Le problème de la commercialisation de l’arachide se pose chaque année avec ses polémiques sur la date du début de la campagne, les prix et conditions d’achat aux producteurs.
Si l’on y regarde bien, c’est comme si l’on a transposé dans nos pays ce que pendant longtemps beaucoup d’africains ont dénoncé avec vigueur : la division internationale du travail. A juste raison. La division internationale du travail consacraient les pays du sud en simples fournisseurs de matières premières, que les pays occidentaux achetaient à vils prix et les transformaient en produits manufacturés, vendus bien évidemment à des prix rentables pour les multinationales. La maîtrise exclusive des technologies et process de fabrication a permis de payer des salaires élevés et d’assurer ainsi la croissance de leur économie.
Le marché des matières premières devenant de plus en plus défavorable aux pays sous développés face à des produits manufacturés plus sophistiqués et plus chers, on parla de la détérioration des termes de l’échange.
C’est exactement cette situation que vivent les paysans du Sénégal depuis toujours. La SONACOS avait pris le relais du groupe français LESIEUR, puis SUNEOR, NOVASEN et compagnies. Sous le régime socialiste comme celui de l’alternance, l’économie arachidière consigne le paysan dans une pauvreté absolue. Les réformes dictées ou encouragées par le FMI n’ont pas changé cette donne. Ce n’était pas leur but : faire que l’économie arachidière soit équitable.
Nos agriculteurs contestent chaque année le prix d’achat de l’arachide et dénoncent le déroulement de la campagne de commercialisation. Certains politiciens font dans la démagogie pour conquérir cet électorat avec des propositions sans fondement économique, oubliant au passage qu’ils ont eux aussi exercé le pouvoir et que la condition paysanne ne fut jamais prospère. Nous remarquons d’ailleurs qu’ils ne mettent pas en cause la structuration de l’économie arachidière, mais uniquement le niveau des prix d’achat des graines, comme si quelques dizaines de francs de plus sur les prix suffiraient à soigner la misère des agriculteurs.
Pourtant l’on peut voir dans la nouvelle politique agricole (la Révolution Rurale), l’organisation des paysans en syndicats et la création d’un département Transformation (Alimentaire) des produits agricoles, une volonté réelle de bouleverser cet ordre économique. Le Président WADE ne se trompe pas souvent sur la vision, c’est son mode de gouvernance des programmes qui pêche (beaucoup) dans la mise en œuvre. Il n’y a pas de relais de réflexion (sur les plans d’action), ni une focalisation sur l’efficacité des processus. On pense avoir tout réglé dès lors qu’on a dégagé beaucoup de ressources (détournées ou gaspillées ?).
Et si les paysans s’appropriaient la valeur ajoutée ? En d’autres termes, s’ils transformaient eux-mêmes leurs graines ? J’entends déjà certains rétorquer : mais où diable ces pauvres paysans pourront ils rassembler assez de capitaux pour investir dans des unités industrielles ou s’inventer des talents de capitaines d’industrie ? Une huilerie ne coûte t’elle pas plusieurs milliards de nos francs ? Pas toujours.
Et cela change tout. Nous avons hérité du centralisme français cette oligarchie économique qui consacre le grand capital (public ou privé) avec ses énormes complexes industriels comme unique mode de production de produits transformés. Nous le payons cher aujourd’hui avec la SENELEC et sommes en train de reproduire ces cartels dans le BTP.
Il existe d’autres technologies de production en Inde, Chine, Russie, etc. à échelle moyenne ou petite, accessibles à des petites coopératives paysannes de production, qui feront de l’agriculteur non pas un misérable fournisseur de graines livré à la merci des commerçants, mais un agro-industriel capable de fournir de l’huile végétale (arachide ou sésame) de haute qualité et meilleur marché aux consommateurs sénégalais.
Alors que deviendront ces grandes unités industrielles qui emploient des milliers d’ouvriers ? Elles changeraient leurs chaînes de valeur, auraient peut-être leurs propres plantations d’arachide. Le marché tranchera pour le mode de production le plus efficace, c'est-à-dire qui allie rentabilité et compétitivité. Plus question pour le consommateur de payer de sa poche l’inefficacité et le gaspillage de ces grosses industries.
Oui une huilerie pouvant produire une tonne par jour d’huile d’arachide raffinée (extraction, filtration, raffinage) peut coûter moins de soixante dix (70) millions de francs CFA ; une laiterie de 1000 litres jour (pasteurisation et conditionnement en sachet) huit (8) millions de francs ; une unité complète de production de miel (10 millions de francs) ; une unité de production de 900 kg de mayonnaise (9 millions) ; Pour 150 millions de francs une coopérative agricole peut produire 1000 KW d’électricité avec un générateur à biomasse (rebuts agricoles) et obtenir en même temps des fertilisants pour leurs cultures. Ils peuvent produire des vermicelles, du pain, de la tomate concentrée pour quelques millions et non des milliards de francs CFA.
La misère dans la paysannerie est une construction socio-économique, résultante de choix capitalistiques objectifs et parfois d’impasses (sur la maîtrise de l’eau par exemple). Si nous voulons sortir 52 % de la population de la pauvreté, cela ne dépend pas du FMI, encore moins de la bourse de Chicago, mais de nous et nos options économiques.
Nous reviendrons dans nos prochaines contributions sur l’énergie pas chère, l’habitat économique, le chômage des jeunes et l’industrialisation dans la zone CEDEAO.
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