Les Émirats arabes unis menaceraient d'annuler l'achat de satellites français, soupçonnés d'être équipés de mouchards américains, selon un site de défense. Mais certains experts penchent plutôt pour une intox orchestrée par un concurrent malheureux.
Le scandale Prism et l’appétit de la NSA pour l’interception des données électroniques risquent-t-ils de remettre en cause un important contrat de défense entre la France et les Émirats arabes unis (EAU) ? C’est, en tout cas, l’impression que laisse un article publié, dimanche 5 janvier, sur le site américain Defensenews. Il affirme que des responsables émiratis ont découvert que les deux satellites français d’observation du contrat “Falcon Eye”, qui doivent être livrés en 2018, posent de sérieux “problème de sécurité”. Ils contiendraient des composants d’origine américaine dotés de porte-dérobées informatiques (backdoor) permettant d’intercepter les communications entre les satellites et la station de réception au sol.
“Si ce problème n’est pas résolu, nous sommes prêts à annuler tout le contrat”, a affirmé un haut responsable des EAU sous couvert d’anonymat à Defensenews. Le même précise que cette faille de sécurité a été découverte par Abu Dhabi en septembre 2013 et que l’émirat a demandé, à l’époque, à la France de remplacer les modules incriminés.
Pour la France, la perte de ce contrat, qui s’élève à 700 millions d’euros, serait un sérieux revers. L’accord avait été obtenu en juillet 2013, grâce notamment à l’implication personnelle du ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian. Paris n’avait pas décroché de contrat de livraison de matériel militaire avec les Émirats arabes unis de cette importance depuis 2007. Motif supplémentaire de réjouissances à l’époque : la France avait remporté le gâteau face aux Américains, réputés être les champions en la matière.
Contactés par FRANCE 24, les deux maîtres d’œuvre des satellites - Astrium (groupe Airbus) et Thalès - ainsi que le ministère de la Défense ont refusé de commenter les informations publiées par Defensenews.
Tentative de sabotage de la part d'un concurrent ?
Ces “révélations” peuvent surprendre sur plusieurs aspects. À tel point que certains y voient la main de l’un ou l’autre des concurrents malheureux de la France (États-Unis, Chine ou Russie). Certes, l'idée de trouver des composants américains sur du matériel ultrasophistiqué français n'a rien d’anormal aux yeux d’Alexandre Vautravers, chercheur associé au Centre genevois de politique de sécurité (GCSP), pour qui "la globalisation et la haute technicité de ces produits fait qu’il est difficile de s’affranchir à 100 % du savoir faire américain”.
Mais est-ce que cela implique forcément la présence de mouchards de la NSA ? “Dans le cas de ces satellites d’observation, je ne vois pas trop l’intérêt des Américains de mettre des portes dérobées”, affirme Alain Charret, ancien cadre de l’armée de l’air et spécialiste des techniques de guerre électronique.
Pour lui, les satellites du contrat “Falcon Eye” ne prennent que des photos que les services américains de renseignement peuvent facilement se procurer grâce à leur propre réseau satellitaire. “Le seul avantage pour les Américains seraient de savoir quelles sont les zones qui intéressent les EAU”, reconnaît-il. Un type d’informations que les États-Unis devraient, d’après cet expert, pouvoir obtenir plus simplement d’un pays allié comme les Émirats arabes unis.
Mais le fait qu’il existe ou non des mouchards américains embarqués sur ces satellites français ne serait, en fait, “qu’accessoire” pour Alexandre Vautravers. Il ne pense pas que les ingénieurs des EAU ont pu, deux mois après la conclusion du contrat, découvrir une faille de sécurité de cet acabit qui avait échappé aux ingénieurs d’Astrium ou de Thalès. “C’est plus probablement une tentative de sabotage du contrat de la part d’un concurrent”, juge également Alain Charret.
L’article de defensenews fait d’ailleurs état de pourparlers qui auraient repris entre Abu Dhabi et la Russie ou la Chine. “Certes, acheter des satellites chinois ou russes revient à moins cher, mais n’offre aucune garantie supplémentaire en matière de sécurité”, note Alexandre Vautravers. Pour lui, comme pour Alain Charret, le suspect principal serait plutôt à chercher du côté des États-Unis.
Les Américains joueraient alors un drôle de jeu. Pour remettre leur technologie en course, ils laisseraient entendre que les satellites concurrents français sont équipés de composants américains… “C’est certes paradoxal, mais on a vu plus bizarre dans ce genre d’affaires”, conclut Alain Charret.
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3 Commentaires
Jklory
En Janvier, 2014 (01:44 AM)Charetier
En Janvier, 2014 (03:20 AM)Kanni
En Janvier, 2014 (20:07 PM)Participer à la Discussion