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Afrique

PRINCIPALES SOURCES DES CONFLITS EN AFRIQUE

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PRINCIPALES SOURCES DES CONFLITS EN AFRIQUE

La terre et l’eau menacent les unités nationales

Dans un continent malade de ses richesses et de la pauvreté de certaines de ses zones, l’accès à la terre et à l’eau est entrain de venir un des problèmes les plus difficiles à gérer et organiser de manière durable sur le chemin de la paix. Au Zimbabwe dans le sud du continent, comme au Rwanda dans le centre jusque dans les régions forestières de la Côte d’Ivoire et de la Sierra Leone, l’insécurité foncière, l’accès précaire aux terres de culture et aux zones de parcours, sont aujourd’hui entre autres, les principaux problèmes sur lesquels butent les techniciens du développement rural, chercheurs et politiques pour construire l’unité africaine.

Sources de conflits divers dont la panoplie est encore à faire, la terre et l’eau placent encore certains groupes d’acteurs en position d’exclus, au nom du droit du sol, de droit sur le sol et l’eau. Ce constat fait par les anthropologues, sociologues, géographes, techniciens du secteur de l’élevage, est aujourd’hui suffisamment grave pour être le prétexte d’un atelier régional à l’initiative de Lead-Afrique, le Fonds des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (Fao) et le Groupe de recherche et d’échanges technologiques (Gret) sur le thème, « Conflits pour l’accès aux ressources en terre et en eau dans les zones arides d’Afrique subsaharienne : facteurs socio-jacents et réponses politiques. »

Dans le rapport qu’il a présenté en ouverture de l’atelier thématique de Dakar, Oussoubi Touré, en sa qualité de sociologue, spécialiste des questions pastorales, a rappelé « qu’en Afrique subsaharienne, les enjeux de l’accès équitable à la terre sont liés au fait que cette ressource constitue l’un des substrats essentiels des activités productives en milieu rural. A l’en croire, « L’aggravation de la crise qui affecte les zones arides et semi-arides en Afrique subsaharienne et l’instauration d’une insécurité alimentaire généralisée s’accompagne de l’exacerbation des conflits liés à l’accès à la terre et/ou au contrôle des ressources naturelles qui ont pour noms : conflits récurrents entre agriculteurs et éleveurs dans les pays du Sahel, conflits fonciers en Côte d’Ivoire, conflits autour du partage des eaux du fleuve Sénégal entre la Mauritanie et le Sénégal. Conflits pour le contrôle des ressources minières en Sierra Leone, au Liberia etc. »

Pour le chercheur, autour de toutes ces questions, aujourd’hui sources de nombreux problèmes dans la sous-région, l’on pourrait évoquer toutes les tensions et conflits qui existent entre différents groupes d’acteurs qui revendiquent les mêmes droits sur une ressource commune (terres de culture, zones de parcours ou de pêche etc. qui doivent être appréhendés comme la résultante d’un accès non équitable à la ressource… » Face aux enjeux de la rivalité économique, sociale, politique et environnementale, l’importance du foncier en tant que facteur de conflits, n’est pas, selon lui, toujours correctement perçue. « Or les conflits fonciers, signale Oussoubi Touré, sont devenus une donnée constante dans de nombreux pays d’Afrique subsaharienne confrontés au processus de paupérisation accrue qui rendent encore plus complexe la gestion équitable des ressources naturelles. A l’en croire, Ils revêtent une acuité particulière dans les zones frontalières des pays voisins et à l’intérieur de chaque pays, autour des lignes de partage entre différents groupes ethniques obligés de cohabiter dans un même espace de vie. »

Sérieuse menace sur l’unité d’un continent

Au centre de certaines questions de stabilité politique et même économique, la terre et l’eau pourraient expliquer par le mode et les difficultés d’accès qui les entourent l’origine et la nature de certains conflits en Afrique.
C’est ainsi pour certains sociologues presque tous unanimes sur la question, « les épisodes de sécheresse et les crises alimentaires récurrentes ont engendré une amplification des flux migratoires entre différentes régions à l’intérieur d’un même pays, mais aussi entre les pays sahéliens et les pays côtier. Ces mouvements de populations s’accompagnent, souligne Oussoubi Touré, d’une compétition à haut risque pour l’accès à la terre pour l’accès à la terre. C’est ce type de dynamique conflictuelle qui se développe en haute Casamance (Sénégal) où l’arrivée de migrants provenant du centre du pays suscite des disputes et des tensions entre les populations autochtones et allochtones ».

