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Mariama Barry : le coeur n’est pas une jambe que l’on plie

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Mariama Barry : le coeur n’est pas une jambe que l’on plie

Quand on demande à l’écrivaine Mariama Barry, si elle se sent sénégalaise ou guinéenne, sa voix prend l’accent d’une douce colère : « Peut on amputer l’une de ses jambes ? » C’est dire qu’elle revendique ces deux pays comme étant les siens. Native de Dakar , elle y a fait ses premiers pas jusqu’à la préadolescence avant de se retrouver en Guinée puis en France. Difficile de demander à une peule de se sédentariser. Partir est le mot qui lui colle aux basques. Mariama a achevé le second volet de sa trilogie. Son titre : « Le cœur n’est pas un genoux que l’on plie ». Entretien


Sentinelle : Pour vous Mariama Barry , l’écriture relève plus de la passion que du gagne pain ? Vous êtes notaire et vous n’aimez pas qu’on dise de vous que vous êtes écrivaine mais plus tôt conteuse ?

Mariama Barry : Oui je préfère car je ne me considère pas comme écrivain mais plus tôt une personne qui raconte sa vie donc une conteuse. Etre écrivain pour moi c’est un bien grand mot.

Sentinelle : Vous avez commencez à écrire à l’age de 17 ans. Ce n’est que beaucoup plus tard que vous décidez de publier vos écrits ?

M.B. : Parce que j’écrivais pour moi et cela m’est resté. Il m’est beaucoup plus facile de m’adresser à ma plume que de m’adresser à une personne. C’est aussi une façon de me confesser. Je trouve fastidieux le fait de parler. Maintenant, que je publie, on me demande de parler.

Sentinelle : Les droits d’auteur, du moins pour le titre de « Le cœur n’est pas un genou que l’on plie » devraient revenir à votre grand-mère ?

M.B. : Oui j’aurais dû, parce que c’est grâce à elle que j’ai pu écrire tout ce j’écris actuellement et que je continuerais à le faire. Un grand amour me lie à ma grand-mère. Elle disait tout le temps : « Le cœur n’est pas un genou que l’on plie », une façon de dire à tout ces candidats qui voulaient m’épouser : « Fichez la paix à ma petite fille, elle se mariera quand elle le voudra. Je pense qu’elle avait bien raison. C’était sa manière à elle de faire comprendre à ces prédateurs qu’on ne peut obliger quelqu’un à faire ce qu’il n’a pas envi de faire.

Sentinelle : J’ai le sentiment que vous écrivez sous le coup des événements. L’assassinat de votre frère en Normandie vous a poussé en 2000 à publier « La petite peule », ensuite l’année dernière, le soulèvement de la population guinéenne qui s’est soldé par beaucoup de morts a été le déclencheur de votre dernier livre « Le cœur n’est pas un genou que l’on plie » ?

M.B. : La relation que j’ai avec mes sœurs et mes frères sont des relations de mère enfant parce que malheureusement mes parents ont divorcé et la garde des enfants était confié à mon père donc je me suis substituée à Maman en étant très jeune. Je revenais de l’école. Je faisais à manger à mes frères et plus tard quand je suis venue en Europe, je les ai fait venir. Quand j’ai perdu mon frère, c’était vraiment comme la perte d’un de mes enfants et pour me consoler, il fallait absolument que je fasse paraître mon livre pour qu’on comprenne quel est mon parcours. Surtout, j’en avais assez d’être considérée comme une privilégiée. Il me fallais prouver que c’était le contraire et dire qu’il m’a fallu beaucoup de poigne, de ténacité, de courage et d’abnégation pour arriver là où je suis aujourd’hui.

Sentinelle : Le succès de la « Petite peule » vous a surpris puisque le livre a été réédité à trois reprises ?

M. B. : C’est vrai, je ne m’attendais pas à ça. Mais je crois que le lecteur ne se laisse pas tromper. Il sent la sincérité dans l’écriture. Je suis le matériau de ce que j’écris. Je relate ma vie e apparemment cette vie là intéresse les gens. Le succès de la « Petite Peule « m’a beaucoup étonnée parce que c’est une écriture enfantine parce que j’ai gardé le style de la jeune fille et de trouver que livre a eu un succès de librairie on ne peut qu’être contente et en plus avoir été reçu par neuf chef d’Etat, grâce à la sortie de ce livre , Je ne comprends toujours pas mais je suis très flattée.

