(Correspondant permanent à Paris) - L'ambassade du Sénégal à Paris ressemblait hier à un bunker encerclé par des policiers français venus assurer la sécurité des lieux. Une dizaine de camions remplis des forces de police étaient visibles à la devanture. D'autres étaient placés tout autour du bâtiment. Et toutes les rues qui mènent à l'ambassade ont été bouclées par un jalonnement des éléments des Compagnies républicaines de sécurité (Crs). Des barricades ont été montées sur l'avenue Robert Schuman qui mène à l'ambassade du Sénégal. Ce dispositif de sécurité laisse penser que les diplomates sénégalais, notamment Maïmouna Sourang Ndir, ont déployé les grands moyens pour empêcher toute surprise qui pouvait venir des manifestants.
Pourtant, les Guinéens, qui ont voulu montrer leur désaccord au président Wade par rapport à son supposé soutien à Dadis Camara, n'étaient pas nombreux. Seule une vingtaine ont manifesté devant l'ambassade sénégalaise. Ils sont venus au compte-goutte. Certains étaient obligés de rebrousser chemin à la vue du dispositif de sécurité trouvé sur place. D'autres sont restés, attendant leurs camarades. Prévue à 12 h à Paris, la manifestation n'a commencé que vers 13 h, pour prendre fin une heure plus tard. Des slogans hostiles au président Wade et à Dadis Camara ont été prononcés. Les manifestants demandent au président sénégalais de cesser de soutenir le putschiste Dadis Camara et de laisser le peuple de Guinée résoudre ses problèmes. Ils ont également précisé que cette manifestation n'est pas dirigée contre le peuple sénégalais, mais c'est un message qui lui est lancé pour qu'il mette la pression sur le président de la République et empêche l'homme fort de Guinée à se présenter à l’élection de 2012.
‘Nous voulons dire aux Sénégalais que Wade ne peut pas venir chez nous et s'occuper de nos affaires. Il n'a qu'à s'occuper des problèmes du Sénégal. Le Sénégal a des problèmes d'électricité, d'inondations, il n'a qu'à s'occuper de cela. Et nous laisser, nous Guinéens, gérer nous-mêmes nos affaires. Car depuis 1958, nous avons assez mûri pour pouvoir régler nos propres affaires’, lâche, amer, Nabil Souma face à la presse. Il ajoute avec insistance : ‘Nous n’avons rien contre le peuple sénégalais, ce sont nos frères. Le Sénégal et la Guinée sont le même peuple. Nous avons les mêmes valeurs, les mêmes traditions. Il faut donc qu'il s'occupe de son peuple et nous laisser en paix’.
Quand on lui demande ce qu'il reproche exactement au président sénégalais, Nabil Souma répond en invitant l'actualité sénégalaise : ‘Nous lui reprochons de s'immiscer dans les affaires de notre pays et de vouloir jouer au parrain de Dadis. Pour nous, ce n'est pas une personne recommandable, vu son parcours. En 2000, il avait suscité beaucoup d'espoir. Mais aujourd'hui, après la défaite de son parti aux locales, les Sénégalais ont refusé la monarchie rampante qu'il voulait imposer. Comme il est impopulaire, il veut réviser la loi électorale et faire un seul tour comme au Gabon pour gagner encore’. Et Malado Diallo d'ajouter : ‘On est venu manifester pour alerter le président sénégalais et lui dire de rester neutre dans le processus de changement qui est en cours en Guinée. Le capitaine Dadis avait pris des engagements sur lesquels l'ensemble des forces vives l'avaient soutenu, le président Wade lui-même l'avait encouragé. Alors, nous demandons à Wade de rester auprès du peuple guinéen et non des miliaires’.
Mais, à chaque fois, les manifestants ont voulu faire comprendre que le peuple sénégalais n'est pas visé par cette manifestation. ‘Nous voulons dire au peuple sénégalais que nous n'avons rien contre lui. Le Sénégal a accueilli des millions de Guinéens et ça continue. Et nous savons que les Sénégalais sont contre ce qu'il (Abdoulaye Wade, Ndlr) est en train de faire. Nous disons à Wade de ne pas nous mener vers une guerre civile’, martèle encore Ibrahima Sory Macanéra, sous la surveillance des forces de police françaises qui veillent au grain. Pour montrer que cette manifestation n'est pas dirigé contre les Sénégalais, M. Macanéra exhibe sa vie matrimoniale. ‘Nous sommes là pour montrer notre déception par rapport à ce qu'Abdoulaye Wade est en en train de faire. Moi je suis Guinéen, mais j'ai vécu deux ans au Sénégal. Mon ex-femme est sénégalaise et j'ai eu quatre enfants avec elle. C'est vous dire que je suis lié au Sénégal’.
Si la manifestation n'a pas drainé beaucoup de monde, c'est parce qu'elle était symbolique, expliquent les organisateurs. Mais c'est cette symbolique qui lui donne aussi une certaine importance, car rarement des ressortissants africains manifestent devant la représentation diplomatique du Sénégal. C'est généralement le fait des Sénégalais vivant à Paris. Mais les Guinéens avertissent que ce ne sera pas la dernière fois si le président Wade continue de ‘soutenir la candidature de Dadis Camara’. Auquel cas, ils promettent de mobiliser toute la diaspora guinéenne éparpillée à travers le monde pour manifester devant toutes les ambassades du Sénégal à l'étranger. En attendant la manifestation de ce samedi 26 septembre prochain.
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