Sénégal n’est pas Sunugal
ou
De l’étymologie du toponyme Sénégal
Par Saliou Kandji
Presses Universitaires de Dakar 2006
56 pages
Dans ce livre, Saliou Kandji, journaliste et ancien ambassadeur du Sénégal en Irak, se propose d’adopter une démarche allant du constat de la généralisation «officielle» de Sunugaal à la réfutation de la justification avancée par l’Abbé Boilat. Il passe en revue les dénégations des professeurs Raymond Mauny et Théodore Monot, elles-mêmes remises en cause par Paul Marty. L’idée de faire venir l’origine du nom Sénégal de l’expression wolof Sunugaal est très ancrée dans l’esprit de ceux que Saliou Kandji appelle des «franco-nègres». L’organe d’information de l’armée nationale sénégalaise s’intitule fièrement : Sunugal (avec un seul (a), malheureusement !).
D’autre part, le doyen des cinéastes africains, le regretté S. Paulin Vieyra a réalisé un assez bon court-métrage titré : Sunugal. On sait aussi que parmi les nombreux restaurants que compte la capitale sénégalaise, il y en a un dénommé Sunugal. Par ailleurs, l’hebdomadaire satirique dakarois «le Cafard libéré» a forgé, en partant de «Sunugal», le substantif «Sunugalien». Enfin, lors d’un concours organisé par Radio-Luxembourg, une «sunugalaise», Mademoiselle Gaye, à l’époque étudiante en pharmacie, a remporté le prix qui était d’un montant de 500.OOOfrancs. La question subsidiaire, dont la bonne réponse devait départager les concurrents, portait sur l’origine du nom «Sénégal». Melle Gaye avait donné la bonne réponse officielle : Sunugal.
L’opinion selon laquelle «Sénégal» procéderait de la déformation de l’énoncé wolof procéderait de la déformation de l‘énoncé waalaf (wolof) «Sunugal» : notre pirogue, a été émise pour la première foi, par le «Franco-sénégalais» Abbé David Boilat dans son ouvrage écrit en 1850 et intitulé : «Esquisses sénégalaises».
Raymond Mauny et Théodore Monot ont contesté le point de vue de Boilat dans l’édition française de « Chroniques de Guinée» de Gomès Eanès Dezurrara de 1454 (Ifan) 1960).
Pour être équitables, Mauny et Monot auraient dû écrire : L’étymologie de Boilat et non l’étymologie des Wolof. Elle est en effet sortie de l‘imagination du négro-français Boilat, puis imposée aux «francophones» par l’école coloniale et, enfin, popularisée par la puissance du verbe du «Poète-Président». Mauny ne nous dit pas comment, de «Canaga» ou «Zanaga», on est arrivé à Sénégal. Et il ne se donne la moindre peine pour nous dire comment cette évolution aurait-elle été phonétiquement possible.
Félix Brigaud, ancien directeur de la section Ifan-Saint-Louis s’est lui aussi fourvoyé dans conférence faite à la Chambre de commerce de Dakar.
Dabs Islam au Sénégal (Paris 1971, Ernest Leroux), Paul Marty fait observer : Le terme «Singhane» ou « Sénégal »…est le terme hassania par lequel les Maures désignent la province du Cayor (appellation des Wolofs), ancien centre politique du Sénégal. C’est évidemment de ce terme que les Européens de Saint-Louis, en contact avec les Maures de cette ville, ont fait « Sénégal ». Aussi, Paul Marty : Les étymologie «Sanhaja», «Zenaga» sont, à n’en pas douter, fantaisistes.
Le Canaga n’est pas Sénégal. Pour Saliou Kandji qui montre qu’aucune des étymologies jusqu’ici avancées («Sounougal», «Canaga» ou «Zanaga» ne sauraient légitimement servir de fondement explicatif du toponyme du Sénégal.
Le livre se termine par une note de lecture de Babacar Sédikh Diouf qui conclut ainsi : C’est Siind (Aayeen mal écrit et mal lu qui est devenu Sénégal et Saliou Kandji a raison de dire, Sénégal n’est pas Sunugal mais le pays des hommes déterminés à devenir toujours meilleurs : Des hommes-Dieux. Issa Laay Caw et Babacar Diop donnent leurs points de vue sur l’origine du toponyme Sénégal. Dans ce débat fort intéressant, il est nécessaire de requérir l’intervention des linguistes et des sociolinguistes pour nous éclairer.
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