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[ Contribution ] L’humanitaire : l’ogre philanthropique

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[ Contribution ] L’humanitaire : l’ogre philanthropique

Le Sida, un acronyme affreusement célèbre !

Le Sida, jamais une maladie n’a ainsi bouleversé le social, le culturel, le médical, le politique, l’économique, etc.

Depuis qu’il est apparu, ou depuis qu’on l’a découvert, toutes sortes de choses vraies ou fausses ont été développées sur lui. Mais, une chose est sûre, il est là, et  on fait avec.

Et l’image qu’il nous renvoie ou qu’on nous donne de lui est effrayante, affreuse même. Tel un ogre, il ne cesse de décimer, surtout de pauvres africains dit-on, qui non contents de croupir sous le poids de la pauvreté (un autre ogre), se voient obliger de prendre des précautions, d’inviter par force un intrus très indiscret, puisqu’il (le condom) s’immisce subrepticement dans ces relations les plus intimes entre l’homme et la femme.

Aucun être humain ne s’amuse plus à faire l’amour (on se demande si c’est toujours amusant !) sans avoir une pensée discrète à ce risque tout aussi obsessionnel que malencontreux de contracter cette infection majeure qui se répand paradoxalement à l’ère du tout humanitaire, à l’ère de l’altruisme, à l’ère des grandes déclarations universelles de lutte contre tous les malheurs qui assaillent l’humanité.

Et cependant, il se répand et continue de se répandre à l’instar des autres malheurs, qui plus on s’intéresse à eux, plus ils se développent !

Quel est donc ce paradoxe monstrueux ?

Oui, c’est paradoxal, et c’est monstrueux de voir que plus on s’intéresse à un malheur (Sida, pauvreté, misères, famines, etc.), plus il se développe malgré les bonnes volontés.

Cela peut amener donc à se poser des questions sur ce paradoxe qui est la caractéristique principale du monde depuis qu’on est entré dans l’ère de ce qu’on pourrait appeler l’humanitaire.

L’humanitaire- depuis les deux événements fondateurs, la famine au Biafra (Nigeria) et le génocide au Cambodge- est entré dans l’ère du temps, pour ne pas dire qu’il est devenu la mode. Et depuis, il est partout, et on aurait même l’impression qu’il est activement à la recherche d’un terreau, s’il ne le suscite comme par hasard !

Chaque jour qui se lève vient conjointement avec son cortège de malheurs et d’élans humanitaires. Et la moindre inégalité est perçue comme injuste, et on fait mine de vouloir le résorber.

Ainsi, cette situation abracadabrante, hallucinante, ne pourrait s’expliquer que par le fait que l’humanitaire, contre toute attente, est devenue un ogre, mais un véritable « ogre philanthropique ».

Voilà, l’expression est lâchée ! L’ogre philanthropique  a besoin de vouloir faire le bien, a besoin du pathétique, du sensationnel, de l’émotionnel, et il lui faut son contingent de victimes. Si la nature ne lui en fournit pas à travers les catastrophes naturelles qui surviennent sans crier gare (sunami, ouragan, etc.), il entretient les misères qui sont là, s’il n’en crée d’autres, en publiant chaque fois que de besoin, des chiffres fabuleux pour ne pas dire fallacieux, et personne n’ose remettre en cause cela, de peur d’être taxé de misanthrope, de méchant, de sans cœur, etc.

Il faut à l’humanitaire chaque jour son cortège de misères pour être heureux, pour être actif, pour avoir du travail. Sinon, il est timoré, il est malade ou il crée le chômage que d’autres ogres philanthropiques ne manqueront pas d’exploiter. C’est dire donc que tel un sphinx, il renaît toujours de ses cendres.

Les victimes (pauvres, sidéens et autres affamés) sont devenues un marché, un filon d’or. On se bouscule même pour l’exploiter. Si ce n’est pas l’ONU avec ses institutions spécialisées (Onusida, PAM, FAO, etc.), ce sont les ONG qui se concurrencent âprement pour avoir le marché, ou une part du marché. Et le langage est monstrueux.

« Nous avons un marché au Niger, il paraît qu’il y a la famine », le PAM se déploie aussitôt, même si le gouvernement nigérien s’égosille à dire qu’il n’en est rien ! On crie famine au Sénégal, aussitôt c’est une partie de ping-pong entre les organisations gouvernementales, les organisations non gouvernementales et les institutions spécialisées de l’ONU.

Le Sida se développe, il  faut une institution spécialisée, on crée l’Onusida, les ONG viennent prendre leur part du gâteau, les gouvernements se mobilisent pour ne pas être en reste, et le Sida continue de se développer nous dit-on, sans qu’on ait les moyens d’infirmer ou de confirmer quoique ce soit. La famine se développe et ils se frottent les mains !

Des chiffres mirobolants sont avancés, et chaque année, les « coursiers de la misère », comme des charognards sur une proie sans défense, demandent de faire plus, de donner plus d’argent, parce que sans ça, rien ne sera réglé.

