Rassemblements dispersés à coups de gaz lacrymogène ou sous la menace
de jeunes armés de gourdins, incertitude sur la date des législatives:
le Togo est en proie à de fortes tensions, alors que l'opposition
appelle à trois jours de manifestations dans la capitale.
"Ce que nous faisons n'a rien de politique, c'est juste du social",
explique sans rire un jeune homme arborant une hachette en guise de
collier, au milieu d'une bande armée de bâtons, qui maintient à distance
des manifestants réunis à Lomé à l'appel de l'opposition. Il s'agit
selon lui de protéger les personnes âgées du quartier, qui risquent
d'être atteintes par des gaz lacrymogènes en cas d'affrontements entre
policiers et manifestants.
Derrière lui, ses hommes arrêtent
sans raison apparente un motard, qu'ils passent à tabac. Quelques
policiers regardent sans intervenir et les organisateurs de la
manifestation sont contraints de l'annuler, accusant la bande de jeunes
armés de gourdins et de machettes d'être des miliciens du parti au
pouvoir.
Ces incidents, survenus le 15 septembre et dénoncés par
la communauté internationale qui a fait part de sa "vive
préoccupation", témoignent du climat tendu qui règne au Togo avant les
élections législatives, prévues en octobre, mais qui devraient être
repoussées.
Depuis plusieurs mois, le Collectif "Sauvons le
Togo" - regroupement de neuf organisations de la société civile et sept
partis et mouvements politiques de l'opposition - organise des
manifestations, souvent dispersées par la police. Les femmes du
collectif avaient même appelé fin août les Togolaises à observer une
semaine de "grève du sexe", pour obliger les hommes à s'investir
davantage à leurs côtés.
"Sauvons le Togo" réclame le départ du
président Faure Gnassingbé, installé au pouvoir par l'armée après la
mort de son père, le général Gnassingbé Eyadéma, qui a dirigé le pays
d'une main de fer de 1967 à 2005. Faure Gnassingbé a remporté les
présidentielles de 2005 et 2010, aux résultats contestés par
l'opposition.
De nouvelles actions de protestation sont prévues
mardi, mercredi et jeudi, pouvant donner lieux à des incidents
puisqu'elles se dérouleront à Déckon, une place fréquentée de Lomé, où
les rassemblements sont interdits.
Le gouvernement a interdit
toute manifestation dans les lieux à forte activité commerciale de la
capitale, invoquant des risques pour la sécurité publique. "C'est fini
d'aller aux élections pour faire plaisir, pour accompagner un régime
fraudeur et faire plaisir à l'Occident. c'est fini", tonne l'opposant
Jean-Pierre Fabre, dirigeant de l'Alliance nationale pour le changement
(ANC), adversaire de Faure Gnassingbé à la présidentielle de 2010.
Les
partisans du président Faure Gnassingbé assurent que le gouvernement
est décidé à prendre de vraies mesures pour le changement, mais que
celui-ci ne pourra se réaliser que progressivement, dans un pays où
l'armée joue un rôle considérable. Pour le ministre de l'administration
territoriale, Gilbert Bawara, l'opposition se résume à des hommes
assoiffés de pouvoir, sans réel programme pour le pays, en dehors du
départ du président Gnassingbé. "Et après ? Il se passe quoi après",
demande-t-il, suggérant que l'opposition serait incapable de faire face à
l'armée si elle accédait au pouvoir.
Dans la rue togolaise, on
parle moins de réforme politique et de limitation de mandats
présidentiels que d'amélioration de la vie quotidienne: les
manifestations se sont aussi nourries de la situation économique du
Togo, un pays pauvre confronté à une baisse de la production de coton et
à la stagnation de l'industrie du phosphate. "Si la situation
économique s'améliore, peu nous importe de savoir qui est le président",
souligne Kuegah Toyo Loïc, 25 ans, dans la boutique de téléphones
mobiles de ses frères, dans le quartier de Déckon à Lomé. "On veut
seulement à manger".
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