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Vendredi 01 Juin, 2018 +33
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[ Contribution ] Wade est interpelé !

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[ Contribution ] Wade est interpelé !

Wade est directement interpellé pour avoir maintenant franchi le seuil de permissivité toléré dans les sociétés démocratiques. Il est bien l’instigateur et la pièce maîtresse de cette parodie de concertation unilatérale sur un code électoral qui ne l’arrange plus et l’empêche de dormir depuis qu’il s’est rendu compte que sa réserve d’un million et demie d’électeurs à la Direction de l’Automatisation du Fichier (DAF) ne suffit plus à sécuriser son fauteuil de président symbole du rejet populaire.

En convoquant les partis politiques à la concertation, son ministre Bécaye Diop ne pouvait exiger des participants une attitude passive qui suive une règle de conduite fixe. Mais, manifestement, la démarche assertive et conciliatrice est une approche inconnue de ce régime car pour le ministre de l’intérieur et son patron, accorder à chacun une liberté d’opinion, c’est inviter la diversité des points de vue, donc la contestation, la critique voire l’extrémisme. Or, l’extrémisme est un risque à prendre, si l’on veut que du jeu du débat d’idées, naisse une pensée plus claire, à même de garantir la transparence du processus démocratique.

Il est maintenant clair que ce régime affiche fièrement son penchant totalitaire. Même s’il ne l’avoue pas, Wade n’acceptera plus jamais la diversité des opinions. Il va continuer à promouvoir le règne d’une pensée unique et l’idéologie de son régime alors que seul le PDS va posséder un pouvoir total à tous les étages de l’État. Après le traumatisme du 22 mars dernier, Wade, sa famille, ses oligarques et les ouailles (dont le conseiller à la présidence Serigne Mbacké Ndiaye faisait allusion), se sont mis à renforcer leurs propres armes de défense. Ils cherchaient par tous les moyens et continuent encore à prévenir de prochains chocs. Ils tentent malgré-eux de bloquer la progression du mouvement d’antipathie contre ce régime.

Il faut pour cela définir des simulacres de règles taillées sur mesure afin de limiter les dégâts lors des prochaines confrontations électorales car le PDS est plus que jamais conscient du fait que Wade et sa famille sont aujourd’hui la personnification du rejet par un peuple resté digne dans la désillusion et l’arbitraire. La mauvaise foi était donc au début et à la fin de cette parodie de concertation politique. Le ministre de l’intérieur qui est juge et partie avait pour mission de faire un forcing à travers les institutions, les lois et les règles républicaines. Le but est de faire perdre toute liberté de choix aux représentants de Benno et de l’opposition significative. C’est dire que dès le début, cette concertation tronquée ne visait qu’à légitimer un habillage savamment planifié. C’est la réplique exacte du fameux dialogue politique qu’Abdoulaye Wade voulait désespérément imposer à l’opposition.

Bécaye Diop est libre d’être en désaccord avec les positions de Benno et de l’opposition, mais la décence politique l’obligeait à mettre cette coalition dans les dispositions d’une véritable liberté d’expression et de participation dans la concertation. Le fait est maintenant que le PDS et ses figurines d’alliés dans cette pseudo-concertation, ont imposé leur liberté naturelle wadiste. Elle se résume à un instinct de survie et de sauvegarde de privilèges indus avec à la clé une indépendance sans loi et au détriment de la responsabilité de la liberté civile.

Le ministre de l’intérieur s’est lui-même disqualifié dans la forme comme dans le fond ayant présidé à la mise en place et au déroulement des travaux de la commission de révision du code électorale. Comme ses prédécesseurs Ousmane Ngom et Cheikh Tidiane Sy, Bécaye Diop prend fait et cause pour les propositions de la coalition Sopi au pouvoir puis cherche une forme de légitimation pour donner la fausse impression d’avoir agi de façon politiquement correct. Il verse dans la surenchère et menace la presse au point de faire référence à Radio Mille Collines qui a été un instrument dans le génocide rwandais de 1994. Il serait important à cet égard que Bécaye Diop explique ce qu’il entend par « Celui qui doit donner les résultats, qu’on lui donne le temps de voir et de les programmer ».

Voulant maladroitement se rétracter, Bécaye Diop dit être un citoyen comme les autres et oublie que dans cette concertation il lui est imposé une retenu et une neutralité puisqu’au-delà de sa citoyenneté, il est un ministre de la république en mission plus que délicate. Il aura auparavant annoncé les couleurs lors de la cérémonie d’ouverture des travaux.

Les conclusions de cette concertation réduite à une simple mise en scène depuis l’absence des délégués de Benno et de l’opposition significative, traduisent en acte la dynamique partisane à l’œuvre de Wade et Bécaye Diop. Ce qui sera désormais un code électoral made by Bécaye Diop and Co. témoigne d’une relégation des partis politiques d’opposition démocratique au profit d’une tentative de recomposition autour du PDS et des partis tolérés par le pouvoir. La prochaine étape consistera à trouver une forme de légitimation juridique à cette forfaiture de plus pour en faire un outil de holdup électorale. Cela passe, entre autres impertinences, par les contradictions du genre une campagne pour la présidentielle réduite à quinze jours à la place des trois semaines et que pour les législatives, la durée de la campagne soit laissée comme elle est, c’est-à-dire 21 jours.

Abdoulaye Wade est allergique à toute pratique de concertation et de compromis républicains et ne rate jamais l’occasion de le démontrer à ceux qui en doutent. Son nouveau projet de code électoral est un déni de démocratie qui aura, à n’en pas douter, la particularité intéressante de porter les contestations sur les espaces hors système électoral.
On voit mal l’opposition significative de ce pays accepter aujourd’hui d’aller à des élections encadrées par des textes volontairement embrouillés par des individus dont le seul souci est de rester au pouvoir pour…«éviter la prison» comme dirait l’autre. D’où l’intérêt de réfléchir sur ces quelques questions. Quelles sont les ressources et les répertoires d’action de Benno hors système électoral ? Comment vont s’articuler ses différentes prises de parole, quels espaces occupent-elles dans la conscience citoyenne du sénégalais moyen? Contre la résignation, il s’agira de déceler l’impact et l’ampleur de nouvelles plateformes de contestation et de mobilisation contre ce énième coup de force, dans un contexte de contrôle étatique à l’évidence croissant. Benno et tous les républicains de ce pays ont le devoir moral et historique de faire comprendre définitivement à Wade que la loi n’implique ni soumission, ni dépendance. La loi implique la libre responsabilité de chacun dans l’État. Un peuple obéit, mais il ne sert pas ; il a des dirigeants, mais pas de maîtres.

En même temps qu’elle s’attaque au cœur du système de ce régime, il est temps que l’opposition accorde un peu plus d’importance à l’adhésion populaire par le bas. C’est en ayant un soutien de cette dimension que Wade comprendra l’état réel de sa déliquescence politique. Ce ne sont pas les seules réunions de coalition Benno à Dakar qui emmèneront un ralliement massif à la bataille urgente contre les abus institutionnels et de ce régime. Ce dernier développement est la preuve que dans ce pays, il ne s’agit plus de reporter sur l’autre la responsabilité de l’oppression pour s’en disculper. Il ne s’agit plus maintenant de se laisser soumettre et d’abdiquer devant la force mais il s’agit plutôt d’empêcher la survie de cette forfaiture par le déploiement de capacités de réactivité et d’auto-organisation à même de défier les notions anti démocratiques établies dans ce code unilatéral.

Frédéric Tendeng

fredcikaw@gmail.com



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