Que l’on soit avisé ou pas, on se demande à quel titre Karim Wade a t-il accompagné, la semaine dernière, le Ministre des Mines, de l’Industrie et des PME, en visite aux Industries chimiques du Sénégal (ICS). Le sommet de la Conférence islamique a vécu ! Le temps où les travailleurs des ICS se débattaient pour sauver leur outil de travail et les nombreuses localités adossées au fleuron (pillé) de notre industrie le serait-il aussi ? Tout est bien qui finit bien. Mais il existe une mémoire dont la presse est le dépositaire, qui montre que l’on ne devient pas sauveur sans procès après avoir été, il y a quelques semaines seulement, le larron du bien de tous.
Il n’y a guère longtemps, un certain Jérôme Godard (JG) bloquait « 45 milliards CFA des ICS, empêchant le paiement des salaires ». Fait troublant : cette somme d’argent est exactement égal aux 45 milliards (de recapitalisation des ICS par les Indiens) qui attendent à la City Bank. Que pouvons-nous encore dire de JG, qui étaye le mauvais rôle joué par Karim Wade dans la sulfureuse affaire des ICS ? Primo, dans une interview, accordée au quotidien Walfadjri, M. Godard se faisait passer pour un employé d’une société chypriote « spécialisée dans le courtage et dans le négoce de produits dont les fertilisants pour une grosse partie de son activité ». Secundo, « quand on voit, expliquait JG, que les choses n’avancent pas et que le partenaire est en train de se comporter en parfaite mauvaise foi, qu’il ne respecte aucun de ses engagements et que l’on subit des pertes financières et des dommages commerciaux, on est obligé de prendre des mesures qui ne sont pas toujours agréables à prendre ». Tertio, JG disait (de Wade et de sa famille) qu’il « revendique une profonde amitié et un profond respect ». « Et (…) pense que la famille Wade a le même respect et une reconnaissance professionnelle pour (…) » tout ce qu’il avait fait pour elle. De Karim Wade JG soutint qu’il « est un homme d’affaires redoutable ». De quelles affaires s’agit-il ? Plus redoutable encore, JG assurait avoir « toujours, (…), scindé l’amitié avec le monde des affaires, et le monde des affaires avec le pouvoir politique ». Il n’en fallait pas plus pour que Karim Wade s’évertuât de « connaître la nature de[s] (…) relations [de M. Godard] avec la presse sénégalaise » pour prévenir tout dérapage. « Karim Wade, confessa JG, m’a joint (…) au téléphone pour me dire que j’étais derrière l’article paru (…) dans [Walfadjri] ». JG « se présentait (…) en victime des agissements de la direction des ICS et menaçait de faire un déballage ».
« Nous sommes déjà prêts à relever le défi pour atteindre notre vitesse de croisière dès que les moyens seront dégagés pour l’achat de pièce de rechange », laissa entendre Ousmane Diop à l’attention des visiteurs. Prudence : la fourniture aux ICS de pièces de rechange, surfacturées par la société d’un certain Khalil, alors que les ICS savaient où s’approvisionner à très bon prix, conduisit à la banqueroute que le président Wade ne cherchait plus à extirper du passif de son régime lorsqu’il promit, depuis Paris, de poursuivre les responsables. La responsabilité de son propre fils aurait-il dissuadé le président à aller jusqu’au bout ? Présent sur le site des ICS, le nouveau ministre de la Justice Madické Niang, plutôt louangeur, ne fera rien pour que justice soit faite.
Dans le nouveau deal à six (Abdoulaye Wade, Karim Wade, Madické Niang, Ousmane Ngom, le Dr Awashi du groupe IFFCO et le syndicaliste Ousmane Diop), les Sénégalais, sans mémoire et sans protection venant de leurs élites, doivent s’en tenir au fait accompli. Le mépris à leur égard atteint son paroxysme quand Karim Wade est crédité « d’importants dividendes politiques » pour restitution d’une partie insaisissable de l’objet chipé. On se souvient de la commercialisation, « par pitié », pour 18 millions de dollars, de 300 000 tonnes de boue à 18 % d’acide phosphorique dormant dans les cuves des ICS, qui « n’étaient même pas conscientes d’avoir cet actif (…) et n’en connaissaient ni la valeur ni les possibilités d’écoulement ». JG a beau expliquer le déjeuner qu’il a partagé avec l’ancien Premier ministre Macky Sall, en présence de Ousmane Ndiaye, ex-directeur général des ICS et de Karim Wade, par l’hospitalité sénégalaise, mais le journaliste Johnson Mbengue, qui voulait en savoir plus, lui arracha quelques confidences. Les quatre hommes parlèrent aussi de la « commercialisation des produits ». De quels produits ? Les boues ? Les « amis » sénégalais de M. Godard en furent-ils englués ?
Nous vivons un changement radical du type de régime politique, avec l’avènement d’un nouveau pouvoir, celui des réseaux mafieux. Voici les raisons pour lesquelles nous pouvons dire que nous ne sommes déjà plus en démocratie.
Photo : Karim Wade
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