C'est en "suivant les traces" de Léopold Sédar Senghor (au centre, avec le président tunisien Habib Bourguiba, en 1974), qu'Abdou Diouf (2e rang, au centre) s'est "moulé dans la fonction [de président]".
AFP
Que vous inspire le procès en "néocolonialisme kaki" que suscitent, au sein de l'intelligentsia africaine, les interventions militaires françaises?
Ce que la France a fait, c'est ce qu'il fallait faire. J'étais à l'Elysée le jour où François Hollande a lancé l'opération Serval. S'il avait tardé ne serait-ce que quelques heures, les hordes djihadistes auraient fondu sur Bamako et le Mali serait devenu un Etat islamiste. En Centrafrique, sans l'engagement de Paris, on allait tout droit au génocide. De même, j'approuve sa participation aux frappes aériennes contre le prétendu califat syro-irakien. Et je déplore que l'on n'ait pas trouvé la solution contre [les islamistes nigérians de] Boko Haram. Tant que nos armées ne seront pas au niveau, nous aurons besoin de l'appui de la France et des pays du Nord. Pour avoir été à deux reprises président en exercice de l'OUA [Organisation de l'unité africaine], je sais les efforts entrepris pour bâtir une force continentale. Mais voilà : nous, les Sénégalais, étions toujours prêts à passer à l'acte. Les autres, jamais.
Avec l'irruption de la mouvance Daech, le péril terroriste a-t-il changé de nature?
On peut le dire. Car le terrorisme tente de plus en plus de se draper dans le manteau de la religion. Face à ce très grave danger, il faut que toutes les nations s'unissent, sans lésiner sur les moyens, pour abattre la bête hideuse qui nous dévorera tous si nous ne faisons rien. Je suis surpris de voir à quel point certaines grandes puissances ne se sentent pas concernées. Inutile de vous dire que, pour moi, ces djihadistes qui se réclament d'un califat anachronique, avec leur rhétorique barbare, ne sont pas des musulmans.
Ils ne sont pas hommes de Dieu mais du diable. Nulle contrainte en religion, est-il dit dans le Coran. Jamais notre Dieu unique, Lui qui préfère le pardon et l'oubli à la loi du talion, n'a prescrit de tels crimes. Le vrai musulman respecte le chrétien, adepte de la religion du Livre. J'étais voilà quelques jours au Vatican, où j'ai rencontré le pape François, dont j'admire l'humilité, la douceur, la simplicité, mais aussi la fermeté. On le sent habité par un véritable humanisme. Humanisme de la foi pour lui, humanisme philosophique pour d'autres.
Voyez ma génération : que disions-nous lorsque nous étions athées - ce qui nous est arrivé, sous l'influence du marxisme-léninisme ? "Nous voulons la sainteté sans Dieu." Il existe aussi, bien entendu, des athées, des libres-penseurs, des agnostiques exemplaires sur le plan moral.
Quel échec politique, social, culturel ou familial sanctionne l'afflux vers l'Irak et la Syrie de jeunes Européens avides de tuer et de mourir pour le djihad?
Leur exaltation résulte d'une odieuse manipulation. Cédant à une forme de facilité, ils en viennent à croire qu'on leur ouvre ainsi les portes de la gloire ou celles du martyre et du paradis. On les dit privés d'horizon. Cet argument n'a pas de sens. Sans doute les jeunes pâtissent-ils d'un défaut d'encadrement, sans doute les parents devraient-ils trouver le temps de dialoguer davantage avec leurs enfants. Quant à l'école, elle fournit certes des connaissances, mais pas une éducation morale et civique jour après jour. Rien n'est aisé ? Soit. Je m'en tiens pour ma part à la formule de [Soren] Kierkegaard : "Ce n'est pas le chemin qui est difficile ; c'est le difficile qui est le chemin."
Dans vos Mémoires, vous racontez comment vous avez persuadé Senghor de bannir constitutionnellement tout parti fondé sur des bases confessionnelles ou ethniques. Or, de telles formations ont depuis éclos partout en Afrique.
Je ne fais la leçon à personne. Mais, dans mon pays, ça a marché. Très ami avec Chadli Bendjedid [président de l'Algérie, de février 1979 à janvier 1992], je lui avais suggéré d'agir de la même manière chez lui. Il ne l'a pas fait. Et un parti islamiste -le Front islamique du salut- a gagné les élections. Au Sénégal, quand on parle d'ethnies, c'est sous forme de boutade. On appelle cela la parenté à plaisanterie. J'ai un patronyme à consonance sérère.
