus d’un an de commettre lui-même des attentats anti-israéliens mais, pris dans ses contradictions, il se voit aujourd’hui reprocher par les autres groupes activistes de ne plus prendre sa part à la lutte armée. Héritier d’une dette de 1,3 milliard de dollars, privé du revenu de ses droits de douane par Israël, étranglé par le blocus financier occidental et victime du peu d’empressement du monde arabe à l’aider, le gouvernement du Hamas est insolvable et la rue commence à gronder. «Sans salaires, les gens pourraient ne plus se rendre au travail. Les institutions pourraient s’effondrer et les services s’arrêter. Il pourrait y avoir un risque de rébellion populaire et ce pourrait être violent», prédit l’analyste Bassem Izbidi.
«Je ne peux prétendre qu’on a des plans pour faire face à cette situation. Mais l’effondrement de l’Autorité palestinienne entraînerait un chaos et une violence incontrôlables», reconnaît Nayef Radjoub, ministre des Biens islamiques du Hamas.
AU POUVOIR TROP TOT ?
Deux issues s’offrent au Hamas, aux yeux de certains analystes: s’effacer au profit d’un nouveau gouvernement modéré que constituerait le Président Mahmoud Abbas, ou finir par reconnaître Israël. Les rapports entre Abbas et le Hamas sont tendus. Le Premier ministre, Ismaïl Haniyeh, a accusé vendredi le Président de vouloir le dépouiller de ses pouvoirs. «Si cette situation persiste, je crois que l’on s’achemine vers une confrontation, à moins que le Hamas fasse machine arrière», estime Imad Falloudji, ancien membre du Hamas et ancien ministre.
Quant à la reconnaissance d’Israël, diplomates et analystes arabes s’accordent à prophétiser qu’elle ferait éclater le mouvement islamiste. «Le Hamas se battra pour rester au pouvoir. S’il échoue, il échouera une bonne fois pour toutes. Et son échec sera un coup dur pour les mouvements islamiques du monde arabe qui cherchent à parvenir au pouvoir par les urnes», estime un diplomate.
Pour l’Egyptien Mohamed Habib, numéro deux des Frères musulmans, dont le Hamas est la branche palestinienne, il fallait s’attendre à ce que la Communauté internationale se dresse contre un parti islamiste parvenu au pouvoir.
Habib, dont le propre mouvement est en pleine ascension électorale, estime que le Hamas est peut-être arrivé aux affaires 10 ou 15 ans trop tôt. «Mais nous ne sommes pas pressés», ajoute-t-il.
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