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Vendredi 01 Juin, 2018 +33
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CONTRIBUTION: La crise du logement à Dakar

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CONTRIBUTION: La crise du logement à Dakar

 

Le Sénégal, naguère pays de la Téranga est en train de prendre une très mauvaise direction. Je n’évoquerai pas tous les maux dont souffrent quotidiennement les sénégalais. Mon propos portera sur la situation du logement dans la région de Dakar. J’apporterai également des propositions concrètes pour résoudre les problèmes du logement dans la région de Dakar afin d’atténuer cette crise.

Tout est parti d’un simple constat. La construction d’un petit immeuble de 4 étages venait de s’achever dans mon quartier de la SICAP Liberté 5. Un ami m’avait chargé de me renseigner sur le prix des loyers dans le secteur des SICAP afin qu’il puisse y emménager. Je me suis rendu à cet immeuble à peine terminé pour connaître le prix des loyers. Ma surprise a été grande quand on m’a révélé qu’un appartement de trois pièces se proposait à 300.000 FCFA. J’ai alors pensé que ceci était un cas particulier et qu’il s’agissait d’un propriétaire rêveur qui croyait posséder un immeuble à Londres, ou Paris. J’ai alors décidé de chercher ailleurs.

J’ai mené des investigations plus approfondies pour étudier les prix des loyers dans quelques quartiers : SICAP, HLM,  Médina, Nord Foire, Ouest Foire, Yoff, Patte d’Oie, Grand Yoff et Parcelles Assainies Pour cette enquête, j’ai procédé de trois manières :

- en premier lieu, j’ai interrogé toutes les personnes locataires que je connaissais pour savoir le montant de leur loyer quelque soit la zone d’habitation,

 - dans un second temps, j’ai visité plusieurs agences immobilières et quelques courtiers pour connaître les prix pratiqués,

- enfin, j’ai consulté plusieurs pages webs où des offres de location étaient proposées.

Les résultats de cette enquête, loin d’être exhaustifs, sont représentatifs d’une réalité alarmante. Le constat est simple : les loyers à Dakar sont très chers voire même prohibitifs.

 

Les prix varient considérablement allant même du simple au double d’un quartier à l’autre. C’est pour cela qu’il n’est pas pertinent de proposer une moyenne de prix pour l’ensemble des quartiers visités. Par contre, on peut prendre des quartiers en exemple et donner la fourchette de prix au sein d’un quartier. Pour ce qui est des SICAP, le prix des studios varie entre 50.000 FCFA et 165.000 FCFA. Aux Parcelles Assainies, pour le même type d’appartement, il faut prévoir entre 40.000 FCFA et 140.000 FCFA. A Nord Foire un appartement de trois pièces se loue dans la fourchette de prix 130.000FCFA et 420.000 FCFA. A Grand Yoff, le même type d’appartement se négocie entre 100.000 FCFA et 380.000 FCFA. Je n’ai pas osé enquêter dans des quartiers comme les Almadies ou le centre ville de Dakar de peur d’entendre des prix  choquants parce que dans ces quartiers des appartements peuvent être proposés en location à des prix allant jusqu’à trois millions de francs FCFA mensuels.

Ce coût élevé des loyers est d’autant plus inacceptable que les revenus de la plupart des sénégalais sont très bas. Au Sénégal, un fonctionnaire professeur de lycée gagne moins de 200.000 FCFA et un ouvrier qualifié dans le secteur privé gagne à peine 100.000 FCFA.

 

Je me suis renseigné auprès des autorités compétentes et il paraîtrait qu’il existe une réglementation relative à la fixation des loyers. Et même si cette législation existe, elle est ignorée de la plupart des sénégalais. Dans la réalité des faits, disons qu’il n’existe aucune législation à ce sujet. On constate que les propriétaires louent leurs biens immobiliers aux prix qui leurs conviennent. Cette situation est, à mon avis, intolérable et il est nécessaire que l’Etat prenne ses responsabilités pour éradiquer ce phénomène de spéculation sur les loyers.

 

 Alors que l’heure est à la réduction de la pauvreté, cette situation tend à la renforcer en excluant toute une frange de la population de l’accès au logement. Cette situation favorise aussi l’insécurité car les personnes qui n’auront pas de moyens de se loger vont squatter tout naturellement la rue ou l’espace public ou privé engendrant des conflits. De nombreuses familles au Sénégal vivent effectivement dans la rue ou squattent des maisons abandonnées ou en construction, avec tous les problèmes que cela implique en matière de santé publique, d’échec scolaire, de délinquance, de déviation, de prostitution….

