Le romancier américain Tennessee Williams ne savait pas si bien dire qui écrivait : ‘Il est des sentiments que rien ne peut toucher sous peine de corruption’. Au Sénégal, l'affaire de corruption qui secoue actuellement la justice a le don de révéler que moins l'intime conviction du juge, ce sont les fibres sentimentales de celui-ci qui sont sollicités. Moyennant espèces sonnantes et trébuchantes. Et les révélations d'Aminata Mbaye sur l'existence de la corruption dans le système judiciaire sénégalais, confortées par les déclarations du bâtonnier de l'Ordre des avocats, Moussa Félix Sow, ne laissent de la place à aucune once de négation. Le mal est là, bien visible tel le nez au milieu de la figure.
Certes les raisons sont multiples et variées qui pourraient expliquer la récurrence de ce phénomène qui flétrit les décisions de justice. Mais, l'une d'entre elles, et pas des moindres, demeure le contact facile entre le juge et les justiciables. Les cloisons ont sauté pour céder la place à une familiarité déconcertante. Le juge chargé de dire le droit reçoit les justiciables comme un médecin en ferait pour ses patients. Un tour au Bloc des Madeleines suffit pour s'en convaincre. Les couloirs qui mènent au bureau des juges sont squattés par les justiciables. En file indienne, chacun attend son tour afin d'exposer son cas au juge. Il n'est pas rare de voir un avocat faire le pied de grue au milieu de ce beau monde pour être reçu par un juge. ‘Ce n'est pas normal’, se plaint ce spécialiste du droit. ‘L'avocat doit être reçu en priorité par le juge’, argumente-t-il. Notre interlocuteur n'a pas tort parce que le rôle du juge n'est pas de recevoir des clients. Parce qu'il ne doit pas en avoir. Youssou Ndiaye, alors ministre de la Justice l'avait si bien compris qu'il avait installé une police au niveau du tribunal. Les justiciables n'y entraient que sur convocation. ‘Il y avait même une note de service qui précisait que les juges ne doivent pas recevoir les justiciables, sauf cas exceptionnel’, se rapelle notre interlocuteur un tantinet nostalgique.
Mais, il semble loin cette période. Aujourd'hui, on entre au palais de justice comme dans un moulin à mil. Entre les juges et les justiciables, on est ‘à tu et à toi’. Du coup les avocats en sont réduits à une posture de faire valoir. On préfère prendre langue avec un juge ou un procureur que de se confier à un avocat.
Tel, un grand ‘big-bazar, le bloc des madeleines, tel qu'il est configuré en en lui-meme un facteur corruptogène. Et au plus fort du récent mouvement revendicatif de l'Union des Magistrats du Sénégal pour un meilleur cadre de distribution de la justice, le garde des sceaux, cheikh Tidiane Sy, avait promis la réception du nouveau palais de Lat-Dior en decembre 2006. Il est attendu au tournant.
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Allons Y Molo
En Octobre, 2010 (18:36 PM)Participer à la Discussion