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Sénégal : des archives sonores de plus d'un siècle commencent à révéler leurs secrets

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Sénégal : des archives sonores de plus d'un siècle commencent à révéler leurs secrets
La voix grésillante d'un tirailleur sénégalais, enregistrée il y a plus d'un siècle dans un camp de prisonniers allemand de la Première Guerre mondiale, s'élève dans une salle de conférence concentrée et attentive.

Cette archive inédite fait partie d'une collection d'enregistrements sonores attribués à des Sénégalais et conservés au Musée ethnologique de Berlin, dont une partie vient d'être mise pour la première fois à disposition d'un public africain à l'occasion de l'ouverture de l'exposition "Échos du passé: à la découverte du patrimoine culturel immatériel" au musée des civilisations noires de Dakar.

"Est-ce que vous reconnaissez la langue?", demande Massamba Gueye, chercheur et commissaire de l'exposition, lors de cet atelier avec quelques dizaines de personnes, dont des étudiants.

"Si je ne me trompe pas, c'est du ouolof (la langue la plus parlée au Sénégal, ndlr). J’ai entendu +c’est une honte+, +il n’y a pas la paix+", répond Khady Ba, 23 ans, dans le public.

"Vous confirmez ce que les experts ont trouvé. C’est un prisonnier de guerre qui chante en ouolof la complainte d'une femme", reprend M. Gueye.

Un sentiment de gravité mêlé de fierté emplit la salle à mesure que les archives sonores, principalement chantées, sont diffusées. Le public cherche à identifier des mots, à reconnaître des thèmes musicaux, des localités oubliées, des souvenirs enfouis dans une mémoire collective qui s'érode avec le temps.

"Le ouolof s'est beaucoup transformé dans les zones urbaines. Certains mots renvoient à des univers qui n'existent plus, mais la structure est restée la même", explique M. Gueye.

- Patrimoine immatériel -

"Le Sénégalais s'identifie à sa langue, à son folklore, à ses rites, aux faits sociaux. Et le patrimoine immatériel, c'est l'ensemble de ces éléments-là. Donc c'est l'élément constituant de notre identité", dit-il.

"Je lance un appel à tous les pays du monde qui ont eu à coloniser des pays d'Afrique et du monde d'avoir l'honnêteté de déclasser ce patrimoine immatériel oral et de le ramener, parce que ça va réconcilier les peuples", déclare M. Gueye, alors que la collaboration internationale entre musées se concentre surtout sur le patrimoine matériel acquis durant la colonisation.

Une vingtaine d'archives sonores sont présentées à Dakar jusqu'au 21 juin. Les plus anciennes datent de 1910 et ont été réalisées dans un lieu de divertissement à Berlin. La plupart émanent de prisonniers de guerre du camp de Wünsdorf, près de la capitale allemande, enregistrés entre 1915 et 1918.

Environ 4.000 soldats africains recrutés par l'armée française y étaient détenus. Des expériences y étaient menées pour convaincre les prisonniers de changer de camp en leur offrant des conditions spéciales telles que la liberté de religion. C'est là qu'a été inaugurée le 13 juillet 1915 la première mosquée sur le sol allemand.

C'est aussi là que la Commission Phonographique Royale Prussienne, composée entre autres de scientifiques, linguistes, ethnologues, a produit plus de 2.600 enregistrements sonores à des fins de recherche, qui ont été conservés dans les archives du musée ethnologique de Berlin et à l'université Humboldt.

Parmi les voix identifiées figure celle d'Abdoulaye Niang, un soldat musulman ayant servi dans l'armée française, né sur l'île de Gorée en 1878. Il a été déplacé de Wünsdorf vers un camp de travail forcé roumain, avant de mourir dans un hôpital de Lyon (France) des suites de la tuberculose.

D'autres enregistrements sont attribués à Madia Diouf, qui avait la vingtaine au moment de son internement à Wünsdorf. Selon le livret de la commission phonographique, M. Diouf était un agriculteur avant de rejoindre l'armée et était originaire de "Banol près de Dakar", un lieu qui n'existe plus aujourd'hui et soulève des interrogations.

- Recherche collaborative -

"Nous souhaitons mener une recherche collaborative car ces éléments constituent une part de ce que vous êtes", déclare au public Lars-Christian Koch, directeur du musée ethnologique de Berlin.

