L’Etat, voulant protéger Sunéor, a sorti, opportunément et maladroitement, des normes, faisant fi des procédures communautaires prévues en la matière, et mettant en mauvaise posture ses relations économiques avec la Côte d’Ivoire et la Malaisie (qui sont deux pays exportateurs d’huile de palme). Par cette mesure, il permet à la Sunéor d’exercer une dominance sur les marchés des huiles importées (cette société important et triturant de l’huile de soja), sans exercer une quelconque pression sur elle pour augmenter la part de l’huile d’arachide raffinée au Sénégal. Aujourd’hui, cette société exporte essentiellement de l’huile brute d’arachide et importe de l’huile végétale brute qu’elle raffine sur place pour les besoins du marché domestique. Cette stratégie est incompatible avec le nouveau paradigme qui veut que le Sénégal, dans sa volonté d’accélérer son émergence, s’évertue à remonter la chaîne de valeur et à produire des biens manufacturés à haute valeur ajoutée plutôt qu’à!
exporter des matières brutes. La Sunéor doit donc chercher à augmenter la compétitivité de l’huile d’arachide raffinée localement par rapport à l’huile végétale importée, de façon à absorber une grande partie de l’offre d’arachide en coques et à satisfaire, avec l’huile d’arachide raffinée, la demande intérieure. L’engagement d’un vrai chantier de recherche de la productivité permettrait à la Sunuéor de sortir de sa situation inextricable et de résoudre son dilemme cornélien. D’autres PME pourraient la rejoindre dans ce domaine et produire de l’huile raffinée d’arachide, faisant ainsi du Sénégal un champion mondial pour cette niche de production.
L’Etat, au lieu de mettre en branle une alliance à courte vue avec les intérêts privés de la Sunéor, devrait donc plutôt, conformément au cahier de charges initial, défendre et imposer au repreneur de la Sonacos le choix d’une option stratégique de long terme qui ferait de l’huile d’arachide, produite et traitée au Sénégal, la principale consommation des populations.
Si les dirigeants de la Sunéor refusaient une telle option, l’Etat devrait négocier une rupture avec le repreneur, puis donner aux paysans la majorité des parts du capital de l’ex-Sonacos et leur céder les actions avec une large décote. Cette solution a un caractère symbolique, du fait de la place qu’occupe l’arachide dans le tissu social. Confrontée à une situation similaire, la Malaisie a réussi, au début des années 1980, à faire reprendre par le secteur privé local, à travers des opérations de rachat d’actions à la bourse, le contrôle de la société Guthrie qui exploite l’huile de palme.
Parmi les autres actions à entreprendre dans ce sillage, figure la révision de l’organigramme de la nouvelle Sonacos en donnant plus d’autonomie aux usines, en faisant de la Sonacos un holding et en transformant chaque usine en société autonome dont le capital sera ouvert aux paysans de la région concernée. En outre, il conviendra de confier la Direction générale de la société à l’expertise locale contrôlée par un système de gouvernance d’entreprise efficace (comité des comptes, comité des rémunérations, nomination d’administrateurs indépendants, etc.) et sanctionnée par un système d’indicateurs précis de performances.
Moubarack LO
Président de l’Institut Emergence
Email : lo.emergence@sentoo.sn
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