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Contribution : La société sénégalaise a-t-elle perdu ses valeurs ?

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Contribution : La société sénégalaise a-t-elle perdu ses valeurs ?

L’affaire du film tristement célèbre du concours de danses obscènes organisé dans une boîte de nuit il y a deux ans et qui a atterri aujourd’hui au tribunal, continue de défrayer la chronique. Partout on en parle et les imams en font même leur principal thème de prêche en ce début de Ramadan. Même si elle ne semble plus signifier grand-chose, la pudeur a pourtant toujours été une valeur essentielle dans la société sénégalaise. La question qui nous taraude l’esprit c’est, qu’est ce qui s’est passé pour que la femme sénégalaise décrite et chantée jadis comme modèle de pudeur, en soit aujourd’hui arrivée à un stade où, elle semble avoir perdu complètement des valeurs essentielles comme le Sutura (retenue) et le Kersa (pudeur) ?

Il suffit de faire un tour dans les boîtes de nuit où se déroulent habituellement ces dites soirées sénégalaises pour se rendre compte qu’un mauvais procès est souvent fait aux femmes. Car, elles sont toujours considérées, à tort, comme les seules et uniques responsables de toute cette perversion. La responsabilité des hommes est toujours oubliée. Alors que ce sont eux qui organisent ces manifestations et qui constituent l’essentiel du public qui paie pour venir assister à ce genre de spectacles. Ce ne sont pas simplement des désœuvrés ou des déviants, mais des hommes de toutes catégories sociales et de toutes catégories socio-professionnelles. Des férus des boîtes de nuit racontent même que les soirées sénégalaises permettent aux promoteurs de réaliser les meilleures recettes. Ce qui est une preuve éclatante que les prestations offertes sont largement appréciées par le public, par les hommes. On constate donc que même si la responsabilité des danseuses est pleine et entière dans la chaîne d’expression de cette perversion, force est de constater qu’elles ne sont rien d’autre que de simples maillons et que les autres maillons restent occupés par les hommes.

C’est ainsi que, vouloir combattre la perversion par la répression comme c’est le cas avec les acteurs du film ‘Goudi town’ traînés au tribunal, ne nous semble pas être la stratégie la plus efficiente et la plus optimale. Loin de nous toutefois l’idée de faire l’apologie de la perversion, encore moins de l’encourager. Mais nous voulons tout simplement estimer qu’il est beaucoup plus pertinent de chercher à identifier d’abord les causes endogènes et exogènes de cette ‘déréglementation de la société’ avant de penser à proposer des solutions idoines.

Les origines de la perversion sont diverses et variées :

La mondialisation a fait qu’on est entrain aujourd’hui d’assister à ce qu’on peut appeler une démocratisation de la sexualité. Avec les Ntic et la libéralisation de l’audiovisuel, la mondialisation favorise beaucoup plus de libertés, de découvertes et d’aventures. Elle expose les jeunes aux agressions culturelles avec l’adoption de modèles importés, qui le plus souvent choquent les populations et finissent par pervertir la jeunesse.

Les familles sont aussi mises en cause. Le travail d’éducation et de socialisation qui se faisait afin de préparer les jeunes filles à intégrer la société, imbues de valeurs, ne se fait plus. Ce relâchement des parents en matière d’éducation, est aujourd’hui un des facteurs déterminants de la dépravation des mœurs dans notre société. Mais aussi, les dislocations des familles et les divorces fréquents ne sont pas pour faciliter les choses.

Egalement, l’individualisme a entraîné la disparition des cadres intermédiaires d’éducation, c'est-à-dire des tantes paternelles, des oncles et des grand-mères qui jadis, suppléaient les parents dans l’éducation des enfants et surtout des jeunes filles.

Enfin, la paupérisation grandissante de la société a aussi fait que beaucoup de parents sont pratiquement tout le temps absents des maisons, à la recherche de quoi faire vivre leurs enfants. Ce qui laisse ces derniers à eux-mêmes dans la rue où ils sont exposés à tous les dangers. Ce que certains considèrent comme une démission des parents.

On peut donc dire que la dégradation des mœurs, la perte des repères, le bouleversement de l’échelle des valeurs fondant notre dignité, trouvent essentiellement leurs sources dans la mondialisation, la paupérisation et la déliquescence de la famille. Leurs conséquences les plus immédiates sont la perte des valeurs. Tous ces phénomènes ne sont rien d’autres que des signes révélateurs d’une mutation profonde qui interpelle la société sénégalaise dans son ensemble.

La solution : elle passe non pas par la répression, mais par l’éducation, par un retour à nos valeurs traditionnelles et à la religion, qui sont les moyens les plus surs, pour extirper la perversion de nos mœurs.

Emile Durkheim a raison de dire que, c’est la force de la société qui peut et qui doit discipliner l’individu tout en lui offrant un minimum de sécurité et de solidarité. Mais si aujourd’hui la société ne parvient plus à jouer convenablement ce rôle, c’est parce que la famille, la religion et l’Etat n’offrent plus un cadre social réellement valable pour l’intégration des individus.

La famille n’offre plus une protection efficace contre les menaces. La religion, malgré le travail, sans relâche d’éducation et de conscientisation des fidèles, abattu par les abbés et les imams, semble aujourd’hui avoir perdu sa fonction de contrainte sociale. Enfin, l’Etat, placé trop loin de l’individu et trop autoritaire, n’arrive plus à remplir sa fonction d’intégration.

Etant donné que c’est par le mécanisme de la socialisation que les individus arrivent à partager les mêmes sentiments, à respecter les interdits et les obligations, il s’ensuit que le problème social de notre société est un problème lié au mécanisme de la socialisation. Au point de départ il y a l’individu dominé par l’égoïsme naturel, animé de désirs infinis, qu’il faut discipliner pour que l’ordre social soit possible. Si l’éducation suppose une autorité, celle-ci ne doit pas être brutale, imposée par la force : elle doit être voulue et aimée. C’est ainsi que les individus pourront prendre conscience des normes auxquelles ils doivent obéir afin que la société fonctionne normalement.

C’est seulement et uniquement par l’éducation qui s’inspirerait de nos valeurs traditionnelles et de la religion, que l’homme décrit par Auguste Comte comme ‘un humain bâti sur un fond d’animalité’, arriverait à se discipliner et à accepter les règles et normes édictées par la société et à s’interdire lui-même tout acte de perversion et par delà, tout autre comportement déviant.

Birane LO Doctorant en Sociologie UCAD

lo.birane@caramail.com



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