Talentueux mais volcanique, Daniil Medvedev a longtemps peiné à contenir sa colère, Flushing Meadows s'en était aperçu à ses dépens en 2019. Deux ans plus tard, il a su contrôler ses émotions pour ne laisser s'exprimer que son jeu et remporter l'US Open, son premier Majeur.
Il fallait croire le Russe de 25 ans quand il affirmait avoir retenu les différentes leçons du passé et que l'expérience accumulée le rendait meilleur.
Sa quinzaine new-yorkaise en a été l'éclatante démonstration, jusqu'à l'apothéose de dimanche où il a été parfait pour battre (6-4, 6-4, 6-4) Novak Djokovic et l'empêcher de réaliser l'exploit historique d'un Grand Chelem calendaire.
Le tout sans jamais se laisser déborder par l'émotion, même s'il l'a reconnu que ce ne fut pas toujours facile, notamment quand le public du Arthur Ashe a fortement soutenu le Serbe au 3e set, espérant le voir réussir une impossible remontée.
"C'était vraiment difficile. Je savais que la seule chose que je pouvais faire, c'était me concentrer. Je ne sais pas ce qui aurait pu se passer s'il était revenu à 5-5. J'aurais pu commencer à devenir fou", a avoué après-coup le Russe, sachant parfaitement de quoi il est capable quand la machine s'enraye et à quel point cela lui a porté tort depuis l'enfance.
- "J'étais fou!" -
C'est un peu par accident, que Daniil s'est retrouvé avec une raquette dans la main droite à l'âge de 9 ans. En l'emmenant à un cours de natation, sa mère Olga est tombé sur une annonce pour des leçons de tennis et son père Sergey, ingénieur informatique, trouva que l'idée de l'y inscrire était bonne.
Il ne savait pas alors que le budget raquettes lui coûterait cher. Car lorsque les choses lui échappent, son fils se revèle être une boule de nerf sur un court.
"J'étais fou !", avoua-t-il à L'Equipe en 2019. "Vous n’imaginez même pas comment j’étais jusqu’à dix-neuf ans… Je ne sais pas d’où ça vient, mais vers dix ans j’ai commencé à faire n’importe quoi sur le court."
"Je criais, pleurais, cassais des raquettes... Tout ce que vous pouvez imaginer, je le faisais. Je n’ai jamais aimé être comme ça. À partir de quatorze ans, je pouvais perdre beaucoup de matches à cause de cette attitude. Et après chaque défaite, je ressassais longtemps.", racontait-il alors.
Après des études de physique, mathématiques, puis de commerce, ce gamer fan de "Fifa" - comme cela s'est vu dimanche, lorsqu'il s'est laissé tomber sur le ciment façon "poisson mort", recréant une célébration de but présente dans le jeu vidéo -, a fini se consacrer entièrement au tennis. Et ses parents avec, puisque la famille part vivre avec lui à Antibes en 2014.
Il a alors 18 ans, intègre l'Élite Tennis Center à Cannes et rencontre celui qui est encore aujourd'hui son entraîneur, Gilles Cervara.
- Majeur tendu -
Medvedev est encore un inconnu sur le circuit en 2017, quand il dispute son premier Wimbledon et s'y fait remarquer. Battu au 2e tour par un Belge, Ruben Bemelmans, il jette des pièces de monnaie au pied de la chaise, estimant que l'arbitre avait été corrompu.
Mais il finit par comprendre quelque temps plus tard que cette attitude ne l'aide pas. Juste avant l'US Open 2019, Medvedev explique avoir recours à une préparatrice mentale pour l'aider à se canaliser. "Souvent ça marche. Mais ça ne veut pas dire qu'il n'y aura pas un match où, d'un coup, je vais complètement péter les plombs."
Et cela s'est justement produit à Flushing Meadows. Face à l'Espagnol Feliciano Lopez, il se qualifie sous les huées du Louis Armstrong, après avoir arraché sa serviette des mains d’un ramasseur de balles, lancé sa raquette vers sa chaise et tendu un majeur devant la caméra. "Merci à tous, plus vous me sifflez, plus vous me donnez de l’énergie", lance-t-il provocateur à souhait.
"J’ai été un idiot. Je travaille pour devenir un homme meilleur sur le court", s'excusa-t-il plus tard. Les sifflets ne cesseront qu'en finale, un combat titanesque finalement perdu face à Rafael Nadal. "Je garderai toujours le souvenir de cette soirée, car grâce aux spectateurs je me suis battu comme un diable", dit-il passé de "bad boy" à chouchou.
En deux ans, la glace a remplacé le feu dans les veines de Medvedev, désormais détenteur de 13 titres ATP et qui a aussi puisé dans la lourde défaite en finale de l'Open d'Australie en février dernier contre Djokovic pour passer enfin un cap.
"Cette année, je n'ai pas eu ces histoires, et c'est une bonne chose", disait-il après sa demi-finale. Epanoui avant l'heure.
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