Les manifestants réclament la libération de l'opposant Ousmane Sonko, arrêté pour trouble à l'ordre public, alors qu'il se rendait en cortège au tribunal où il était convoqué pour répondre à des accusations de viol. Des pillages de locaux et commerces français ont eu lieu.
Quatre personnes sont mortes au Sénégal dans les affrontements ayant opposé depuis mercredi les forces de l'ordre à des manifestants réclamant la libération de l'opposant Ousmane Sonko, a indiqué vendredi le gouvernement, promettant de mettre en oeuvre «tous les moyens nécessaires pour ramener l'ordre».
«Le gouvernement regrette la perte de quatre vies humaines», lors d'événements qui «relèvent du grand banditisme et de l'insurrection», a dit en direct à la télévision le ministre de l'Intérieur, Antoine Félix Abdoulaye Diome. Il a accusé Ousmane Sonko d'avoir «lancé des appels à la violence» et à «l'insurrection».
L'arrestation de Ousmane Sonko, troisième de la présidentielle de 2019 et pressenti comme un des principaux concurrents de celle de 2024, a aussi déclenché depuis mercredi des saccages et des pillages de magasins, en particulier sous enseigne française, dans la capitale et différentes villes du pays.
Cette arrestation a non seulement provoqué la colère de ses partisans, mais aussi, disent de nombreux Sénégalais, porté à son comble l'exaspération accumulée dans ce pays pauvre face à la dureté de la vie depuis au moins un an et la pandémie de Covid-19. Lors d'une charge sur la grande avenue Blaise Diagne, des dizaines au moins de jeunes scandant «Libérez Sonko» ont réussi à faire reculer provisoirement les policiers, malgré les tirs nourris de grenades lacrymogènes. Le sol était jonché de pierres, de cartouches de grenades et de pneus incendiés.
Quatorze supermarchés Auchan de Dakar ont été «attaqués», dont dix «pillés», a annoncé vendredi la direction du groupe français, qui assure que ses collaborateurs ont été «mis à l'abri». Jeudi soir, des manifestants ont attaqué les locaux du quotidien le Soleil et de la radio RFM, jugés proches du pouvoir. Les écoles françaises dans le pays ont fermé, tout comme l'agence d'Air France.
Sonko arrêté officiellement pour trouble à l'ordre public
La garde à vue d'Ousmane Sonko doit s'achever dimanche. Il sera présenté à nouveau au juge lundi, selon ses conseils. Sonko a été arrêté officiellement pour trouble à l'ordre public, alors qu'il se rendait en cortège au tribunal où il était convoqué pour répondre à des accusations de viol.
Il est donc visé par au moins deux procédures. Il a été présenté au juge vendredi dans celle pour viols présumés et est ressorti sans être inculpé, mais avec un nouveau rendez-vous lundi, selon ses avocats. Il a été replacé en garde à vue dans la procédure pour trouble à l'ordre public, ont-ils ajouté. Sonko fait l'objet d'une «tentative de liquidation aux fins d'élimination d'un adversaire politique», a dit Me Abdoulaye Tall.
Il est visé depuis début février par une plainte pour viols et menaces de mort déposée contre lui par une employée d'un salon de beauté dans lequel il allait se faire masser pour, dit-il, soulager ses maux de dos. Personnalité au profil antisystème, le député crie au complot ourdi par le président Macky Sall pour l'écarter de la prochaine présidentielle. Macky Sall a démenti fin février, mais gardé le silence depuis sur l'affaire.
Restrictions des réseaux sociaux, des messageries et de la télévision
Dès jeudi soir, les autorités ont annoncé suspendre le signal de deux télévisions privées coupables selon elles d'avoir diffusé «en boucle» des images de violences. Les réseaux sociaux ont rapporté des perturbations sur internet, à l'instar de celles observées dans un certain nombre de pays à l'initiative des gouvernants dans les périodes de crise. L'observatoire spécialisé Netblocks a confirmé des restrictions sur les réseaux sociaux et les applications de messagerie, affectant le partage de photos et de vidéos sur Facebook, YouTube, WhatsApp et Telegram selon lui. Les autorités ont interdit la circulation des deux-roues motorisés jusqu'à samedi soir.
Les défenseurs des droits s'émeuvent de la réponse des autorités. «Les autorités sénégalaises doivent immédiatement cesser les arrestations arbitraires d'opposants et d'activistes, respecter la liberté de réunion pacifique et la liberté d'expression, et faire la lumière sur la présence d'hommes armés de gourdins aux côtés des forces de sécurité», a déclaré Amnesty International. La fédération nationale de football a annoncé suspendre toutes les compétitions en raison de «l'indisponibilité plus que probable» des forces de sécurité.
Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, «est très préoccupé par la violence récente vue à Dakar et ailleurs au Sénégal (qui) a suivi l'arrestation d'un dirigeant de l'opposition», a déclaré vendredi son porte-parole, Stéphane Dujarric. «Il appelle toutes les parties au Sénégal à éviter une escalade de la situation», les manifestants à des rassemblements «pacifiques» et les forces de sécurité «à agir en accord avec les droits humains internationaux», a ajouté le porte-parole en réponse à une question sur les actes de violence survenus dans la journée au Sénégal.
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