SURTAXE: LES OPERATEURS DE TELEPHONIE DE GUINEE ETOUFFENT

Les effets de la surtaxe sur les appels téléphoniques entrants en Guinée ont un nom : le désastre pour les opérateurs de téléphonie. Depuis l’application de cette mesure née de l’arrivée de Global Voice dans le réseau téléphonique de ce pays, le 29 septembre 2009, les cinq opérateurs de téléphonie disent avoir constaté une chute de 40 % de leur trafic international entrant, en plus de l’explosion du phénomène de la fraude. L’adage est connu : l’impôt tue l’impôt. Autrement exprimé, une trop forte taxation sur un produit induit une incitation à la fraude.

Cinq mois après l’arrivée de Global Voice dans ce pays en 2009, les cinq opérateurs se sont adressés au directeur général de l’Agence de régulation des postes et des télécommunications de Guinée pour alerter sur l’inefficacité de GV, la prolifération des Sim Box (outils de fraude) et la baisse drastique du volume des appels entrants par voie régulière. Sont présents en Guinée : l’opérateur historique Sotelbi, Areeba (filiale de Mtn), Orange, Cellcom (Israël) et Intercel (Yérim sow)… Si cette correspondance est restée sans suite, les maux dénoncés ont, eux, empiré depuis lors.
Oumar Diallo, responsable de l’interconnexion du trafic international à Areeba explique à seninfos.com : « Sur les appels entrants, ma compagnie faisait en moyenne 500 000 minutes par jour, avant l’instauration du système de Global Voice. Au mois de mars et avril 2011, ce volume a chuté pour atteindre 140 000 minutes par jour. Le pire étant que cette tendance va en s’accentuant ». Pour réaliser l’importance de cette chute, il faut savoir que, par la même occasion, l’opérateur Areeba dont il s’agit ici a doublé le nombre de ses abonnés, d’après M. Diallo. Quand le nombre d’abonnés augmente alors que le nombre d’appels baisse, le constat c’est qu’un volume important de ces appels est dans la nature.
« De nombreux cas de fraude ont été découverts ces derniers temps. Cela, aussi bien à Conakry qu’en provinces de plus en en plus. Parmi les fraudeurs, nombreux sont des Chinois, des Libanais insoupçonnables, mais aussi des Guinéens bon teint. Si on en a saisi beaucoup ces derniers temps, c’est parce que le phénomène n’a explosé que récemment » nous explique le Directeur général d’Orange Guinée, M. Alassane Diène. A suivre les acteurs de la téléphonie en Guinée, c’est l’arrivée de Global Voice qui a fait exploser la fraude. « C’est pourquoi, le démantèlement des circuits de fraude, qui n’est d’ailleurs pas le fait de GV mais le fruit des efforts des opérateurs, prouve en lui-même que c’est la mesure de surtaxe qui a entraîné la fraude, parce que celle-ci n’existait pas dans cette ampleur avant l’arrivée de GV » avisent nos interlocuteurs guinéens. « La meilleure preuve du constat d’échec de Global a été sa demande aux opérateurs d’installer eux-mêmes des systèmes de détection des numéros frauduleux afin de les bloquer en amont » ont écrit les cinq opérateurs dans une correspondance adressée aux autorités de contrôle des télécommunications de Guinée le 12 février 2010.
Sans pouvoir se prononcer sur les cas du Ghana, du Bénin ou de la Rdc, parmi les rares pays africains où intervient GV, l’observateur qui se présente en Guinée constate que ce pays ne peut être pris comme exemple de réussite de l’adoption du contrôle des appels téléphoniques entrants par Global Voice. « Les seuls gagnants dans la mesure de la surtaxe, ce sont Global Voice et les fraudeurs » : cette affirmation est du Dg d’Orange Guinée.
En Guinée, cette surtaxe, introduite par l’ancien régime militaire d’exception, est de 12 cents de dollar américain, ajoutés aux 16 cents qui étaient en cours. La clé de répartition attribue 7 cents à GV, et les 5 restants à l’Etat guinéen. « L’Etat perd dans l’opération, parce que la chute des recettes des opérateurs entraîne une chute du volume des taxes qu’ils paient au Trésor public » nous explique M. Diène. L’opérateur Orange Guinée qu’il dirige a connu une hausse du nombre de ses abonnés passé de 520 000 clients en septembre 2009 à 1,3 million en septembre 2011. Dans le même temps, ce volume d’appels entrants, qui connaissait une évolution régulière, s’est arrêté à 8 millions de minutes, alors qu’il devait être de 12 millions, selon les projections d’Orange.

SIM BOX : LE PROCEDE DES FRAUDEURS

Selon les explications fournies par les spécialistes des télécommunications, c’est le renchérissement du coût des appels téléphoniques entrants qui a mis …puce à l’oreille des fraudeurs. Ils installent en Guinée un boîtier dans lequel ils insèrent quelques centaines de puces achetées auprès de ces opérateurs. A partir de l’étranger, grâce à une autre installation technique, les appels dirigés vers ce boitier, appelé SIM BOX, sont déroutés pour passer par les installations de l’opérateur ainsi piraté. Au résultat, le correspondant qui appelle de l’étranger sera facturé comme s’il avait émis un appel local. Le tour est ainsi joué, le coût de l’appel est réduit. L’appelant y trouve son compte, le fraudeur bien évidemment, l’Etat est les opérateurs étant, eux, les grands perdants. Ce système de fraude se fait surtout à partir des cartes téléphoniques prépayées bien affectionnées par les Africains de France, notamment dans le 18 ème arrondissement parisien. En Guinée, depuis deux ans, régulièrement de tels dispositifs de fraude, qui ont connu une explosion, sont démantelés. Mais le phénomène n’est pas près de s’arrêter, compte tenu des énormes gains qu’il engendre pour les fraudeurs.