Les Toucouleurs, les Dioulas, les Mandingues, les Soninkés me considèrent donc comme un esclave. Mais ils le disent sur le ton de la blague, pour évacuer toute tension en la matière. Quand je suis devenu chef d'Etat, l'un de mes aînés africains m'a dit ceci : "Abdou, voilà ce que tu dois faire : créer une garde présidentielle composée exclusivement de gens de ta tribu." Je lui ai répondu ainsi : "D'abord, je n'ai pas de tribu. Ensuite, il existe déjà une garde. Enfin, la plupart de ceux qui me servent au palais de la République sont des Casamançais [originaires d'une région alors secouée par une rébellion irrédentiste], en qui j'ai entière confiance."
L'Organisation internationale de la francophonie (OIF) s'est engagée sur le terrain électoral, notamment par le biais de ses missions de médiation et d'observation. Mesurée à cette aune, la démocratie progresse-t-elle en Afrique?
Elle progresse. D'autant que nous ne sommes pas les seuls à oeuvrer en faveur de scrutins transparents, loyaux et justes. Et ce avant, pendant et après leur tenue. Songez que, lorsque la présidentielle guinéenne de 2010 a abouti à une impasse au niveau de la Commission électorale, toute la communauté internationale réunie a demandé à la Francophonie de désigner son expert pour présider ladite Commission; en l'occurrence, le général malien Siaka Sangaré.
Mais nous sommes aussi engagés à fond dans la gestion des transitions, des crises et de leur prévention. La plupart des conflits politiques résultent d'élections mal préparées. Tout commence donc par de bons registres d'état civil, des listes électorales fiables et des organes de contrôle animés par des magistrats et experts compétents, qu'il s'agisse des médias, acteurs-clefs de l'instauration d'un climat apaisé, ou du traitement des contentieux électoraux. Le contentieux, c'est une éthique mais c'est aussi un métier.
Quel jugement portez-vous sur les performances de l'Union africaine, qui a succédé en 2002 à l'OUA?
J'ai toujours été choqué d'entendre des chefs d'Etat me dire : "Oui, il faut faire les Etats-Unis d'Afrique, mais dans le respect de la souveraineté de chaque pays." De qui se moque-t-on? Quand on veut bâtir une fédération, on consent nécessairement à des abandons de souveraineté au profit d'une entité supérieure. Il y a un manque de volonté politique que j'ai maintes fois constaté. Voilà pourquoi j'ai plaidé en faveur d'une confédération continentale, constituée d'authentiques fédérations régionales -Afrique de l'Ouest, Afrique centrale, de l'Est, du Nord, australe -, dotées chacune d'un exécutif, d'un parlement, d'une armée.
Voyez-vous en ces fameux Etats-Unis d'Afrique une chimère?
Non, une nécessité. Dès lors que l'on veut réussir une intégration digne de ce nom, propice à un développement plus rapide, plus équitable, durable et humain. Hélas, j'ai l'impression que personne n'a envie d'aller jusque-là.
Revenons à Léopold Sédar Senghor, poète-président, académicien et figure tutélaire. Serait-il fier du travail accompli par l'OIF?
Je crois pouvoir dire que nous avons vraiment réalisé les rêves des pères fondateurs de la francophonie, à commencer par le premier d'entre eux, Senghor. L'OIF est une organisation respectable et respectée, qui, en partant de la langue, se bat pour la diversité culturelle et travaille en faveur du développement, de l'éducation, des jeunes et de leur formation, de la promotion des femmes et de l'égalité hommes-femmes, ou encore à l'essor de sociétés civiles solides et influentes.
Nous avons aussi pour devoir la défense des valeurs politiques figurant dans la Déclaration universelle des droits de l'homme et du citoyen. Un exemple ? La lutte contre l'impunité. Je suis l'un des plus chauds partisans de la Cour pénale internationale [de La Haye]. Il s'agit non seulement de punir ceux qui ont failli, mais aussi de dissuader les autres d'agir de même. J'ai d'ailleurs été le premier chef d'Etat au monde à ratifier le statut de cette Cour.
A quelques semaines de l'échéance de votre ultime mandat, à quoi ressemble le bulletin de santé de la langue française dans le monde?
Croyez-moi, elle est bien vivante. Le nombre de locuteurs francophones augmente, de même que l'effectif des apprenants. Notre grand regret, c'est de manquer de moyens pour répondre à toutes les demandes. Au passage, le continent qui progresse le moins en la matière, c'est l'Europe ; et celui qui assurera l'avenir du français, c'est l'Afrique.
Abdou Diouf en 8 dates
1935 Le 7 septembre, naissance à Louga (Sénégal). 1970 Premier ministre de Léopold Sédar Senghor. 1981 Succède à la présidence à Senghor, démissionnaire. 1983, 1988, 1993 Elu, puis réélu, au suffrage universel. 2000 Battu dans les urnes par le libéral Abdoulaye Wade. 2003 Secrétaire général de l'OIF. Reconduit en 2006 et 2010.