Sentinelle : Avec tout de même une pointe d’amertume car de La petite Peule, les médias ne retiennent que l’excision et non pas le parcours de la petite Mariama.

M.B. C’est vrai les journalistes n’ont vu que l’aspect excision et on oublie que ça été un livre douloureux qui parle de divorce de parents d’enfants de tout enfant aimerait en rentrant à la maison retrouver ses parents et moi donc il y a eut ça. Mes deux parents n’étaient pas là. La mère est partie et on se retrouve avec le père même si les filles sont très attachées à leur père et se retrouver très jeune mère comme le disait mon père « tu es la plus jeune maman du monde ». C’est dommage que tous les autres aspects du livre soient occultés et on ne parle que de l’excision. Surtout en Europe en fait. Il y en a que pour l’excision.

Sentinelle : Sept ans après vous publiez le second volet de votre trilogie consacrée à vos quinze ans. Là aussi les événements de la Guinée vous donne l’occasion de revenir sur l’histoire politique de la Guinée.

M.B. Pour mon second livre il me fallait absolument parler de la Guinée. De ce que moi j’ai vécu quand mon père m’a amené en Guinée malheureusement. Donc voila quelqu’un qui est né à Dakar dans un camp militaire. Je suis née dans l’ex-camp Dial Diop je dis toujours que j’ai entendu le clairon avant d’entendre quoi que soit et on m’amène dans un village. L’école la plus proche se trouvait à deux kilomètres. Malheureusement, je suis resté une année sans aller à l’école. Et quand j’ai voulu reprendre l’école qu’est ce que je vois dans ma cour d’école , des personnes pendues sur ordre de Sékou Touré parce qu’ accusées d’appartenir à la cinquième colonne. Chaque région devait recevoir deux pendus. A Conakry, il y a eu quatre pendus. Cet aspect là, on n’en parle pas et c’est qu’en même triste parce qu’il y a eu beaucoup de mort, des familles monoparentales parce que le père a été tué, ou tué. Des femmes.

La sentinelle : « Le cœur n’est pas un genou que l’on plie » aborde votre pré adolescence.

M.B. : Oui je parle de mes 12 et 15 ans. Mais des années qui étaient très fortes. Des années d’adolescence où on devait me donner en mariage alors que j’étais complètement nubile. J’étais pas avec mes parents. Je ne comprenais pas ce qui m’arrivait. Aussi bien au sein de la famille qu’à l’école rien n’allait. Le fait d’être adolescent est déjà un problème en soi à cela vient s’ajouter d’autres problèmes. C’était une période très dure de ma vie.

Sentinelle : Vous dites que vous êtes votre propre matériau mais ce matériau, il faut le retravailler quand on écrit ses souvenirs ?

MB .Comme je disais j’écris depuis l’age de 17 ans je n’ai fait que ressortir ce matériau qui était là et le retravailler parce que le fait d’écrire pour soi c’est une chose , le fait d’écrire pour les autres et se faire éditer il y a un travail d’écriture à faire Les faits sont des faits qui ont été consignés depuis toujours et qui ont été retravaillé ce qui a donné Ce qui a donné ce livre qui a déjà un succès alors qu’il est paru il n’y a pas longtemps.

Sentinelle : Vous avez décidé d’arrêter votre roman de vie à 18 ans avec ce troisième livre à paraître. Pourquoi cette décision ?

M.B. :je pense que ma vie après celle de l’adolescence n’intéresse personne. C’est une vie de femme qui n’intéresse que moi. Pour le reste j’écrirais peut être des romans ou des contes pour enfant parce que j’aime bien ça . Non je ne parlerais plus de ma vie.

Le cœur n’est pas un genou que l’on plie. Paris : Gallimard, Continents noirs, 2007. (202p.). ISBN : 978-2-07-078396-0. Roman



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