ABIDJAN (AFP) - Le Premier ministre ivoirien Charles Konan Banny a annoncé mercredi soir la démission de son gouvernement, acceptée par le président Gbagbo qui l'a chargé d'en former un nouveau, à la suite de l'affaire des déchets toxiques qui ont contaminé au moins 1.500 personnes à Abidjan.
"Je remets en vos mains la démission de mon gouvernement. La situation est grave et exige une réponse grave", a déclaré M. Banny en s'adressant à M. Gbagbo lors d'une conférence de presse commune, diffusée par la télévision nationale ivoirienne.
"J'accepte la démission de votre gouvernement, et vous donne rendez-vous demain (jeudi) à 16h pour que vous me présentiez un nouveau gouvernement", a répondu le président ivoirien.
Le gouvernement d'union nationale de M. Banny, Premier ministre de transition désigné par la communauté internationale début décembre 2005 pour mener à bien le processus de paix, était en place depuis la fin décembre.
Il comprenait des membres de la mouvance présidentielle et d'autres partis de gauche, de l'opposition et de la rébellion des FN, qui contrôle le nord du pays depuis sa tentative de coup d'Etat contre le président Gbagbo en septembre 2002, le sud, dont Abidjan, étant toujours sous autorité gouvernementale.
"On ne peut pas tuer impunément en Côte d'Ivoire, et ils est important qu'on donne l'exemple au plus haut niveau", a ajouté M. Gbagbo.
Ce dernier a annoncé des "sanction administratives" en soulignant que le déversement de déchets toxiques, qui a eu lieu dans la nuit du 19 au 20 août, a été favorisé par la "routine" de certaines administrations "qui signent parfois des papiers sans même regarder".
Le porte-parole du gouvernement, Hubert Oulaye, a de son côté annoncé dans la soirée, également à la télévision, la mort d'une troisième personne intoxiquée. Deux décès, ceux de deux fillettes, avaient été recensés jusque là.
M. Oulaye a confirmé que plus de 1.500 personnes intoxiquées avaient été reçues dans les différents établissements de santé publics d'Abidjan.
Les victimes se plaignent pour la plupart de vomissements, éruptions cutanées, malaises, diarrhées et maux de têtes.
"Les analyses effectuées à ce jour indiquent que l'eau courante n'est pas polluée", souligné le porte-parole, en n'écartant pas, parmi les mesures de protection, l'éventuel "déplacement" de populations.
Il a par ailleurs annoncé que "plusieurs personnes ont été interpelées dans le cadre cette affaire, dont trois sont déjà incarcérées".
M. Oulaye a enfin demandé à la population d'Abidjan, qui a manifesté depuis trois jours son mécontentement face à cette pollution en érigeant des barrages, de ne pas entraver la circulation des personnes, "d'autant que cela peut gêner l'assistance aux populations".
Pour faire face à cette situation, le gouvernement ivoirien a lancé un appel à l'aide internationale, auquel la France a répondu en annonçant dans l'après-midi "l'envoi immédiat" sur place d'une mission d'experts.
Selon des sources concordantes, les déchets ont été déversés dans plusieurs décharges d'Abidjan par une société ivoirienne, Tommy, qui les avait déchargés du Probo Koala, un navire appartenant à la compagnie grecque Prime Marine Management INC mais affrété par la société multinationale Trafigura.
Prime Marine Management INC a confirmé mercredi que le bateau avait bien "vidangé" des déchets toxiques, mais souligné que l'opération était "légale".
Trafigura a également indiqué que l'opération s'était faite en accord avec les autorités ivoiriennes, en précisant que les déchets étaient un mélange de gazole, d'eau et de soude caustique.
Selon le consulat de France à Abidjan, les déchets ont été déversés "sauvagement" et "à l'air libre" sur au moins "neuf sites" de la capitale économique ivoirienne, qui compte près de 4 millions d'habitants.
Alors que le Rassemblement des républicains (RDR, opposition) avait accusé lundi le gouvernement d'avoir laissé polluer en toute connaissance de cause, la rébellion FN s'est dite mercredi "étonnée" de sa "lenteur" à réagir face à cette "bêtise".
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