En savoir plus sur www.lexpress.fr/actualite/monde/afrique/abdou-diouf-les-djihadistes-sont-des-hommes-du-diable_1611745.html#8LmiqDGLwWCo4hxL.99
19 Commentaires
Osez
En Octobre, 2014 (20:16 PM)GROS COUILLON ET SALE VALET DES FRANÇAIS !
Fans
En Octobre, 2014 (20:27 PM)Toto
En Octobre, 2014 (20:28 PM)Bèthio Touss
En Octobre, 2014 (20:31 PM)Wala
En Octobre, 2014 (22:33 PM)Xam na gnou ki gna donn . Yaw abou akk ablaye xamm na gnou qui khenn di dimou .
Bye .
Un Africain FiÉre D El´Être...
En Octobre, 2014 (22:34 PM)Wala
En Octobre, 2014 (22:36 PM)Soleil 1
En Octobre, 2014 (09:47 AM)Nafekhe Rek
En Octobre, 2014 (10:29 AM)so lene niawè toubab-yi nakhlen solal len veste ak cravate ngen fokni yena ci nekk ils vous prennent comme des pires cochons soyez rassurés
so len déhwé bafekki sen papa alakhira khamouma lolen di wakh sen papa vous suivez les toubab de chiens vous croyez que vs êtes les meilleurs, vs vous trompez c'est archi-faux ! retournez vs rentrez dans des gouffres trés profond et trés noir.
allez vous repentir avant la mort vous revienne ce sera trop métti, am lepp adouna boumou takh ngafokni alakhira nonou lafay démé. PITIE
Farida
En Octobre, 2014 (10:29 AM)Do Dara
En Octobre, 2014 (10:35 AM)Souhait
En Octobre, 2014 (10:44 AM)Li
En Octobre, 2014 (11:09 AM)La plupart de vos discours sont de la ruse, tromperie, taqqiya.
Vous faites tout pour endormir les gens par une position prise selon la situation.
C'est comme il y'a quelques années quand les peines charriatiques faisaient l'actualité sur presque tous les débats sur cette question, les musulmans dignitaires comme laïques soutenaient le contraire de la vérité à savoir l'Islam n'autorisait pas la lapidation, la mort des apostats, le meurtre des homosexuels, la section des mains des voleurs ou que Aïcha n'avait pas été mariée à 6 ans et le mariage consommé à 9 ans..., et pour mieux endormir disaient aux détracteurs que ce n'était pas dans le Coran, et la plupart des "infidèles" et musulmans non instruits ne sachant pas que les hadiths sont l'autre source de l'Islam se disaient qu'ils avaient raison et que leurs détracteurs voulaient juste salir l'Islam.
De nos jours la véracité sur ces questions ne se posent plus.
Il en sera de même du reste.
Diaogoo
En Octobre, 2014 (11:44 AM)@ Farida
En Octobre, 2014 (14:48 PM)Mahamba
En Octobre, 2014 (17:50 PM)Ces des Démons ces terroristes,c'est notre COMBAT,,,,,,,,
Onegod
En Octobre, 2014 (11:40 AM)MR DIOUF s8 tout à fait ok avec toi car dieu est amour pas violence
Dogo
En Novembre, 2014 (04:44 AM)Les djihadistes d'après l' ère du prophètes se consacrent à enseigner le savoir de l'islam par l'amour et la paix , la foi. les islamistes veulent imposer la loi telle au temps )600-700 ) du prophète à quiconque vivant dans leur territoire. Les bandits ce sont ceux qui se cachent derrière une idéologie religieuse pour commettre des crimes au nom de cette idéologie religieuse. du coup:
- islamiste= dictateur ( simplement);
- djihadiste= courte vision sans connaissance universelle, globalisante, totalisante,.
- bandits=criminels tout court.
Dieu étant global, il n'en rien en Lui qui approuve un comportement barbare de non tolérance.
et, la il a raison, les djihadistes sont des bandits tout court
Humansins
En Novembre, 2014 (20:24 PM)Je suis musulman certes, mais jamais je ne partagerai leur vision de la religion. J'ai vécu avec des chrétiens, des athées, et je peux vous dire que ce qui importe ce n'est ni votre religion, ni votre nationalité ni votre ethnie, mais la personne que vous êtes qui compte. Les gens bons ne sont pas tous musulmans, et les musulmans ne sont pas forcément des gens bons.
Quant à ceux qui défendent ces djihadistes, demandez vous comment vous réagirez si un jour vous apprenez que votre femme, votre mère, vos enfants se sont fait explosés par un inconnu.
Que de morts inutiles, que de haine et de désespoir causés. J'ai honte !
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