Elu en 2000, Wade n’a fait que préparer les élections de 2007. Réélu, il a tout de suite commencé à préparer sa succession. Le prince héritier, lui, occupe déjà les devants de la scène politique, alors qu’il n’est membre ni du gouvernement ni de l’opposition. Il n’a qu’à croiser les bras et attendre qu’on lui remette le pouvoir, puisque ‘son destin présidentiel est irréversible’. Si l’on n’y prend garde, lui seul aura droit au ‘plan yakkal ma’. Et ce n’est pas du mafé qu’il aura dans son assiette, mais le Sénégal. On ne l’entend que quand il porte plainte contre les dignes fils du pays qui osent parler de lui, gagne ses procès et laisse le tribunal réclamer des sommes faramineuses.
Qu’est-ce que la construction de routes et d’hôtels à Dakar a à voir avec la création de cellules un peu partout dans les régions et même à l’extérieur ? L’insulte suprême est cette banderole ‘Génération du concret’ que l’on voit sur la corniche. Ils pourraient la mettre devant le palais présidentiel ou l’Assemblée nationale et nul ne songerait à l’enlever tant qu’Abdoulaye Wade n’en donnerait pas l’ordre. Que ceux qui soutiennent que c’est un mouvement apolitique expliquent pourquoi ses membres sont allés défier Macky Sall dans son fief (Fatick) en déclarant : ‘Karim Wade sera notre candidat en 2012.’
Est-ce que la génération du concret est un gamin sorti de nulle part, flanqué du garçon du terroir comme pour faire couleur locale, à qui on remet des centaines de milliards de francs que lui seul contrôle sans avoir de comptes à rendre ? Donnez ces milliards à n’importe qui, il fera pareil ou sans doute mieux. Faire du concret, c’est suivre l’exemple de ceux qui, comme Youssou Ndour, ont fait fortune à la sueur de leur front et ont créé des emplois, aidant ainsi d’autres honnêtes citoyens à s’en sortir.
Que deviendra Karim après l’Oci en 2008 ? Eh bien, il faudra que papa, qui le dit ‘toubab’, le case quelque part. Et la machine est en route. Aujourd’hui, qui veut se faire une place au soleil n’a qu’à se déclarer serviteur du prince et plébisciter les ‘chantiers révolutionnaires de dernière génération’.
Monsieur a de l’argent à distribuer. Mais quand il était soi-disant banquier à Londres, enviable poste qu’il aurait laissé pour venir servir son pays, avait-il 50 millions de francs à offrir pour la construction d’une mosquée mouride et plus de 50 tonnes de riz à distribuer à Touba pour acheter la conscience des talibés ?
Qu’on ne se voile la face en arguant qu’il est un Sénégalais et a le droit d’avoir des ambitions politiques. Là n’est pas la question. On ne lui reproche pas d’être métisse et d’avoir une femme blanche et on peut tolérer qu’il ne connaisse rien ou presque du pays qu’il voudrait diriger, mais doit-on accepter qu’il considère le Sénégal, et par conséquent les Sénégalais, comme la propriété privée de son papa dont il doit hériter ? Où était-il quand les gens se battaient sur le terrain pour que l’alternance ait lieu ? D’autres ont cultivé et c’est à lui de récolter les fruits. C’est cela qui est choquant, révoltant, inadmissible. S’il veut le pouvoir, qu’il crée son parti, puisqu’on lui en a donné les moyens, et entre dans l’arène.
Qui ne dit rien consent. Au lieu de freiner les élans antidémocratiques de son fils, Me Wade lui fraie le chemin vers les sommets en élimant tous les potentiels concurrents. Le pauvre Macky Sall en a fait frais. Tous ses proches sont écartés du pouvoir et lui, on l’a gentiment garé à l’Assemblée où il n’aura qu’à faire voter les lois qui lui seront dictées.
Mais comment faire subir le même sort à Idrissa Seck qui ne veut pas être numéro deux ? Depuis quelques semaines, l’on ne parle que du retour probable d’Idrissa Seck au Pds (gouvernement). Buur Saalum a pourtant dit que ce bonhomme ne sera pas son successeur, a vanté les qualités de Karim et a tout simplement ignoré Macky Sall. Que va-t-on chercher encore ?
Wade prétend que c’est Idy qui demande à revenir à ses côtés, et Idy pourra dire que c’est son parti qui veut la ‘réconciliation’. Le peuple sera encore une fois le dindon de la farce. N’est-ce pas Wade qui avait déclaré qu’il va traquer Idy pour qu’il rende les milliards détournés ? Pourquoi donc voudrait-il d’un voleur ? L’argument avancé est le regroupement de la famille libérale, or nous savons tous que Wade n’a plus besoin de personne pour régner et faire ce qu’il veut du pays, d’autant plus que l’opposition est quasi inexistante et que tous les politiciens du ventre, abominables opportunistes, retournent leurs vestes ou robes pour gagner de l’argent facile en chantant : ‘Vive le roi !’.
Pour que Wade garde son manteau de démocrate primé par la communauté internationale, il faudra organiser des élections ‘transparentes’ et faire en sorte que Karim gagne, or tant qu’Idy sera dans l’opposition, Karim n’aura aucune chance d’y arriver. Idy reste donc l’homme à maîtriser. Dire qu’il doit retourner dans sa ‘famille’, c’est pousser une vache à se rendre à l’abattoir. Les couteaux sont déjà aiguisés. Pour l’appâter, Wade doit enterrer les milliards volés qu’il ressortira quand il voudra, et promettre des postes importants aux militants de Rewmi qu’il enverra balader au prochain remaniement. En janvier 2007, quand Góór gi annonçait le retour de Ngóór si (‘Je lui ai demandé de revenir à mes côtés et il a accepté’), Farba-hors-du- commun, le ministre à la langue rodée aux injures et aux doigts prompts à dégainer une arme à feu pour menacer les populations en colère, avait laissé entendre sur les ondes d’une radio de la place que ce n’était qu’une astuce pour neutraliser Idy. Ce dernier, ayant flairé le coup, avait à nouveau dribblé son ‘père’ qui l’avait blanchi publiquement après l’avoir accusé et jeté en prison pendant sept mois.
Ramener Idy aux affaires serait aussi créer une guerre au sein du Pds et pousser les frères ennemis à s’entretuer au bénéfice de Karim qui n’aurait qu’à enjamber les cadavres des gladiateurs pour s’imposer. Donc, il faut laisser croire que c’est le comité directeur du parti qui jouera le rôle de César.
C’est alors que des marabouts, espoirs ici-bas et dans l’au-delà, montent au créneau, non pour dire aux Wade d’arrêter leur char parce que le peuple n’en peut plus, mais pour ‘réconcilier’ Macky Sall, ex-Premier ministre et actuel président de l’Assemblée nationale, et… Karim Wade. Comment peut-on continuer de répéter que le prince est un citoyen comme n’importe quel Sénégalais ?
J’avoue qu’il y a là quelque chose qui m’échappe.
Bathie Ngoye THIAM
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