Des milliers de parents tentent de refourguer leur enfant adoptif sur internet

Selon une enquête menée par l'agence de presse Reuters, des parents adoptifs américains tentent de se défaire de l'enfant dont ils ne veulent plus en le proposant gratuitement à d'autres parents sur Yahoo ou Facebook. Les journalistes ont découvert au cours de leurs investigations ce qu'il advient d'enfants adoptés par des familles américaines. Car si la plupart des parents adoptifs accueillent avec amour et patience un enfant dont ils assurent le bonheur, d'autres se heurtent bien vite à des déceptions auxquelles ils refusent de faire face.Donner un enfant, comme un vêtement de seconde main

C'est le cas, selon Reuters, de nombreux enfants aux Etats-Unis. Faute de solidité de l'enquête familiale, les foyers qui accueillent des enfants adoptifs ne sont pas toujours à même de les gérer. Certainement quand ceux-ci présentent des handicaps ou des troubles comportementaux. Plutôt que de persévérer dans l'éducation de ces enfants ou en véritable dernier recours, les parents adoptifs - certes parfois démunis et sans aucune aide de l'Etat - se tournent vers des plate-formes d'échange ou de don d'enfants sur le net.Ils y laissent en pâture une description de leur enfant au premier offrant, permettant soi-disant à ceux-ci de trouver un nouveau foyer dans lequel ils s'épanouiront enfin. 

Mais en réalité, ils s'en débarrassent comme d'un vulgaire vêtement offert en seconde main. Pressés de retourner à leur vie "d'avant", sans les soucis engendrés par une adoption ratée.Cette pratique appelée "re-homing" -que l'on pourrait traduire dans ce contexte-ci par "replacement"- désignait auparavant la recherche par des propriétaires d'animaux domestiques d'un nouveau foyer pour les animaux dont ils ne voulaient plus. Au cours d'une enquête de 18 mois intitulée "The child exchange", Reuters a recensé 5.029 annonces postées sur une période de cinq ans et publiées sur un groupe créé sur Yahoo, au rythme d'environ une par semaine. 

La plupart des annonces concernaient des enfants âgés entre 6 et 14 ans et adoptés à l'étranger -principalement en Russie, Chine, Ethiopie et Ukraine. Le plus jeune d'entre eux n'était âgé que de dix mois. "Elle ment constamment, vole et nous trompe""Je suis totalement honteuse mais on déteste vraiment ce garçon", écrivait ainsi en juillet 2012 une femme du Nebraska proposant un garçon de onze ans. "Mon mari et moi avons adopté deux petites ukrainiennes en 2007. L'une s'adapte très bien et c'est comme si elle était née dans notre famille. Avec l'autre, la plus âgée des deux qui a 9 ans, ça ne va pas. 

Elle ment constamment, vole et nous trompe", écrivait une autre famille texane en septembre 2009, ajoutant "être financièrement, mentalement et émotionnellement vidée par cet enfant".Enfants maladesLe plus souvent, les parents évoquent un enfant devenu violent, qui commet des abus, qui terrorise les autres enfants de la famille ou encore eux-mêmes ou pire, qui souffre d'une maladie et qu'ils ne peuvent plus assumer.Suite à la publication de l'enquête de Reuters, Yahoo a immédiatement réagi en supprimant dans les heures suivantes le groupe en question. 

Mais Facebook, réseau social sur lequel ce relogement est également rendu possible via plusieurs groupes, a refusé de bloquer les pages critiques. Pourquoi? "Parce qu'internet est le reflet de la société, que les gens utilisent pour toutes sortes de communications et régler toutes sortes de problèmes", a fait savoir un porte-parole. Une simple déclaration devant notaire Comment une telle pratique est-elle possible aux Etats-Unis? Si la procédure d'adoption est très réglementée et suppose d'être validée devant un tribunal par les futurs parents dûment sélectionnés, a contrario un enfant adopté peut-être facilement confié à une autre famille sur simple déclaration notariée. 

Dans la plupart des cas, cette flexibilité sert l'intérêt de l'enfant. Elle permet par exemple à des parents qui rencontrent des difficultés de confier momentanément leurs enfants à une personne de confiance. Mais avec le développement d'internet, elle autorise désormais des parents adoptifs à se débarasser en quelques clics d'un enfant dont ils ne veulent plus.Depuis la fin des années 90, 243.000 enfants ont été adoptés par des Américains dans d'autres pays. Selon le gouvernement américain, le taux d'échec de la relation entre parents adoptifs et enfants adoptés se situe entre 10 et 25%. 

On estime dès lors qu'environ 24.000 de ces enfants ne se trouvent plus avec la famille qui les a amenés aux Etats-Unis dans le but de les adopter.Des conditions d'adoption de plus en plus difficilesL'an dernier, suite à une dispute diplomatique, la Russie a interdit l'adoption d'enfants russes par des Américains. D'autres pays, comme le Guatemala ou la Chine, ont durci leurs conditions d'adoption. Les Etats-Unis sont ainsi passés à un pic de 24.000 adoptions en 2004 à seulement 10.000 l'an dernier: des difficultés d'adoption qui pourraient bien faire les beaux jours de cette pratique indigne.