On donne plus et rien ne semble se régler pour autant !

Une chose en tout cas est sûre, ce n’est pas ceux qui travaillent dans ces organismes « humanitaires » qui se trouvent dans la misère, chaque fois, ils deviennent plus riches, sont entre deux avions, et ceux pour qui ils sont sensés être là, croupissent davantage. De qui se moque- t-on ?

Ne trouve-t-on pas absurde de voir toujours celui qu’on veut aider croupir dans la misère, et que celui qui prétend aider, toujours dans une richesse opulente, alors que c’est à cause           (grâce serait le terme approprié) de sa misère qu’on a ce boulot, ou qu’on a créé ce boulot, ou qu’on est rétribué.

L’ONU a été créée, à cause d’une misère extrême, les guerres mondiales et leur cortège de malheurs, et depuis ses agents vivent dans l’opulence sur le dos de ces miséreux grâce à qui elle continue de créer des institutions spécialisées sans jamais résoudre grand chose. Hormis le fait de faire des déclarations, d’émettre de bonnes intentions (et si l’enfer était pavé de bonnes intentions ?), peu de choses ont été réglées.

Les ONG, qui pullulent dans le contient africain comme des moustiques, n’ont jusqu’ici elles aussi, fait qu’enrichir ceux qui y travaillent et qui les ont créées que pour cela visiblement.

Ces intermédiations délétères, causes premières de l’accentuation de la misère sous toutes ces formes, ou à tout le moins, de sa reproduction, ont amené à penser qu’il fallait moins de médiations, pour une meilleure efficience des politiques sociales et des actions humanitaires, voire des politiques économiques.

Les institutions de Bretten Woods avaient désétatisé, en prônant la libéralisation ; d’autres bailleurs de fonds ont préconisé aussi le contournement des ONG, en espérant qu’avec l’implication des populations de la conception à la réalisation, et dans les actions humanitaires, la situation serait meilleure.

C’est ainsi, que des concepts comme « organisation communautaire de base » (OCB), « développement à la base », « développement communautaire », etc. constituent actuellement l’essentiel du langage usuel des théories « développementalistes », et de ce que beaucoup d’autres appellent «  les courtiers du développement », et que nous appelons sans ambages « les coursiers de la misère ».

Ce qui intéresse ces gouvernements, ces développeurs, ces Ong, ces organismes des nations unies, ces consultants, ces associations de développement, ces ogres philanthropiques, etc., ce n’est pas à proprement parler le développement ou enrayer une quelconque maladie, mais comment faire de la misère, du malheur des autres, un marché et vivre de ça comme des sangsues.

Ainsi, il n’est pas étonnant qu’à chaque « reality show » de ces acteurs de la misère, ils feignent de remarquer que « beaucoup restent à faire » ou « que rien n’a été réellement fait ».

Ce qui serait désolation pour les miséreux, serait source de satisfaction pour ces coursiers de la misère, parce qu’ils savent que le filon est encore prometteur, avant d’aller prospecter ailleurs, avec peut être… le courant alter-mondialiste, un autre filon très prometteur.

Prenons cependant garde de mélanger la sincérité de l’engagement d’hier à l’opportunisme cannibale qui lui aurait succédé, l’authenticité d’avant aux artifices du moment, bref l’âge d’or de l’aventure morale à la décadence du « charity business ».

Toujours est-il que le constat est amère ! Si les misères de toutes sortes continuent de se répandre malgré toutes ces politiques, toutes ces bonnes volontés, toute cette fibre humanitaire, la cause n’est pas à rechercher dans le manque de moyens ou dans des politiques inadéquates, mais dans le fait que cet élan humanitaire précisément s’est vite transformé en un ogre philanthropique qui ne trouve sa satisfaction et sa survie que dans la reproduction, le maintien ou l’invention de toutes sortes de misères.

La misère des uns est devenue un marché pour les autres ; un marché avec ses règles, ses entrepreneurs. Aussi, l’objectif latent ou manifeste de ces entrepreneurs, est quoiqu’on puisse penser, non pas de résoudre cette équation qu’est la misère, la souffrance sous toutes ses formes, mais de vivre de cette misère, quitte à verser des larmes de …crocodile ; sinon comment comprendre par exemple comme le dit J Ziegler que « 100.000 personnes meurent chaque jour de faim alors que l’agriculture mondiale peut couvrir les besoins alimentaires de … 12 milliards d’individus, soit environ deux fois la population mondiale actuelle ».

Absurde non ! A moins de dire que cette déclaration est pure démagogie, et donc une stratégie de manducation de la part de son ou ses auteurs.

Dés demain, je vais créer une Ong au Fouta (Nord du Sénégal), parce que là-bas, un phénomène inquiétant (qui peut rapporter gros) s’y développe : les grands-mères à 30 ans et les filles-mères !

J’espère que je n’y suis pas devancé. 

Mamadou Moustapha WONE

Sociologue

BP: 15812 Dakar-Fann

moustaphawone@voila.fr

Sénégal.



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