La fiche de paye du Président
Obama a frappé fort dès son premier jour à la Maison-Blanche, en annonçant le gel de son salaire et de ceux de ses principaux collaborateurs : "En cette période de difficultés économiques, les familles américaines sont obligées de se serrer la ceinture, et c’est aussi ce que Washington devrait faire (...). Certains dans cette pièce seront concernés par ce gel de salaire, et je veux que vous sachiez que j’apprécie votre bonne volonté."
Ce gel concerne les fiches de paye supérieures à 100 000 dollars par an (78 000 euros), soit une centaine de personnes sur les 450 employées à la Maison-Blanche. Avec son salaire de 400 000 dollars (312 000 euros), Obama ne se serrera pas tant que ça la ceinture, mais le symbole est fort.
Sarkozy a lui aussi frappé fort, mais dans le sens inverse. Fin 2007, il a obtenu du Parlement une augmentation de 140% de son salaire. Pour justifier ses 20 000 euros mensuels, l’argument était tout trouvé : le Président français gagnait beaucoup moins que son homologue américain.
La crise et l’obligation morale de se serrer la ceinture n’étaient pas encore là, mais le geste était pour le moins maladroit. Résultat : Obama 1 - Sarkozy 0.
Le salaire des patrons
Là encore, Obama a été conforme à son image. Mercredi, il a posé ses conditions : les patrons bénéficiant d’une aide publique devront plafonner leurs salaires à 500 000 dollars. Ils pourront réclamer des suppléments à leurs conseils d’administration, mais sous la forme d’actions "restreintes". Des titres dont ils ne bénéficieront qu’après avoir remboursé l’aide.
Le sacrifice est loin d’être symbolique. Selon Les Echos, les rémunérations annuelles (bonus et stock-options inclus) atteignent par exemple 70,3 millions de dollars pour le patron de la banque Goldman Sachs, et 15,7 millions pour celui du constructeur automobile General Motors.
Et en France ? L’Etat se porte au secours de nombreux secteurs d’activité, mais seuls les banquiers devront se serrer la ceinture. En octobre, ils avaient bénéficié d’une première aide de 10,5 milliards d’euros, sans impact sur leurs fiches de paie. Sarkozy est prêt à leur accorder une seconde aide d’un même montant, mais il pose ses conditions.
Les banquiers devront renoncer à leur bonus cette année. Exemple : Baudoin Prot, directeur général de BNP Paribas, avait obtenu une aide de 2,55 milliards d’euros en octobre. Pour que l’Etat se porte à nouveau à son secours, il devra oublier son bonus de 2,27 millions d’euros. Et se contenter de son salaire fixe de 900 000 euros.
Une décision frappant sévèrement tous les patrons aidés d’un côté, une mesure plus timide et ne concernant que les banquiers de l’autre. Résultat, donc : Obama 2-Sarkozy 0.
Le poids des mots
Fidèle à ses habitudes, Sarkozy est resté très pragmatique dans son discours de Vesoul, le 15 janvier. Pas d’envolée lyrique lorsqu’il s’agit d’expliquer la suppression des bonus des banquiers :
"L’Etat est intervenu pour éviter des faillites pour que les gens ne se pressent pas aux guichets pour chercher leurs économies. Mais ce n’est pas pour que l’on distribue les dividendes à tout va ou que l’on continue avec les bonus. Eux aussi doivent faire un effort. Il ne peut pas y avoir des efforts en bas et pas d’efforts en haut. Tout le monde doit faire un effort. Ce sont les Français qui jugeront. Moi, je le ferai dans la transparence la plus totale."
Le discours d’Obama annonçant le gel des salaires des patrons, le 4 février, allait tout de même un peu plus loin : "Nous devons être responsables. Ceci inclut les dirigeants des firmes financières qui se sont tournés vers le peuple, le chapeau à la main, quand ils étaient dans l’embarras, même lorsqu’ils se sont octroyé leurs habituels et somptueux bonus. J’ai dit la semaine dernière que c’était le summum de l’irresponsabilité. C’est honteux. C’est exactement cette sorte d’indifférence vis-à-vis du coût et des conséquences de leur attitude qui a déclenché la crise : une culture d’intérêt personnel étroit et un gain à court terme aux dépens de tout autre chose."
Jeudi soir, pendant son interview à la télévision, Sarkozy n’avait pas changé d’avis. Difficile de critiquer ouvertement la mesure d’Obama. "Je suis en train d’y réfléchir, a assuré Sarkozy, mais je ne suis pas trop pour une règle générale." Car un plafonnement des salaires les plus généreux ferait fuir les managers, et "l’intérêt de la France, c’est d’avoir les meilleurs managers".
Résultat : Obama 3-Sarkozy 0. Mais une fois ces gestes symboliques accomplis, lequel de ces deux Présidents sera le plus efficace face à la crise ? Le match reste ouvert.
Source : Rue89
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