Il vient d’émettre une brillante idée, notre bien aimé président, qui suggère une évacuation des Haïtiens vers l’Afrique. En tout cas bravo. Vu l’ampleur du drame, toutes les idées sont les bienvenues, fussent-elles les moins réfléchies.
Une fixation sur le passé
L’Afrique, qui a du mal décoller et à résoudre ses innombrables difficultés liées à l’assainissement et à l’urbanisation, à l’image de Dakar, dont la banlieue patauge dans les eaux depuis les inondations des années passées, par quels moyens pourra-t-elle accueillir toute une population ou tout un pays situé à l’autre bout du monde ? A défaut de pouvoir proposer une solution pérenne et reloger les sinistrés des quartiers défavorisés de la capitale, malgré les piètres mérites du plan «?Jaxaay?» dont on ne nous dit pas où est passé une bonne partie du financement, Abdoulaye Wade, dans un élan de solidarité et de panafricanisme invétéré, propose de dépeupler Haïti, oubliant par là même, que charité bien ordonnée commence par les siens. S’il se limitait à évacuer les survivants seulement, comme cité dans l’article paru dans «?Le Soleil?», il n’y aurait pas à redire. Le Président doit sans doute ignorer à quel point le drame haïtien est sérieux pour servir de prétexte à un plan «?Jaxaay?» international. Que personne n’y voie une quelconque récupération politique ou tentative d’enrichissement illicite sur le dos des Haïtiens, comme ce fut le cas avec les sinistrés de la banlieue dakaroise. À force de passer le tiers de sa vie entre deux avions, Wade, qui a beaucoup de mal à poser ses pieds et ses valises sur terre, a fini par croire, que dans ce monde, tout reste suspendu dans l’air, que tout est amovible et synonyme de «?montgolfière?». Il a consacré un livre-pardon-, toute «?Une vie pour l’Afrique?», puis un monument, ou comment dire, une statue, comme il l’a reprécisé dernièrement. Et maintenant, pour parachever ses idées «?brillantissimes », Abdoulaye le polémiste propose le «?repeuplement?» du continent noir, pour un retour (presque forcé) vers la terre natale qui vient de franchir le milliard d‘habitants. Avec tous les drames qui sévissent sur le continent, ce n’est pas demain que l’Afrique ravira la vedette à l’Occident, en matière d’immigration. Ce n’est pas Abdoulaye Wade non plus qui reconduirait des étrangers dans leur pays d’origine. S’il commençait par nous dire, au cas où notre pays accepterait d’accueillir les populations haïtiennes, dans quelles conditions et avec quels moyens il comptait s’y prendre? A moins qu’on exige de ceux qui se sont permis de «?posséder?» des appartements et des sociétés à l’étranger de rembourser jusqu’au dernier centime l’argent du contribuable qu’ils ont confondu avec leur tirelire personnelle, afin de financer ce projet on ne peut plus utopique. Reste à supposer que Abdoulaye Wade, très nostalgique du 19ème siècle, croit que Marcus Garvey est encore en vie, et que le «?back to Africa movement?» est toujours d’actualité. Un beau jour, il finira par nous dire que c’est le Ku Klux Klan qui a fait trembler la terre en Haïti, après avoir déclenché la tempête Gustave il y a deux ans. N’y voyez aucun symptôme de la maladie d’Alzheimer, car chaque pays a ses propres calamités. Haïti a les siennes, qui suscitent beaucoup de compassion, et nous avons les nôtres, qui font autant de dégâts qu’un séisme, telles les déclarations d’un président qui a du mal à rester au dessus de la mêlée, et dont une sortie sur deux est source de polémique. Les populations haïtiennes, comme l’a dit et réitéré le Président, «?ont droit à la terre africaine?». Reste à savoir, si elles en veulent.
Momar Mbaye
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