GAO, Mali (AP) - Le ministre français de l'Intérieur Nicolas Sarkozy, qui entame mercredi une visite de trois jours au Mali, au Bénin et au Liberia, n'est pas le bienvenu sur le continent noir, estiment des Maliens qui lui reprochent ses positions sur l'immigration "subie" ou la "racaille" à passer au "Kärcher".
De nombreux migrants africains en France sont originaires du Mali, notamment de la région de Kayes (ouest). En 2003, Nicolas Sarkozy s'y était rendu pour plaider en faveur d'une nouvelle politique d'immigration privilégiant les aides au retour pour les Maliens désireux de mettre en oeuvre des projets de développement dans leur pays.
Depuis, le ministre a présenté un nouveau projet de loi sur l'immigration durcissant les conditions d'obtention des titres de séjour, avec l'ambition de passer d'une immigration "subie" à une immigration "choisie". Il instaure un système de quotas qui ne dit pas son nom et un nouveau titre de séjour "compétences et talents", de trois ans renouvelables, destiné à certaines catégories d'étrangers (sportifs, informaticiens, médecins, etc.).
Dans la foulée de la première loi Sarkozy sur l'immigration du 26 novembre 2003, les conditions du regroupement familial sont à nouveau renforcées tandis qu'il est mis fin aux régularisations de sans-papiers après dix ans de séjour illégal en France.
"Pour l'arrivée de Nicolas Sarkozy au Mali, les Maliens doivent lui réserver un accueil noir, à la hauteur de son mépris pour les Noirs...", souhaite avec rage Hamidou Aljoumagat, un jeune vendeur sur le marché de Gao, localité située à 1.220km de la capitale, Bamako, sur la route des migrants partis pour l'Europe.
Après s'être déjà vu refuser deux fois un visa pour la France, il se demande ce que Nicolas Sarkozy vient faire en Afrique. "Si c'est pour nous parler d'immigration choisie et de fermeture des frontières, il peut rester chez lui", estime-t-il.
Comme lui, de nombreux Africains souhaitent se rendre en France ou d'autres pays européens, dans l'espoir de trouver un travail correctement payé et une vie meilleure. Faute d'avoir obtenu un visa, beaucoup tentent de gagner l'Europe clandestinement. L'une des principales routes de ce périple, parfois mortel, vers l'Europe passe par Gao, dans l'est du Mali.
De là, les migrants originaires d'Afrique de l'Ouest gagnent la Mauritanie, où ils embarquent sur des bateaux souvent surchargés pour un périlleux voyage vers les Canaries (Espagne). D'autres tentent de rallier, à travers le Sahara, les enclaves espagnoles de Melilla et Ceuta au Maroc.
Hamadou Maiga estime que Nicolas Sarkozy devrait faire la queue devant l'ambassade du Mali pour demander un visa, comme les immigrés. "Ce n'est pas humain aujourd'hui, au regard de nos liens historiques, que la France ferme ses portes à nos enfants", dit-il. "Les Blancs sont hypocrites... Quand ils venaient nous coloniser, ils n'ont pas demandé de visa pour venir. En plus de l'esclavage, ils ont pillé nos richesses", accuse l'octogénaire.
Zeinabou Wallet, présentatrice sur une radio, souligne que "la France sportive rayonne par les enfants de l'immigration comme Zidane, et autres Ladji Doucouré. Aujourd'hui, Sarkozy doit comprendre cette donne nouvelle: La France, c'est black, blanc et beur".
Mohamed Moaouloud, un enseignant, explique pour sa part qu'il restera au Mali. "Si Sarkozy ne veut pas de nous, pourquoi s'ennuyer? Les jeunes doivent comprendre que le salut de notre continent et son avenir ne sont pas en Europe ou en France, mais dans notre capacité à travailler", conclut-il. AP
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