Yakham Mbaye revient à de meilleurs sentiments. Après avoir porté plainte contre le comédien Sa Ndiogou pour diffamation, le directeur général du quotidien national Le Soleil s’est désisté de sa plainte après une médiation de Babacar Gaye du Pds.
Nous vous proposons l’intégralité de la lettre que Yakham Mbaye a envoyée à son « grand-frère et ami » Babacar Gaye du PDS.
"A mon grand-frère, ami et contradicteur Babacar Gaye
Grand,
Je vais te faire un aveu: si j’avais su l’objet de ton appel, tard dans la soirée de vendredi, je serais «entré en boîte vocale», comme à mon habitude. Ce que tu détestes amplement et qui me permet d’échapper à tes récriminations et critiques acerbes. Hélas, je n’ai pas le don d’un devin !
Ce samedi, je n’ai pas tenu ma promesse de te rappeler à 15 heures, parce que simplement, j’eus une meilleure idée: prendre ma plume et t’adresser ces lignes, pour m’exprimer comme je le veux et le sens, sans subir ce qui caractérise souvent nos face-à-face, à savoir le monologue d’un grand-frère qui use et abuse de son droit d’aînesse. Même s’il est vrai, et tu le sais, que j’adore écrire. C’est une thérapie qui soigne de nombre de maux causés par des mots inappropriés, pour ne pas dire malveillants, qu’il nous arrive de subir.
D’ici, je te vois grommeler, t’offusquer, en contestant mon argumentaire. Mais, c’est la stricte vérité: toi et ton «ami» êtes des dictateurs! Face aux cadets, il n’y a que l’obéissance qui vous satisfait.
Grand,
Venons-en maintenant à l’objet de ton appel d’hier !
Tu exiges de moi que je jette l’éponge, renonce à poursuivre devant les tribunaux Sa Ndiogou et Souka Mbaye qui m’ont caricaturé, injustement et outrageusement jusqu’à la blessure. Parce que, me connaissant, tu sais ma détermination à aller jusqu’au bout dans cette affaire, convaincu que dans mon pays, il y a une justice animée par des femmes et des hommes justes, qui savent mesurer les dégâts d’une atteinte à la dignité d’une personne, et les réparer sans que leurs mains ne tremblent.
Grand,
Surant ces vingt-cinq dernières années, tu as assisté à mon «éclosion». Parfois avec fierté et un œil fraternel tendre. D’autres fois avec un œil noir, une humeur grincheuse, parce que mon attitude t’indisposait. Mais, j’ose dire que pas une seule fois je n’ai posé des actes qui t’ont couvert d’opprobre. Sinon, je le sais, tu n’aurais pas attendu pour me le faire savoir.
Grand,
Tu le sais, jusqu’à mon dernier souffle et la tombe, je serai un adepte de la confrontation verbale, aux sens positif et négatif du terme, parce que – hormis les deux tribunaux auxquels je ne peux me soustraire et qui me contraignent: ma famille et ma conscience – j’ai la prétention de dire que je suis un homme libre, qui élève au rang de culte la liberté d’expression. En tous lieux et circonstances, je me réserverai le devoir et le droit de dire ce que je pense et crois. Je ne peux donc dénier à Sa Ndiogou et Souka Mbaye cette sublime liberté d’expression. Car de tout le paysage comico-médiatique, Sa Ndiogou est avec Diop Fall Mbeuk ceux qui ont le pouvoir de mobiliser mon attention, me déstresser en me procurant de la joie. Ils sont nécessaires à la respiration démocratique et sont d’utiles laxatifs. Ils ont le droit et le privilège, parce que doués, de revendiquer le droit à l’irrévérence. Je guette leurs prestations. Sa Ndiogou imitant Mamadou Diop Decroix, c’est un must. Ça déconstipe.
Mais, il y a un mais qu’illustre à souhait le propos sublime d’un des maîtres de la comédie irrévérencieuse, Coluche, dont j’étais fan, bien avant Sa Ndiogou et Diop Fall Mbeuk: «Tant qu’on fait rire, c’est des plaisanteries. Dès que c’est pas drôle, c’est des insultes.»
Et ce n’était pas drôle, cette affaire de fumeur de yamba et de promoteur de sa légalisation !
Ça m’a choqué, ensuite bouleversé lorsque mon fils âgé de dix ans, féru de Ntic, m’a demandé, en me montrant sa tablette et la vidéo sur Youtube : «Qu’est-ce que tu fumes ?». Auparavant, un ami m’avait alerté, sans que je ne prenne l’entière mesure de cette affaire.
