MAIDUGURI, Nigeria - L'ancien président libérien Charles Taylor, recherché par la justice sierra-léonaise, a été arrêté mercredi dans l'Etat de Borno, dans le nord-est du Nigeria frontalier du Cameroun.
Il a été ensuite placé dans un avion de la présidence nigériane en partance pour Monrovia qui a décollé, selon le témoignage de l'envoyé spécial de l'agence Reuters, de Maiduguri, capitale du Borno où le fuyard avait été raccompagné par la route sous bonne escorte.
"Nous avons pour instruction de le transférer directement au Liberia", a confié, sous le sceau de l'anonymat, un responsable de la sécurité à l'aéroport.
A l'aéroport international Roberts de Monrovia, les casques bleus de l'Onu se tenaient prêts mercredi à arrêter l'ancien chef de l'Etat pour le livrer ensuite à la justice sierra-léonaise.
"Nous avons été mandatés pour arrêter M. Taylor à son arrivée au Liberia", a déclaré à la presse un porte-parole de l'Onu à Monrovia, qui a refusé de préciser quand Taylor arriverait du Nigeria.
Taylor, ancien maquisard accusé d'avoir attisé les guerres civiles qui ont déchiré l'Afrique de l'Ouest dans les années 1990, s'était volatilisé lundi soir de la villa de Calabar, dans le sud-est du Nigeria, mise à sa disposition par le gouvernement d'Abuja.
Il y vivait en exil depuis son départ de Monrovia négocié en 2003 pour faciliter le retour de la paix au Liberia au terme de 14 années d'une guerre civile particulièrement sanglante.
Dans un communiqué, le ministre nigérian de l'Information, Frank Nweke, a déclaré: "Le président (nigérian Olusegun) Obasanjo a ordonné le rapatriement immédiat de Charles Taylor au Liberia (...) pour aider le gouvernement de Monrovia, qui avait demandé à détenir l'ancien chef de l'Etat".
Ce dernier a été interpellé au petit matin au poste-frontière de Gamboru-Ngala alors qu'il voyageait à bord d'un 4x4 porteur de plaques minéralogiques diplomatiques en compagnie d'une femme et d'un petit garçon. D'après les autorités locales, le véhicule transportait une malle bourrée de dollars.
"UN DANGER POUR LA REGION"
L'ancien chef de guerre est inculpé de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité par le Tribunal spécial de Freetown sur les crimes commis pendant la guerre civile en Sierra Leone (TSSL).
Il est notamment poursuivi pour son soutien aux maquisards sierra-léonais du Front révolutionnaire uni (Ruf), qui s'étaient illustrés pendant le conflit (1991-2002) par la pratique du "manches longues-manches courtes" - l'amputation au niveau de l'épaule ou du coude de civils pris entre deux feux.
Mercredi, le procureur du TSSL, Desmond de Silva, qui avait lancé un mandat d'arrêt contre le président libérien déchu, s'est réjoui de la décision d'Abuja d'appréhender le fuyard. Le magistrat a expliqué à l'agence Reuters que Taylor "présentait un très gros danger pour la sécurité de toute la région".
Le 5 mars, le gouvernement de la nouvelle présidente libérienne Ellen Johnson-Sirleaf avait demandé au Nigeria de livrer Taylor au TSSL, qui a été mis sur pied avec l'aval des Nations unies.
Trois semaines après, Abuja répondait que Monrovia était libre de venir le chercher, sans préciser toutefois les modalités et la date de ce transfert.
Quelques heures avant la fuite de Taylor, Johnson-Sirleaf avait émis le souhait que celui-ci soit transféré directement en Sierra Leone pour y répondre de 17 chefs d'inculpation, sans passer par le Liberia.
Sentant l'étau de resserrer autour de lui, Taylor avait mystérieusement disparu lundi soir de Calabar, semant l'émoi dans les chancelleries, notamment aux Etats-Unis où, hasard du calendrier, le président nigérian Obasanjo doit être reçu ce mercredi à la Maison blanche par George W. Bush. Cette rencontre, a-t-on appris, est maintenue.
Mardi, le secrétaire général de l'Onu, Kofi Annan, avait invité les pays africains à ne pas offrir de refuge à Taylor.
Certains au Liberia redoutent que la présence de Taylor ne provoque des violences politiques débouchant sur un nouveau bain de sang dans un pays encore très instable.
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