En parvenant à mobiliser 70 milliards de francs Cfa, les fonds propres de la Bad sont passés de 35 milliards en 2008 à 105 milliards de francs de Cfa en 2010. Une augmentation de 200%. La recapitalisation déjà faite, place maintenant à la gestion des exigences légitimes et contraires des différents actionnaires.
La Bad a deux catégories d'actionnaires : les actionnaires fondateurs régionaux (les 53 pays africains qui détiennent 60% des parts) et les actionnaires non régionaux (les autres Etats qui ne sont pas du Continent africain et qui détiennent 40% des parts). Au 31/12/2008, la géographie du capital social de la Bad, qui regroupe au total, 77 pays, et dont le capital social était de 35 milliards de francs Cfa, se présentait ainsi : 21% des parts pour 14 pays d'Europe, 7% des parts pour 4 pays d'Asie, 1% des parts pour 2 pays du Moyen -Orient, 11% des parts pour 4 pays d'Amérique du Nord et du Sud et 60% des parts pour les 53 Etats africains. Sur cette enveloppe, les pays africains membres de la Bad, qui produisent et/ou exportent du pétrole, sont financés par l'institution bancaire africaine, à hauteur de 41% du volume total de ses opérations ; contre 42% pour les pays africains non producteurs et/ou de pétrole et 17% pour la clientèle « Régional et Multinational ». Les Africains disposent donc des deux tiers (2/3) du capital de la Bad donc une majorité dans le capital ce qui leur permet de contrôler l'institution. Rien de plus normal. Seulement, la Bad lève ses ressources nécessaires pour le financement de ses opérations sur le marché des capitaux (Europe, Amérique, Asie). L'Afrique malheureusement n'a pas de marché financier dynamique, à même de couvrir les besoins de financement de la Bad. L'actionnaire majoritaire, c'est-à-dire les 53 pays africains qu'on désigne encore sous l'appellation de « Régionaux », a le pouvoir juridique. Les actionnaires minoritaires, c'est- à- dire les autres pays hors du Continent africain, qu'on désigne aussi sous le vocable de « Non -Régionaux », ont le levier financier, permettant les levées de fonds de la Bad sur le Marché financier international. L'actionnaire majoritaire (l'Afrique) cherche une rentabilité économique (bien être social des populations africaines à travers des investissements dans l'Education, la Santé, l'Assainissement et les Infrastructures sur le continent). Les actionnaires minoritaires cherchent une rentabilité financière (investissements sur des titres et dans les places financières dans une logique de gagner le maximum d'argent en un minimum de temps).
L'après recapitalisation où l'art de concilier des exigences légitimes et contraires ?
Dans la plupart des Etats du Continent africain, l'heure est au financement des infrastructures structurantes (Routes, Ponts, Aéroports, de Grands travaux d'équipements publics), alors que dans la plupart des pays membre non africain (l'Europe, l'Amérique et l'Asie), société est à l'étape de la Grande consommation. De manière prosaïque, l'Afrique est dans une phase de construction alors que les autres sont dans une logique de consommation.
D'un côté, les actionnaires minoritaires, les pays non africains, souhaitent que la Bad investisse plus sur les titres de placement sur le Marché financier avec un portefeuille de placement de la Bad évalué à 70 milliards de francs Cfa et réparti en Dollars US (49%), en Euros (31%), en Gbp « Great Britain Pound, la monnaie du Royaume Uni (9%) et autres monnaies (12%), plutôt que d'octroyer des prêts aux pays africains qui remboursent difficilement -et bizarrement- préfèrent rembourser avec leurs maigres ressources, les institutions de Brettons Woods (Fmi et Banque mondiale) en premier avant de se libérer vis-à-vis de la Bad.
De l'autre côté, l'actionnaire majoritaire (les 53 pays africains), préconise la mise sur pied de différents fonds spéciaux plus enclins à tenir en compte des balances de paiements d'un Etat à l'autre, c'est-à-dire la capacité des Etats à exporter plus qu'ils n'importent, afin de générer des recettes supplémentaires pour mieux faire face à la crise financière mondiale. Selon toujours les Etats africains, les besoins spécifiques du Continent africain sont mieux gérables par des fonds spécifiques que par le financement à travers les structures bancaires classiques de la Bad.
Ainsi, donner une réponse fondamentale à cette question qui se pose à la Bad revient à résoudre cette équation au second degré : comment la Bad va rester dans son cœur de métier (le financement des secteurs sociaux de base en Afrique) tout en demeurant fidèle à sa vocation première (une banque à pour vocation à faire des bénéfices) ? Il faut gérer les exigences légitimes et contraires. Tout un exercice.
Mohamadou SY «Siré» / siresy@gmail.com
Journaliste économique et financier
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