Et il y a d’autres raisons à considérer.
D’une part, je ne juge pas ceux qui se droguent, mais, sans prétention, je me sens assez fort mentalement pour ne point me réfugier dans les drogues (si ce n’est la lecture et l’écriture) aux fins d’y dissoudre mes préoccupations existentielles. Car, dans la vie, je fais toujours face. Qu’il pleuve ou vente, un homme doit toujours faire face, sans dopants.
D’autre part, parce qu’enfant issu d’un quartier défavorisé et difficile dont je suis absolument fier car on y apprend la vie à bonne école, y ayant vécu avec déchirures, les ravages monstrueux que des drogues ont causé à des êtres chers (les uns sont décédés, que Dieu ait pitié de leur âme; les autres sont en détention ou condamnés), je suis fondé à croire que promouvoir pareille légalisation relève d’une ignoble légèreté et d’une imbécillité irresponsable.
Donc, tu peux convenir avec moi que me caricaturer en fumeur de yamba et promoteur de la légalisation de cette drogue, c’est pire qu’une insulte. C’est juste une infamie!
Grand,
A la décharge de Sa Ndiogou, on peut admettre «normal» que nous autres les politiques soyions de légitimes têtes de turcs, des défouloirs indiqués, des punching ball convenus pour tous ces citoyens qui jugent, à tort ou à raison, que nous leur en faisons baver à longueur de journée, de bavardages, d’insolences et d'arrogance. Par ailleurs, j’admets avec Coluche, encore, qu’«il faut se méfier des comiques, parce que quelque fois ils disent des choses pour plaisanter». Seulement, nous sommes au Sénégal et non en France! Et des limites, ça s’impose à tout le monde, sinon, il n’y a pas de contrat social, et alors, absolument rien ne va nous différencier des primates. Ceci dit, il n’est interdit à personne de franchir le Rubicon, seulement, faudrait-il être sûr de ce qu’on trouverait au-delà…
Grand,
En somme, je renonce à toutes poursuites contre Sa Ndogou et Souka Mbaye, parce qu’il m’est difficile de te dire NON! ; parce que moi aussi je suis un pécheur qui a eu à porter tort à autrui et il me revient le propos de Eugène Marbeau dans «Les remarques et pensées»: «Pour pardonner véritablement, il faut se souvenir toujours»; parce que dans cette affaire, je sais et sens que tu penses à moi et uniquement à moi; parce que depuis près d’un quart de siècle, ta chaleur fraternelle, réelle et sincère, ne m’a jamais fait défaut; un sentiment inaltéré, nonobstant les turbulences et incartades permanentes que le jeune frère fait subir souvent à son grand-frère, et notre propension à bretter parfois du fait de nos divergences politiques.
Ce genre de renonciation, je l’avais déjà faite, il y a trois années, à la demande d’un autre Grand que tu connais, lorsque j’eus une confrontation avec d’autres malveillants qui, pour me porter tort, et de manière lâche, avaient fabriqué de toutes pièces un enregistrement vocal dans lequel un langage de charretier, pour dire le moins, m’était prêté. Alors, qu’en réalité, je n’avais insulté personne. Mais, à ce jour, injustement, cela me vaut une réputation d’insulteur.
Alors, j’assume mon passé avec son lot de passifs; je vis mon présent, obsédé par mes devoirs et peu regardant sur nombre de mes droits (c’est le lot d’un mec); mais je suis très peu préoccupé par mon futur qui n’appartient qu’à Dieu. Seulement, je ne peux m’offrir en holocauste à des bougres et méchants, et admettre qu’artificiellement, sous le prétexte que je suis un politique et du pouvoir, ils me dédoublent pour coller à ma personne un personnage méprisable qui m’est totalement étranger.
Ne t’offusque surtout pas de ma longueur, je n’avais pas le choix.
Que Dieu te garde!"
Ps : j’ai informé l’autre Grand, ton ami, Me Ousmane Sèye, l’avocat qui est à mes côtés depuis vingt ans, toutes les fois où j’ai été poursuivi ou poursuivant.
Plainte contre Sa Ndiogou: Quand Yakham écrit « une si longue lettre » au «médiateur » Babacar Gaye
Par: Mohamed Rassoul GUEYE - Seneweb.com |
16 février, 2020 à 20:02:34
| Lu 15466 Fois |
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Auteur: Mohamed Rassoul GUEYE - Seneweb.com
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