Les Européens doivent cesser de ménager Vladimir Poutine sous couvert de "pragmatisme" et s'opposer plus frontalement à ses attaques contre les droits humains, a demandé mercredi Daria Navalnaya, fille de l'opposant russe emprisonné Alexeï Navalny, venue à Strasbourg recevoir en son nom le prix Sakharov du Parlement européen.
"La pacification des dictateurs et des tyrans ne fonctionne jamais", a déclaré l'étudiante de 20 ans, se tenant dans l'hémicycle à côté d'une chaise vide, symbolisant l'absence de son père.
"Des années à flirter avec Poutine lui ont fait comprendre que pour augmenter sa popularité, il peut aussi déclencher une guerre", a-t-elle lancé, applaudie par les eurodéputés, debout à l'issue de son discours.
Incarcéré depuis le début de l'année après avoir failli mourir empoisonné en août 2020 et visé par une nouvelle enquête criminelle pour "extrémisme", Alexeï Navalny s'est vu décerner en octobre le prix Sakharov 2021 de défense de la liberté de pensée par le Parlement européen pour son combat "sans répit" pour la démocratie et contre la corruption dans son pays.
Soumission à Poutine
Le président du Parlement, David Sassoli, a réitéré la demande de l'institution d'une "libération immédiate et inconditionnelle" de l'opposant.
"Sous l'argument du pragmatisme, il y a du cynisme, de l'hypocrisie et de la corruption", a critiqué Daria Navalnaya, fustigeant "le désir d'apaiser encore et encore le dictateur, de ne pas le mettre en colère, d'ignorer ses crimes le plus longtemps possible".
Elle s'en est pris aussi à certains politiciens "qui rêvent d'avoir un poste dans un conseil d'administration d'une entreprise de Poutine ou de naviguer sur le yacht d'un oligarque".
"Nous demandons à la communauté européenne de cesser de considérer Poutine comme un égal, comme un leader crédible représentant de notre pays, il ne l'est pas", a ensuite renchéri, lors d'une conférence de presse, Léonid Volkov, proche allié d'Alexeï Navalny.
Qualifiant Alexeï Navalny de "prisonnier personnel" à la merci du président russe, M. Volkov a pointé du doigt le sort de l'ONG Memorial, créée en 1989 par des dissidents soviétiques dont Andreï Sakharov, qui est actuellement menacée de dissolution alors qu'elle s'est imposée comme un inlassable défenseur des droits de l'homme et le gardien de la mémoire du Goulag.
Lancé en 1988, le prix Sakharov "pour la liberté de l'esprit" récompense chaque année des personnes ou organisations défendant les droits de l'Homme et les libertés fondamentales. Il est doté d'une somme de 50.000 euros.
En 2020, il avait été attribué à "l'opposition démocratique" au président Alexandre Loukachenko au Bélarus.
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