Professeur Iba Der Thiam, vous permettez ?
Je croyais m’être trompé de personne, en entendant le « député du peuple », devenu « député du Président », se lancer dans un exercice « amer » de glorification du Messie de Kébémer. Avec tout le respect que l’on doit aux érudits, l’attitude du Professeur dégoûte, au point d’inspirer la pitié, pour ne pas dire le mépris.
Une fixation sur le passé« L’Afrique est le berceau de l’humanité », nous dit le professeur qui, à ce qu’il paraît, serait nostalgique des années 50 ou 60 pour lesquelles il se ferait une fixation, nous replongeant dans un débat à la limite futile sur l’Homme noir. Nous avons tous en mémoire le fameux discours de Nicolas Sarkozy à Dakar. En ce 21ème siècle, avec tous les progrès réalisés dans le brassage des cultures, Iba Der Thiam n’a rien d’autre à nous dire que l’Afrique est le berceau de l’humanité, sans expliquer en quoi cette théorie avait fait avancer le continent. Pis, ajoute-t-il, « on est en train de recentrer l’Homme africain dans ses préoccupations essentielles... Le Président Wade décomplexe l’Homme africain, en prouvant qu’il a toujours été debout et qu’il ne s’est jamais assis. » Je me garderais bien de faire des commentaires sur ces propos, de même que sur l’Homme africain, à savoir s’il reste debout, assis ou couché. Un rapide survol de l’actualité sur le continent en dit beaucoup. « L’âge d’or n’est pas pour demain », avait prédit Ayi Kwei Armah à la fin des années 60. Ce dont nous sommes certains au Sénégal, c’est que notre République n’est pas debout, à l’image de l’homme sénégalais qui aujourd’hui, a du mal à « lever la tête », comme vous le dites, professeur. Les expatriés savent de quoi je parle.
« La plus belle des ruses du diable est de vous persuader qu’il n’existe pas »
En 2000, c’était une fierté de décliner son identité, de crier sur tous les toits qu’on était Sénégalais ; aujourd’hui, c’est devenu une honte, et vous savez pourquoi. Professeur, nous vous croyions incapable de tomber si bas, au point de cracher sur votre passé glorieux, imbu de « diom », de « fouleu » et de « faïda ». Vous qui avez survécu à Abdou Diouf, comment est-il possible que vous ayez mis un trait sur ce qui a toujours fait votre singularité ? Votre langage de vérité m’avait beaucoup frappé quand j’étais gamin, je vous entendais toujours évoquer le Coran pour défendre vos idéaux. Aujourd’hui, plus rien, les versets ont été rangés aux oubliettes depuis belle lurette... Etes-vous devenu amnésique entre temps, professeur, comme ce farceur qui promettait de régler le problème casamançais en 100 jours, le même qui demandait à ceux qui n’avaient pas de boulot de lever la main, celui qui dénonçait l’inflation institutionnelle, le Sénat, le prolongement du mandat des députés, le fait d’être président et chef de parti, et j’en passe ? Que s’est-il passé entre temps, professeur ? Nous avez-vous caché votre véritable identité, votre vraie nature ? J’ose seulement espérer, que vous n’avez pas changé de religion…
« En politique, on propose, ou on s’oppose »
Vous vous êtes violemment pris aux assises nationales avec la plus grande sévérité, oubliant que le rôle de l’opposition n’était pas de faire des suggestions seulement, mais de servir de garde-fou et de dénoncer les tares du régime. Vous de la majorité, avez été élus, et certains d’entre vous, nommés par le Président, pour réfléchir et faire des propositions. L’opposition ne le fera pas à votre place. De grâce, rendez-vous utiles, arrêtez d’applaudir tout le temps et faites des propositions sérieuses ; c’est le minimum de reconnaissance que vous devez aux Sénégalais et à Abdoulaye Wade. « Charity begins at home ». Seriez-vous « besacier », professeur, au point d’oublier que la case paternelle a déjà pris feu ? Parlez-nous du Sénégal avant de parler de l’Afrique. Certains députés africains sont assez responsables et matures pour ne pas voter des conneries de loi qui n’ont aucun intérêt pour leur république. Nous avons été assez idiots de croire que plus on avançait en âge, plus on devenait sage.
« Aujourd’hui, nous avons des ambitions plus importantes »
Je refuse de croire que les ambitions d’Abdoulaye Wade sont les vôtres, professeur, cela n’a aucun sens. En vous écoutant parler avec des trémolos dans la voix, vous me rappelez l’intervention de Bernard Kouchner devant le parlement français. Le « French Doctor » a manqué de convaincre ses interlocuteurs face aux accusations de Pierre Péan. Votre tête, vous l’avez baissé depuis belle lurette, professeur. Voilà pourquoi vous avez du mal à regarder le peuple dans les yeux, voilà pourquoi vos concitoyens ne vous entendent plus parler des problèmes de la vie cher, de l’éducation qui vous tenait tant à cœur, de l’arnaque de la Senelec sur le dos des consommateurs, de l’accès à l’eau, aux hôpitaux, des inondations et des innombrables maux qui gangrènent la société sénégalaise malade de ses élites. « Kou eumb sa sankal, eumb sa soutoureu ». On y voit un peu plus clair.
Flatterie, quand tu nous tiens !
Le corbeau, voulant prouver au renard qu’il avait une belle voix, s’est mis à chanter, libérant de fait, le « fromage » qu’il tenait en son bec… Professeur, le respect que je vous dois ne m’interdit pas de vous chuchoter à l’oreille, dans la plus grande discrétion, que vous avez trahi le peuple, en prenant part au festin des « vautours ». Nous avons toujours cru que vous resteriez fidèle à vos convictions, à vos engagements, à votre intégrité, mais hélas… Le parlement sénégalais se souviendra qu’en ce 23 juillet 2009, l’illustre député du Peuple, converti en député du Président s’est renié, en public, pour se lancer dans un exercice de giottisme indigne même d’un « Guéwél ». Un célèbre marabout disait : « si vous entendez dire d’une personne qu’elle a vendu son honneur, soyez certain que c’est quelqu’un qui n’a jamais eu d’honneur. » Je refuse de croire que ce soit votre cas, vous valez mieux que cela, professeur. Ressaisissez-vous avant qu’il ne soit trop tard. Vous ne devez rien à Abdoulaye Wade. Affranchissez-vous, et reprenez votre liberté de parole, professeur, la République vous en sera reconnaissante.
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