C'est l'inconnue du 800 mètres, l'invitée inattendue sur la plus haute marche du podium. Une invraisemblable gamine de 18 ans a plané, mercredi 19 août, sur la piste bleue des Mondiaux de Berlin. La Sud-Africaine Caster Semenya a fauché l'or en 1'55''45, meilleure performance mondiale de l'année. La jeune surdouée a surclassé la tenante du titre, la Kenyane Janeth Jepkosgei, 25 ans, arrivée deux secondes plus tard.
Une prodige ? Avec sa mine adolescente, sa voix chaude, son duvet, ses muscles hors-normes (comparés au physique maigrichon de ses rivales) et sa démarche pleine de grâce... masculine, Caster Semenya jette le trouble sur sa féminité. Si la médaillée d'or était un homme ? Ou un hermaphrodite ? Cette question des plus sérieuses est l'objet de recherches de la Fédération sud-africaine et de la Fédération internationale d'athlétisme (IAAF).
Les rumeurs ont commencé à se propager lors des championnats du monde junior, fin juillet à l'île Maurice, lorsque la Sud-Africaine a réalisé 1'56''72 sur 800 mètres. Trois mois plus tôt, elle avait parcouru cette distance en 2'11''98. C'est donc un incroyable chrono qu'elle vient de signer à Berlin. " Nous avons contacté les gens de la Fédération sud-africaine pour savoir s'ils avaient des documents permettant d'établir son sexe, a expliqué Nick Davies, porte-parole de l'IAAF. Ce sont ces documents qu'ils sont en train de recueillir, mais il faut savoir que c'est un processus complexe, qui prend du temps et coûte cher."
"Doute visuel"
Lors de la traditionnelle conférence de presse d'après course, la nouvelle championne du monde a été remplacée par... le secrétaire général de l'IAAF, Pierre Weiss. "Elle est jeune, elle n'est que junior, elle n'est pas préparée à répondre aux questions que vous êtes en droit de lui poser", a-t-il lancé devant les médaillées d'argent et de bronze, littéralement médusées. M. Weiss a tenu à préciser que des tests de féminité étaient actuellement réalisés par des médecins, en Allemagne et en Afrique du Sud, dont les résultats seraient connus dans deux ou trois semaines. "Oui, elle sera à la cérémonie des médailles, a lâché Pierre Weiss avec un sourire de circonstance. Il serait totalement injuste de l'exclure. Il n'y a pas de preuves qu'elle ne soit pas une femme, il y a juste un doute visuel." Pas suffisant pour radier l'athlète. "Mais comment aurions-nous pu éviter cette controverse ? Personne ne la connaissait il y a encore deux semaines, a ajouté le secrétaire général. Nous avons pris des dispositions. Laissez-nous le temps de faire ce que nous avons à faire."
La jeune Caster Semenya garde, semble-t-il, le moral, selon son entraîneur Michael Seme qui a raconté une récente anecdote. Caster Semenya s'est vue refuser l'entrée des toilettes femmes dans une station-service du Cap par un employé. Elle a ri et lui a demandé s'il voulait qu'elle baisse son pantalon pour lui prouver qu'elle était bien une demoiselle.
Les sportives des pays de l'Est des années 1960, bourrées de testostérones, avaient incité la Fédération internationale d'athlétisme à réaliser des tests salivaires de féminité. Selon Jean-Pierre de Mondenard, auteur du Dictionnaire du dopage (2004), en 1964, "lors des jeux de Tokyo, 26,7 % des athlètes médaillées d'or n'étaient pas des femmes authentiques".
En 1992, l'IAAF a décidé de stopper ces tests ."Ils n'étaient pas sûr à 100 %", souligne M. Weiss. A cette époque, une Espagnole avait été radiée des épreuves d'athlétisme à la suite d'examens de l'IAAF révélant qu'il s'agissait d'un homme. Des tests ultérieurs avaient prouvé que l'athlète était bien de sexe féminin !
Si des athlètes naissaient avec les deux sexes ? C'est peut-être le cas de Santhi Soundarajan. Il y a trois ans, cette Indienne a perdu sa médaille d'argent du 800 mètres, gagnée aux jeux asiatiques de Doha (Qatar), après avoir échoué aux tests de féminité. Elle a, depuis, tenté de se suicider...
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