Selon le HCR, près d’un quart des réfugiés hébergés dans des camps ont fui le Tigré craignant d’être renvoyé vers l’Erythrée qui a aidé Addis-Abeba dans la région rebelle.
Attablé dans un restaurant discret d’Addis-Abeba, Habtemariam (le nom est modifié) évite soigneusement les regards. Sa voix est faible et il baisse la tête en détaillant les violences auxquelles il a assisté au Tigré. Ce réfugié érythréen a récemment fui les combats dans la province, théâtre d’un conflit depuis plus de trois mois entre le gouvernement éthiopien et les autorités régionales dissidentes, issues du Front de libération du peuple du Tigré (FLPT). Il se cache désormais dans la capitale éthiopienne et se dit « piégé et à la merci de tous ; des gouvernements éthiopien, érythréen et tigréen ».
Arrivé à Addis-Abeba fin décembre 2020, il se comporte depuis en fugitif. « Je cache mon identité, je ne sors que rarement de la maison et j’évite de parler ma langue natale, le tigrinya, pour ne pas me faire remarquer », raconte-t-il. Habtemariam cherche par tous les moyens à échapper à la police éthiopienne ainsi qu’à l’agence éthiopienne chargée des réfugiés (ARRA), qu’il suspecte de « vouloir [le] renvoyer de force dans le Tigré ou en Erythrée ». Le 11 décembre, plus de 400 réfugiés avaient été appréhendés à Addis-Abeba et reconduits au Tigré.
Pourtant, il dispose de tous les documents réglementaires. Son attestation d’asile politique, délivrée en 2018 après l’accord de paix historique entre l’Éthiopie et son voisin érythréen, tamponnée par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et les autorités éthiopiennes, indique qu’Habtemariam réside habituellement à Hitsats. Problème : ce camp de réfugiés, l’un des quatre accueillant des Erythréens au Tigré, est aujourd’hui inaccessible, vide et très probablement détruit.
Les organisations humanitaires tirent la sonnette d’alarme
Avant que le conflit éclate, le 4 novembre 2020, quelque 96 000 réfugiés érythréens résidaient officiellement dans la province septentrionale. La plupart s’y étaient exilés pour des raisons politiques, fuyant le régime dictatorial d’Asmara ainsi que son service militaire obligatoire et à durée indéterminée.
« Nous estimons aujourd’hui qu’environ 15 000 à 20 000 d’entre eux se sont dispersées dans les zones [du Tigré] auxquelles nous n’avons pas accès », déclarait le haut-commissaire aux réfugiés de l’ONU, Fillipo Grandi, lors de sa visite en Éthiopie le 1er février. En somme, un quart des réfugiés au Tigré ont disparu.
Sans télécommunications ni accès aux deux camps les plus au nord, Hitsats et Shimelba, il est difficile de connaître avec précision leur sort et ce qui les a poussés à fuir. Le directeur de l’ARRA, Tesfahun Gobezay, admet qu’aucune mission d’évaluation n’a pour l’instant été conduite dans ces lieux mais que « les réfugiés ont fui dans les villes avoisinantes comme Shire, Humera, ainsi qu’à Gondar et Addis-Abeba ». L’ARRA tente de les localiser pour les transférer dans les deux autres camps plus au sud, Mai-Aini et Adi Harush, « pour leur sécurité ».
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