Des conflits fonciers de même nature expliquent encore pour une large part, la situation qui prévaut actuellement en Côte d’Ivoire. Selon lui, « L’expérience engagée dans plusieurs pays d’Afrique de l’Afrique subsaharienne montre que l’accès aux terres de cultures, aux pâturages et aux ressources en eau constitue un gage de paix, de stabilité et de développement économique et social équilibré… »

A en croire Oussoubi Touré, « Des droits non équitables d’accès à la terre et la politisation des questions foncières peuvent contribuer à l’éruption ou à l’exacerbation de conflits (Côte d’Ivoire, Casamance dans le sud Sénégal, la rive droite du fleuve Sénégal etc.) Ainsi, dans la zone sahélienne, les tensions latentes entre agriculteurs et éleveurs engendrent parfois des affrontements sanglants ; ce qui traduit la faible efficacité des mécanismes institutionnels de prévention des conflits ou de régulation de l’utilisation des ressources communes… »

Un exemple fâcheux : la Côte d’Ivoire

Dans le cas de la Côte d’Ivoire, une étude faite par Chaveau en 2000, rappelle que dans plusieurs régions de ce pays, des conflits fonciers meurtriers opposent encore les populations autochtones burkinabés aux allochtones burkinabé et maliens qui sont soit des planteurs (partie ouest du pays), soit des éleveurs des éleveurs (nord du pays).

Cette situation de tension s’inscrit dans la continuité d’une histoire rurale mouvementée, surtout dans la période des 33 années de politiques foncières ambiguës mises en œuvre par le président Houphouët-Boigny, avec un double objectif : favoriser une mise en valeur accélérée des ressources agricoles et ancrer dans les campagnes un système de pouvoir clientéliste d’origine citadine… « La réalité, selon le chercheur, est que la classe politique ivoirienne a toujours articulé son discours autour de l’idéologie ethnonationaliste. » Mais, c’est le contexte particulier de la lutte pour la succession d’Houphouët-Boigny qui a accentué cette tendance. La compétition entre des dirigeants politiques originaires de différentes régions va conduire à focaliser l’attention sur les problèmes fonciers.

C’est ainsi, a-t-il ajouté, que « cette irruption dans le champ de la compétition autour des ressources foncières a constitué la dominante des joutes électorales entre les diverses forces politiques. Et les dernières réformes foncières initiées par les autorités politiques au cours de la dernière période ont contribué à « sur politiser » encore plus les enjeux liés à la gestion du foncier et des ressources naturelles. »
La suite est connue. Depuis maintenant six ans, tous les Ivoiriens chantent le même hymne, mais sur des terroirs différents et avec des symboles différents d’est en ouest et du nord au sud.

Des cadres de solutions bien précaires

La réunion de Dakar n’aura pas servi à ne poser que des problèmes. Elle aura aussi essayé de poser quelques pas en direction de solutions véritables et durables.

Entre l’amorce de solution et le maintien de certaines pratiques propices à laisser perdurer des situations d’inégalités croissantes entre femmes et hommes d’un même pays, la Côte d’Ivoire constitue encore le meilleur exemple d’incohérences de législations, aujourd’hui sources de mille et un conflit.

