COMMENTAIRE - Condamner l'autre monstre

À plusieurs reprises depuis 2 000, la presse nationale, dans sa quasi-totalité, n'a pas hésité à faire une sortie « musclée » pour dénoncer les dérives liberticides d'un pouvoir de l'alternance qui, par instinct de conservation ou par aveuglement, est devenu, par la force des choses, frileux , ombrageux et, de plus en plus, agressif à l'endroit de la presse nationale. Les exemples sont nombreux. Convocations successives de nombreux journalistes à la Dic, procès devant les tribunaux, fermeture et suspension de Sud com…la liste est longue. Dans un élan unitaire, une bonne partie de cette même presse nationale avait fermement dénoncé cette « martialisation » de l'attitude du pouvoir de l'alternance. Un pouvoir qui, il faut avoir le courage et l'honnêteté de l'avouer, doit beaucoup à cette même presse nationale contre qui il s'est aujourd'hui braqué. Un éditorial commun avait même, à certaines occasions, été fait pour dénoncer ce « monstre » incarné par l' actuel pouvoir. Depuis lors, les relations entre le pouvoir de l'alternance et une bonne partie de la presse nationale sont restées crispées, tendues. Toutefois, il est important de souligner que, de la même manière que nos confrères avaient dénoncé ce « monstre »temporel , ce « big brother » des temps modernes, de cette même manière, nous devons dénoncer avec vigueur, fermeté et détermination, ' l'autre monstre ». Cet « autre » monstre qui, au lieu de rester dans sa tour d'ivoire confrérico-spirituelle investit, progressivement, la « jungle » politique. Or, comme tout le monde sait, ce champ politique, cette jungle politicienne, n'est pas fait pour ceux qui ne savent pas encaisser les « coups ». Des « coups ». Tous les « coups ». Serigne Cheikh Béthio Thioune avait déjà donné le ton dans une interview accordée à « l'Observateur ». C'était dans notre édition numéro 854 du vendredi 28 avril passé. Tout à la fin de son propos, le serigne avait dit, dans un ton aux forts relents de mise en garde voire de menace, ceci : « Je n'insulte personne et j'ai demandé à mes talibés de ne jamais proférer des injures à l'endroit des autres. Toutefois, que les gens qui pourraient m'adresser des propos orduriers prennent leurs responsabilités. Je ne serai pas comptable de ce qu'ils feront avec mes talibés » Si ces propos ne sont pas une « invite déguisée » à sévir au cas où…, qu'on nous dise de quoi il s'agit ? Qu'a dit Pape Cheikh fALL, le correspondant de la Rfm à Diourbel, au point de subir les foudres d'une « bande de talibés -agresseurs » ? Rien de grave. Sinon que d'exercer son activité de journaliste. En relatant, pour l'occasion, la réaction d'autres talibés, du même… serigne Béthio , qui, eux, n'ont pas apprécié la sortie de leur « guide » dans les colonnes de l'Observateur. Une interview dans laquelle le « marabout » donnait les raisons qui l'ont poussé à descendre dans l'arène politique à Thiès : « Faire réélire en 2 007, avec ses quatre millions de talibés qui lui sont dévoués, le Président-candidat Wade. » Voilà le « mobile » de cette tentative d'assassinat de notre confrère. Rien d'autre. Maintenant, au-delà de cet acte barbare, il faut que l'on sache, qu'il y a des journalistes qui ne sont pas prêts à se laisser « dévorer » par quelque « monstre » que ce soit. Sans se défendre. Avec les moyens dont ils disposent. Déterminés à se défendre contre toutes formes d' agressions. A protéger, surtout, leur intégrité physique. Car ce n'est qu'un début. Malheureusement. Nous nous dirigeons vers des échéances électorales décisives. Une bataille aux enjeux politiques multiples. et qui est grosse de tous les dangers. Il faut juste noter que c'est dommage et regrettable qu'on en arrive à tant de dérives et d'excès dans notre pays après que tout le monde ait salué cette « éclaircie électorale et politique » qu'a été l'avènement de l'alternance. Dommage aussi qu'au moment où ce genre de dérives se produit chez nous, au moment où le ciel s'assombrit sous cette « terre de paix , de tolérance et de dialogue », certains de nos voisins dans le continent ne cessent de nous montrer le… chemin. Le Bénin tout dernièrement. Le Libéria un peu auparavant. Le Mali, la Guinée Bissau, le Cap-vert et bientôt d'autres pays encore. Tous, pourtant, ont toujours considéré le Sénégal comme une « référence démocratique », un pays de tolérance, de stabilité. Il faut souligner, en passant, que cet acte inadmissible de prétendus fanatiques n'est pas une première dans notre pays. Mais il est simplement regrettable que l'Etat, qui est censé protéger tous les citoyens, n'ait pas réagi de façon diligente. Nous espérons que cette réaction ne va tarder. En attendant, c'est le « marabout » lui-même que le groupe Futurs médias décide de traduire devant la justice.