La coopération avec la Chine et l’Asie est la voie de l’avenir, mais l’Occident n’a pas de raisons de s’inquiéter.
C’est un Abdoulaye Wade très en forme, avec à sa gauche le ministre de l’Information Bacar Dia et à sa droite le Premier ministre Macky Sall, qui s’est présenté hier face à la presse nationale et internationale. La salle des banquets, lieu de ce rendez-vous, a enregistré, outre des journalistes, des membres du gouvernement et ceux du corps diplomatique accrédités. Tout ce beau monde pour écouter le président de la République du Sénégal se prononçant uniquement sur trois points : la coopération Afrique-Asie, Afrique-Occident, le financement des infrastructures en Afrique et la formule Wade ou la création d’un fonds pour le financement de la lutte contre la pauvreté et le développement du continent africain.
En fait, ce face-à-face du président de la République du Sénégal avec la presse avait plutôt l’air d’une tentative d’explication des nouvelles relations de l’Afrique avec la Chine, et de «vendre» sa formule de lutte contre la pauvreté. Après l’avoir bien médiatisé sur le sol américain.
L’«invasion» chinoise en Afrique semble avoir aiguisé les appétits. Surtout africains. Par contre, du côté des partenaires traditionnels des pays africains, on semble faire grise mine face à cette nouvelle relation. Pour le Président Abdoulaye Wade, «la forme de coopération de la Chine a fait un virage total. Ce ne sont plus des constructions de stades et des Maisons du peuple. Cette coopération se veut plus globale et multiforme». Ce n’est pas pour rien que les chefs d’Etat n’ont pas répondu à la réunion de l’Uemoa avec les bailleurs de fonds, tenus au début de ce mois à Dakar. «Ils étaient tous en Chine. Il y avait 46 chefs d’Etat et de gouvernement africains. Ce grand nombre montre l’intérêt qu’il y a». Toutefois, le Président sénégalais tient à rassurer tout le monde en soutenant qu’il n’y a «pas d’opposition possible entre la Chine et l’Occident sur l’Afrique d’autant plus que tout cela se passe entre pays souverains».
Et pour montrer le réel intérêt de la Chine à l’endroit de l’Afrique, le Président Wade énumère quelques actions. Ainsi dans le cadre de cette nouvelle coopération avec l’Afrique, Abdoulaye Wade souligne que la Chine s’est engagée à la construction d’un siège moderne à l’Union africaine et il y a eu la création d’un Fonds pour les investissements en Afrique de 5 milliards de dollars. Les amis chinois ne se sont pas arrêtés en si bon chemin, puisqu’ils ont décidé d’éponger certaines dettes, sans compter l’ouverture de bureaux économiques par zones, sur le continent.
Dans le domaine commercial, de 220 produits pouvant être exportés par l’Afrique en Chine, on est passé à 440. Et cette coopération s’engage à la formation de 15 000 africains et la construction de 30 centres hospitaliers.
Cette conférence de presse a été une occasion aussi pour Abdoulaye Wade de revenir sur «la formule Wade» ou (Pt - 29) Qt = St. Cette formule est tout simplement le produit d’une réflexion sur la problématique énergétique. Par elle, Abdoulaye Wade suggère tout simplement aux multinationales, du «pétrole contre la pauvreté». Car «le profit réalisé par les multinationales, c’est indécent, c’est immoral».
Le Président Abdoulaye Wade tient à préciser qu’il ne «mendie pas», mais qu’il «réclame». Et à en croire le compte-rendu qu’il en fait, les discussions qu’il a eues avec certaines de ces multinationales se sont très bien déroulées. «Ils sont d’accord et ils comprennent ce que je dis. Je leur ai fait savoir que ce vous faites là est inacceptable car à ce rythme, à moyen terme, vous serez expulsés. Vous connaissez déjà des problèmes dans certaines zones.» A l’endroit de ceux qui craignent que les multinationales ne déstabilisent son régime, Me Abdoulaye Wade soutient que «les Sénégalais sont avec moi et partagent ma conviction». D’ailleurs il a tenu à rappeler qu’il avait dit qu’il faut que «les Sénégalais reviennent à la bougie» si c’est nécessaire. Juste le temps qu’il règle le problème du combustible, car sur ce sujet, il se veut catégorique : «Le problème du pétrole, je vais le régler.»
Concernant le Nepad, Abdoulaye Wade déplore le fait que des politiques soient nommés à certains postes stratégiques. «Pourtant des cadres africains compétents existent, mais l’Afrique a commis une erreur et nous continuons à la commettre. C’est de donner des postes à des pays.» Pour Abdoulaye Wade, «on a commis l’erreur de ne pas confier le Nepad à des managers. Résultat qu’est-ce qu’on a ? rien que des colloques, des documents administratifs, des séminaires et pas un seul mètre de route». Le Président sénégalais se veut formel en soutenant qu’il faut laisser «la place à l’expertise et à la technicité».
LES ICS SONT UN ECHEC
Dans les relations Afrique-Asie, celle que le Sénégal entretient avec l’Inde a été citée. Si cette coopération a été abordée, c’est par le truchement des Industries chimiques du Sénégal (Ics). Pour le président de la République du Sénégal, «les Ics constituent un échec. Mais ce n’est pas par la faute de l’Inde, mais les Sénégalais se sont faits rouler au moment de la signature du contrat. Heureusement que nous sommes venus pour sauver ce qui peut l’être». Me Abdoulaye Wade promet la relance des Ics «mais avec d’autres partenaires», pas avec l’Inde. «Bien que ces derniers nous aient contacté il y a trois ou quatre jours».
D’emblée, Abdoulaye Wade a soutenu que l’Afrique n’est pas pauvre, mais qu’elle a été appauvrie. Elle approvisionne l’Occident depuis des siècles. «Nous sommes des acteurs de la liberté dont jouit le monde aujourd’hui, et nous avons payé notre tribut», souligne le président de la République. Le constat fait par Abdoulaye Wade est qu’aujourd’hui, «beaucoup de pays ne sont pas dans la course pour le développement, mais dans celle contre la pauvreté».
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