 

On peut même se demander si la notion de ville a un sens au Sénégal. Selon Le Corbusier, la ville répond à quatre fonctions : se loger, se déplacer, travailler et se divertir. Malheureusement, il n’y a que cette dernière, le divertissement, qui nous est largement proposé à Dakar. Des boites de nuit, des bars, des pauvres filles que la misère sociale a fini de rendre les mœurs super légères, des artistes sans talents prolifèrent dans la ville de Dakar. Tous les ingrédients pour faire de Dakar une capitale de divertissement sont réunis. La ville ne remplit plus son rôle : crise du logement, problèmes croissants de mobilité urbaine, chômage élevé sont les mots et maux qui qualifient le Sénégal.

Pour éradiquer ce phénomène et venir en aide aux populations les plus démunies de notre pays, des solutions existent. La première consiste, à l’instar de ce qui se fait dans plusieurs pays du monde, en la création de ce qu’on pourrait appeler une commission de régulation et de contrôle des loyers ou un observatoire du logement.

 

Cette commission présente un intérêt double : celui d’abord de permettre un accès plus large au logement, de façon décente et à des prix raisonnables, et celui de permettre aux services fiscaux d’obtenir des informations fiables et détaillées pour procéder à un recouvrement correct des impôts fonciers. Cette commission ne doit pas aller contre le marché en fixant les prix des loyers mais comme son nom l’indique il s’agira de réguler en empêchant toute exagération et débordement. Elle fera sur demande soit du propriétaire ou du locataire des évaluations de valeurs locatives de biens immobiliers. La base de données ainsi constituée sera utile à l’aménagement du territoire, la planification urbaine, le recouvrement des impôts fonciers….

 

La création d’une telle commission est la première mesure urgente que devra prendre l’Etat.

Ensuite, celui-ci devra, par le biais des sociétés comme les Office HLM ou encore la SICAP, promouvoir une réelle politique d’habitat sociale cohérente et adaptée à la situation que vit Dakar. Précisons qu’il n’existe au Sénégal aucune politique d’habitat social. C’est la spéculation foncière pure et simple qui dicte la règle en la matière, les terrains et logements étant vendus aux premiers plus offrants. Pour parler de politique d’habitat social, des critères sociaux pertinents doivent être mis en place pour l’attribution des parcelles.
Des terrains doivent être réservés aux personnes aux revenus modestes.

Le système qui prévaut actuellement est l’attribution aléatoire des parcelles. Que ce soit les HLM ou la SICAP qui vende des terrains, les prix sont fixés arbitrairement et les premiers venus sont servis. Il est alors évident que les personnes à faibles revenus risquent de ne jamais accéder au logement,  les spéculateurs s’acharnant sur les terrains pour les revendre un peu plus tard aux braves citoyens à revenus modestes.

Je recommande alors à l’Etat de favoriser la promotion immobilière sociale, de redéfinir la politique des grands promoteurs immobiliers en leur imposant de satisfaire réellement à cette demande de logement social. L’Etat devra aussi promouvoir la construction d’immeubles locatifs sociaux. C'est-à-dire produire des immeubles non destinés à la vente mais mis en location à des prix raisonnables aux ménages à revenus faibles.

 

Le dernier point que je voulais aborder est la promotion de l’habitat collectif. Je ne vous apprends rien en vous précisant que l’offre en terrain à Dakar est quasi nulle : l’espace est saturé. Pour que tout le monde puisse se loger, la solution est la promotion des immeubles d’habitation collectifs. Culturellement au Sénégal, les gens n’aiment pas habiter dans les immeubles mais préfèrent les logements individuels. Cette situation ne peut plus continuer car les réserves foncières de la région de Dakar sont épuisées au point que l’Etat a délivré des permis de construire dans des zones non oedificandi. Je pense à la Zone de Captage à coté du pont de Hann, aux maristes, aux abords de l’aéroport International de Dakar et tant d’autres sites où un Etat responsable devrait empêcher l’érection de logements. Une zone non oedificandi est une zone ou toute construction est interdite en raison des risques que cela comporte. C’est par exemple, la proximité d’un aéroport à cause du bruit, des risques d’accident… mais c’est aussi des zones connues pour être inondables. La dernière inondation des maristes n’a pas été en cela une surprise. Pour éviter ces débordements, on devrait être en mesure d’habiter ensemble dans de grands immeubles où chacun dispose de son appartement. C’est ce qu’on appelle la copropriété. La copropriété a l’avantage non seulement d’économiser de l’espace et de réduire les charges, tous les travaux ayant trait aux parties communes des immeubles étant réalisés avec le concours de tous les foyers de l’immeuble. L’adage ne dit-il pas que l’union fait la force.

 

L’Etat doit aussi apporter un soutien financier aux propriétaires qui souhaitent mettre à la disposition des populations à bas revenus des logements locatifs. Des prêts sans intérêt pourraient par exemple être attribués aux promoteurs qui construisent des logements locatifs à condition que ceux-ci soient loués à des prix fixés par la commission dont je suggère la création plus haut.

 

Cheikh BITEYE

 

Urbaniste

Diplômé de l’Institut Français d’Urbanisme

Université de Paris VIII

Courriel : cbiteye@yahoo.fr



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