Citons le cas de « L’opération pilote du Plan foncier rural, mise en œuvre à partir des années 1990, dans différentes régions du pays en prélude à la préparation de la nouvelle loi, loin de constituer une simple expérimentation en grandeur réelle d’une procédure, a conduit à augmenter l’incertitude sur les droits acquis ; à favoriser de stratégies d’anticipation, mais aussi à exacerber les enjeux de pouvoir au sein même des arènes politiques villageoises. Tout cela, ajoute Chaveau, parlant de la nouvelle loi, « a suscité des effets d’annonce et des stratégies d’anticipation d’autant plus incontrôlables que les populations sont très mal informées ou informées de manière sélective selon la perception des intérêts des autorités administratives et judiciaires, des politiciens et des cadres… »

La Côte d’Ivoire ne masque pas encore les autres cas d’inégalités qui poussent certains à parler du respect de l’éthique. Pour l’anthropologue Pierre-Yves Le Meur, du Groupe de recherche et d’Echanges technologiques (Gret), « La question foncière et celles qui sont liées à l’exploitation des ressources naturelles, ont été l’objet d’un long oubli de la part des chercheurs et des pouvoirs publics au cours des 15 dernières années. » Selon lui, tous les aspects qui sont aujourd’hui l’objet de nombreuses discussions ont été perdus de vue depuis la fin des années 1960. « Mais, depuis la recrudescence des crises au Rwanda, au Zimbabwe, en Côte d’Ivoire, toutes liées à la question foncière, il y a eu une certaine prise de conscience de l’opinion mondiale, des Etats et de la recherche, a signalé le chercheur.

Yves Le Meur qui se désole du fait qu’il n’y a pas eu une lecture unique des conflits, signale aussi une nouvelle donne à trouver dans ce qu’il a qualifié d’une « pluralité des causes », selon qu’il s’agit de l’accès à la terre ou à l’eau autour des parcs, des réserves, des points d’eau etc. L’anthropologue insiste aussi sur les origines diverses des conflits et des foyers de tensions qui compliquent sérieusement la recherche de solutions à trouver pour les politiques. A l’en croire, « Il faut une prise de conscience. Même si les choses sont très complexes… »

Le rêve d’un monde sans conflit : une utopie

Utopie. Pour le docteur Le Meur, on n’est pas loin de le penser quand on entend tous ces gens qui pensent qu’on arrivera un jour à vivre dans un monde débarrassé de ses conflits.
« Le conflit existe toujours. Il ne faut pas espérer vivre dans un monde sans conflit. Il faut simplement songer à aller vers des procédures qui serviraient à arbitrer ces conflits. Ceci, à travers la création d’espaces de dialogues propres à canaliser les sources des tensions ». Le second aspect pour ce qui est de la recherche de solutions est dans l’accès à la terre en relation avec les questions de citoyenneté. Cette problématique débouche naturellement sur la question de l’éthique. Un troisième aspect est que les conflits, selon lui, sortent souvent des mêmes mécanismes qui favorisent l’appartenance locale. Il faut donc trouver un compromis qui puisse permettre de satisfaire tout le monde quand on sait qu’il y a quelque déséquilibré qui sont aussi issus de certains mauvais arbitrages.

Une chance : la décentralisation

Aujourd’hui, l’enjeu majeur dans l’ensemble des régions du continent est d’arriver à des compromis acceptés par tous. Mais, la limite, dans les solutions proposées, est que pour la plupart, elles sont d’ordre technique et non politique. Sur ce point, il a été signalé dans les études, que la décentralisation reste une approche intéressante en qu’elle permet l’émergence d’une citoyenneté nouvelle. Même si elle complique, selon Le Meur, les choses avec un nouveau découpage géographique des zones. Dans d’autres cas, toute solution devrait passer également par le retour aux sources historiques comme dans les cas de la Côte d’ivoire et du Rwanda.

En guise de conclusion, l’anthropologue français, estime qu’il n’existe pas un seul pays où tout est en ordre aujourd’hui. « L’idéal, c’est d’arriver à un certain équilibre qui consisterait à lier l’approche à différents échelons en partant du niveau local aux plus hautes sphères de décision. » C’est à ce niveau que la décentralisation pourrait jouer un rôle intéressant sur les enjeux péri-urbains, la gestion des ressources naturelles dans le cadre d’une approche purement locale qui permettrait de réduire les conflits et les tensions sociales autour de l’eau et de la terre.
Dans cette dynamique, Dakar ne devrait être qu’une étape. En attendant d’autres réunions dans d’autres régions africaines. Un continent où l’accès aux ressources naturelles, à l’eau et la terre risque d’être l’un des principaux obstacles sur les chemins difficiles du développement.



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