"On veut essayer d’identifier les sociétés productrices. Et je pense que l'un des moyens qu'on va certainement utiliser, ce sont les réseaux communautaires, où il y a encore des personnes qui peuvent comprendre plus facilement certaines expressions d'il y a un siècle", ajoute Hamady Bocoum, directeur du musée des civilisations noires de Dakar.

"Grâce à la numérisation", la diffusion de cette forme de patrimoine est "tout à fait faisable", estime-t-il.

Après avoir écouté une prière musulmane tirée d'une archive, Cheikh Mbacké Diop, étudiant en cinéma de 28 ans, se sent "très ému". "Il faut qu'on en parle. C'est important. Si mon père écoutait ça, c'est sûr qu'il pleurerait. Parce qu'il a l'habitude de chanter ça et que c'est trop fort", confie-t-il.


4 Commentaires

  1. Auteur

    Reumbeung

    En Mai, 2024 (12:06 PM)
    Sortir tous les enregistrements sonores et manuscrits !!! ... il y a plein de choses qui ne plairont pas à tout le monde ... surtout chez les français ! 

    Nous sommes en attente. Merci.
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  2. Auteur

    La Vérité Et Rien Que La Vérit

    En Mai, 2024 (12:36 PM)
    Il y'a encore bcp d'informations, de dossiers, de rapports, d'écrits, d'enregistrements, de photos, d'archives toujours cachés dans les bibliothéques, dans les musées français, portugais, hollandais et américains qui ont été les premiers européens à investir notre continents. C'est sûr et certains qu'ils ont toujours gardés toutes ces archives. Le jour où les africains et les noirs américains descendants d'esclaves découvriront toutes ces vérités sera catastrophiques pour l'Europe et l'Amérique car ce sera le monde entier qui va découvrir l'horreur, les maltraitances, les vols, les rackettes, les razzias des européens sur les richesses africaines. 

    Ni les européens, ni les américains n'ont intêret à ce que toutes ces archives sortent, alors ce sont les africains eux même et les noirs américains qui doivent faire le forcing pour obliger ces sauvages à sortir et à publier toutes ces archives et informations qui concernent notre passé. 

    Le monde entier doit découvrir les horreurs que les européens ont fait subir aux africains et ce jour là on saura qui est vraiment le sauvage, le menteur, le manipulateur qui a falsifié l'histoire pour se donner le bon rôle. 

    A votre avis, pourquoi les européens ont peur de la tendance Workiste qui secoue le monde, c'est parce que ces jeunes de la génération Workiste ont mis le doigt là où ça fait mal à savoir la remise en question de toute l'histoire moderne écrite par les européens.

    Nos devons avoir l'esprit critique et tout remettre en cause sur l'histoire qu'on nous a écrit et qui est clairement falsifié.  
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    • Auteur

      Reply_author

      En Mai, 2024 (12:41 PM)
      Votre message fait beaucoup de sens..un petit typo Génération Wokiste (Wokisme).
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    • Auteur

      Reply_author

      En Mai, 2024 (13:28 PM)
      En effet, on ne découvre que ce qu'ils veulent nous faire découvrir mais la vraie vérité est toujours caché et enfouie dans les musées et bibliothéques européens et il faut plusieurs autorisations pour accéder à certaines archives bien conservées dans les bibliothéques françaises. 
      Les allemands n'ont rien à cacher car ils n'ont ni participé à l'esclavage et ni à la colonisation, ils n'ont rien à perdre à faire éclater la vérité mais les autres pays européens esclavagistes et colonisateurs comme la France, l'Espagne, le Portugal, la Hollande ont bcp à perdre quand la vérité explosera bientôt sur leurs figures. 
       
      Nous devons exiger l'accés à ces archives 
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    Auteur

    En Mai, 2024 (12:48 PM)
    Ce serait important de mettre à la disposition du public, ces fichiers audio: cela nous apprendrait beaucoup de, notamment, nos langues. Ou peut-on écouter ces fichiers, pour la diaspora? Merci
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    Auteur

    En Mai, 2024 (13:01 PM)
    Et c'est ou qu'on peut l'entendre nous sur internet ? 
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