(Envoyé spécial à Rome) - Tous ceux qui s’attendaient à voir Jacques Diouf prendre prétexte de la conférence de presse de clôture du Sommet mondial sur la crise alimentaire, pour répondre aux attaques du Président Abdoulaye Wade, sont restés sur leur faim. Le Directeur général de la Fao, très satisfait du bilan de cette rencontre qu’il a initiée, a déjà tourné la page du président du Sénégal. Ses préoccupations sont à l’échelle de son organisation : planétaires.
Le Directeur général de la Fao ne pouvait pas occulter, hier au cours de sa conférence sanctionnant la fin de la rencontre de Rome, la question des attaques que le Président Wade a lancées, une nouvelle fois mardi dernier, contre l’organisation onusienne spécialisée dans les question d’alimentation et d’agriculture, qu’il dirige. Interpellé, Jacques Diouf a préféré prendre de la hauteur en indiquant notamment, qu’en «temps normal, il revient au Directeur général de répondre aux attaques faites à l’organisation ou à sa personne. Ce que j’avais fait en son temps quand j’avais été attaqué. Vous vous souvenez bien. Mais aujourd’hui, il faut considérer que nous sommes réunis à une rencontre de la Fao, les règles de fonctionnement de l’organisation veulent qu’au cours des rencontres de la Fao, les pays membres, par le truchement de leurs représentants font les déclarations qu’ils veulent et il n’appartient pas au Directeur général d’apprécier de telles déclarations faites à cette occasion. De toute façon, si un dirigeant d’un pays estime devoir dire certaines choses, cela n’engage que lui, l’organisation fonctionne selon des mécanismes clairs. Il reste que ceux qui font certaines déclarations, ont peut-être leurs motivations».
Jacques Diouf voudrait s’atteler à entreprendre les travaux de réforme de la Fao, conformément à des recommandations contenues dans un rapport d’évaluation interne déposé sur sa table, le mois dernier. La patron de la Fao souligne, notamment, que «dès demain, nous allons entamer les travaux sur la réforme de la Fao ; là aussi, nous nous attendons au même succès».
La déclaration finale de la Conférence sur la crise alimentaire a été adoptée, hier tard dans la soirée, à l’issue d’une séance marathon. Des pays d’Amérique latine comme l’Argentine, le Venezuela, Cuba, l’Equateur et le Nicaragua ont manifesté des réticences à adopter le texte. Ces pays mettaient en avant certains clivages ou divergences d’ordre géopolitique régional, et ont tenu à faire figurer dans la déclaration finale des questions comme les spéculations financières, les subventions des productions agricoles appliquées dans certains pays et surtout la mainmise des sociétés multinationales sur le secteur de l’agroalimentaire. Ces différents pays, qui considèrent que l’une ou l’autre de ces questions, constituent de grandes causes de la crise alimentaire qui secoue le monde, ont produit des plaidoyers spécifiques annexés à la déclaration finale. Cela fera dire au Directeur général de la Fao que la bonne volonté des participants à la conférence leur a permis, «tout en n’étant pas d’accord sur beaucoup de choses, d’être d’accord sur l’essentiel».
Très satisfait, Jacques Diouf a salué «la cohésion du système des Nations-Unies, la volonté des différentes institutions de travailler ensemble dans nos domaines spécifiques. Nous avons atteint des résultats à la hauteur de nos attentes». En effet, poursuit le Directeur général de la Fao, «notre conférence n’était pas une conférence d’annonces de contribution, mais nous avons eu la belle surprise d’engagements importants. Les objectifs atteints ont dépassé nos espoirs. Cela laisse penser qu’on a pris la vraie mesure du problème de la faim dans le monde. On a des raisons de croire en l’humanité, on a des raisons de croire en ce qu’il y a de meilleur en nous-mêmes. Nous nous réjouissons immensément de cela, car l’appel que nous avions lancé le 17 décembre dernier, a servi de catalyseur». On se rappelle que le Directeur général de la Fao demandait une aide d’urgence de 1,7 milliard de dollars pour la période 2008-2009, destinée à l’achat de semences et d’engrais. La Fao avait annoncé avoir besoin de 30 milliards de dollars pour augmenter de moitié la production agricole mondiale.
La conférence a retenu que «la situation alimentaire mondiale appelle un engagement ferme des gouvernements ainsi que de toutes les autres parties prenantes. La conférence engage tous les donateurs et le système des Nations-Unies à accroître leur aide aux pays en développement, en particulier les pays moins avancés et ceux qui sont les plus touchés par la hausse des prix des denrées alimentaires». Il s’agira, non seulement de «répondre d’urgence aux demandes d’aide émanant des pays touchés, mais aussi d’apporter un appui immédiat à la production et au commerce agricoles».
Les tâches urgentes pour le Directeur de la Fao sont, dit-il, «en coopération avec nos autres partenaires du système des Nations-Unies, de nous rapprocher de tous les pays qui ont fait des annonces, pour voir avec eux les moments où ces ressources seront disponibles, et les détails pour les mobiliser».
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