Des affrontements ont repris lundi entre forces de l'ordre et manifestants à Tataouine, dans le sud marginalisé de la Tunisie, où les protestataires réclament les milliers d'emplois promis par le gouvernement en 2017.
Des heurts ont de nouveau éclaté, lundi 22 juin, dans la ville de Tataouine, dans le sud de la Tunisie, entre forces de l'ordre et manifestants. Ces derniers réclament des emplois et l'application d'un plan d'embauche promis par l'exécutif en 2017.
"La situation est dangereuse, de la fenêtre de ma maison je vois les forces de police tirer du gaz lacrymogène et poursuivre des jeunes", décrit Ismail Smida, un habitant de Tataouine, à Reuters. Un autre témoin a également fait état d'échauffourées entre les policiers et des centaines de manifestants jetant des pierres, bloquant les routes et réclamant leur "droit au développement et à l'emploi".
L'armée a été déployée devant les établissements de l'État, a indiqué le ministère de la Défense.
Appel à la grève générale
Dénonçant un recours à la force "excessive et injustifiée" contre les manifestants, la puissante centrale syndicale UGTT a appelé à une grève générale lundi à Tataouine. Les commerces étaient ouverts, mais les services publics et institutions étatiques sont restés fermés, selon les correspondants de l'AFP.
Depuis plusieurs semaines, des jeunes et chômeurs de Tataouine, ville située à 500 km de Tunis, observaient un sit-in pour réclamer l'application d'accords signés en 2017 avec le gouvernement, promettant des emplois et des investissements dans cette région marginalisée. Ils bloquaient ponctuellement certaines routes de la ville et les camions des sociétés d'exploitation de gaz et de pétrole desservant le site de production d'El Kamour, situé à 160 kilomètres de là, en plein désert.
Selon le ministère de l'Énergie, ces troubles n'ont pas eu d'impact sur la production de pétrole et de gaz, contrairement à 2017, lorsque les protestataires avaient fini par bloquer les vannes des pipelines. Le gouvernement avait alors promis d'investir chaque année 80 millions de dinars (quelque 27 millions d'euros) pour le développement de Tataouine, sans que cela ne se concrétise, selon le syndicat UGTT. Et seule une partie des milliers d'emplois promis, dans des sociétés pétrolières ou des structures d'entretien de l'environnement, ont été créés.
Tataouine, région la plus touchée par le chômage
Dix ans après la révolution, Tataouine, zone de l'extrême sud tunisien, où se trouve la majorité des faibles ressources tunisiennes en hydrocarbures, reste sous-développée, a souligné l'ONG Oxfam dans un rapport publié lundi sur les inégalités.
En 2019, "un habitant de Tataouine, région la plus touchée par le chômage (28,7 %), a quatre fois plus de chance d'être au chômage qu'un habitant de Monastir", zone côtière avantagée, souligne Oxfam. Les services de santé publics sont eux aussi très mal répartis, avec 10,2 lits de réanimation pour 10 000 habitants à Tunis, contre 0 à Tataouine.
Le président Kais Saied, en visite en France lundi, avait rencontré en janvier des militants de Tataouine, les invitant à proposer des idées de projets sans attendre l'État.
Le gouvernement "veut nous piétiner"
Le ministre tunisien de l'Emploi, Fethi Belhaj, a assuré dans une interview avec une radio privée que le gouvernement s'engageait à respecter "l'ensemble des accords" de 2017. "Les revendications des protestataires sont légitimes (...) à condition de ne pas entraver les institutions de l'État", a-t-il ajouté.
"Le gouvernement n'a aucune intention de tenir à ses promesses, il veut nous piétiner", a accusé pour sa part Khalifa Bouhaouech, membre de la coordination du sit-in d'El Kamour. "Cela fait un moment qu'on envoie des lettres (...) aux responsables de l'État mais nous n'avons reçu aucune réponse, donc la solution est de retourner protester", a-t-il estimé.
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