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EN SURSIS - Vers la mort certaine du cinéma à Thiès : Les salles dans un sale état

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EN SURSIS - Vers la mort certaine du cinéma à Thiès : Les salles dans un sale état

Naguère riche de cinq salles de cinéma, la ville de Thiès n’en compte plus que deux. Victime du projet de reconstruction de la ville, «Amitié» a récemment rejoint aux oubliettes Rex et Aiglon. Seules Agora et Palace subsistent encore. Mais font plutôt figure de rescapés.

Sur l’écran du cinéma Agora, le film qui joue est un exemple de la préhistoire du 7e art. La qualité d’image est exécrable et les réglages du technicien ne semblent rien arranger. Les vociférations des spectateurs indignés ne semblent pas cependant le décourager. En fait, de clients, une cinquantaine de jeunes et moins jeunes sont éparpillés dans la grande salle. L’ensemble pourrait tenir aisément sur un banc. Il n’y a presque pas de clientèle féminine. Dans un espace à ciel ouvert communément appelé «enclos à chèvres», adossés à une espèce de mur mitoyen qui les sépare de la tribune couverte, elle même presque vide, les plus jeunes et moins fortunés y vont de leurs commentaires sur le film en cours. Une bonne partie parmi ces inconditionnels a déjà vu le film et tient à révéler le nœud de l’intrigue. A leur insu, ces cinéphiles goûtent certainement les derniers instants du cinéma à Thiès.

L’OPTION VIDEO

Les affaires vont, en effet, de mal en pis, et précipitent inexorablement la fermeture des salles. Saliou Nguer, guichetier et responsable de la salle Agora, est presque aux abois. «Avant 2000, avance-t-il, nous projetions tous les jours 2 films et nous avions jusqu’à 250 entrées par séance. Nous peinons aujourd’hui à avoir 50 spectateurs.» Avec ses 27 ans de service, il a vécu la mort à petit feu du cinéma à Thiès.

Les drames sentimentaux n’intéressent pas les clients, dont la moyenne tourne autour de 25 ans, petits délinquants et tourbe majoritairement analphabète. Ce qui les retient actuellement, puisque les affiches pornographiques ne sont pas diffusées dans ces salles, ce sont les films d’aventure, où la violence le dispute à la barbarie. Les films hindous y ont aussi beaucoup de succès. Mais les affiches sont peu alléchantes. Le gérant s’en explique. «Nous sommes obligés de faire nos propres affiches, et de projeter des films vidéos, grâce à un dispositif plus adapté à nos moyens. Il est difficile, ajoute-t-il, de se procurer un film à Dakar à 150 000 Cfa, si on ne peut pas espérer une recette journalière de 10 000 francs Cfa.»

Un tour à Rex avait montré le sort qui est réservé à ces salles. Eventré, le lieu n’est plus que le repère de jeunes fugueurs et un dépotoir d’ordures.

Comprenant notre volonté de faire un tour dans l’autre salle, sise à Grand Thiès, M. Nguer lance : «Inutile d’y aller, c’est le même programme. Les films font la rotation entre les deux salles. Nous n’avons pas assez de films. Résultat : on essaie de jongler.»

Quand nous arrivons au cinéma Palace, c’est à la lueur d’une lampe torche que le gardien rangeait son matériel, tout en fulminant contre les coupures intempestives d’électricité. A l’intérieur de la salle, presque personne depuis longtemps. Les murs décrépis témoignent d’un état de santé fort critique. Une poignée de spectateurs s’extirpe paresseusement des chaises, au fond de la salle. Le film n’avait pas commencé depuis plus d’une trentaine de minutes parce que le secteur a été délesté. Quelques jeunes sont restés pour réclamer le remboursement de leur ticket à un guichetier déjà absent. A l’affiche, Chuck Norris dans Delta Force 2, fait face à Cynthia Rothrock dans Combat sans merci. Une affiche qui promettait beaucoup d’action et d’arts martiaux, mais dont la diffusion sera différée.

MBAYE SINGER, LE MECENE

Malgré une situation visiblement inquiétante, il semble que rien n’est fait pour tirer ce cinéma de la mort certaine qui le guette à Thiès. Au contraire, les taxes sont toujours d’actualité, même si l’entreprise ne peut plus payer les employés grâce aux fonds qu’elle génère.

Pour sûr, les coupures d’électricité qui sont devenues ordinaires à présent n’aident en rien une situation déjà décourageante. Si le cinéma est encore vivant à Thiès, c’est bien grâce à son propriétaire, Babacar Diouf dit Mbaye Singer, qui fait plus œuvre de mécène que d’homme d’affaires dans son exploitation, soutient Saliou Nguer. Jusqu’à quand sera-t-il disposé cependant à payer de ses propres fonds pour faire tourner une entreprise en déclin ?



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