Seneweb poursuit sa série d’entretiens avec des Coordonnateurs du Forum Civil, section sénégalaise de Transparency International dirigée par Birahime Seck, déployés dans les différents départements du Sénégal. Michel Mendy, Coordonnateur de la section de Guédiawaye souhaiterait que les populations s’engagent davantage pour défendre leurs droits. Il pointe également du doigt l’opacité totale notamment dans l’accès à l’information budgétaire.
Pouvez-vous vous présenter ?
Michel Mendy, Coordonnateur de la section de Guédiawaye du Forum Civil
Quelles sont les projets et programmes exécutés dans votre localité avec le Forum Civil?
Nous avons effectué pas mal d’activités de terrain au niveau du Département de Guédiawaye. Nous pouvons en citer quelques-unes comme le plaidoyer mené par la grande coalition citoyenne Aar Sunu littoral, mise en place pour lutter contre la déforestation de la bande de la bande des filaos de Guédiawaye. Une mort de la bande des filaos actée par le décret du Président de la République n°2021-701 portant déclassement de la bande. Pendant la période de la pandémie, nous avons pris activement part aux activités de lutte contre le Coronavirus, en tant que membre du Comité communal de riposte contre la Covid-19. Dans le même sillage, un groupe d’acteurs de la société civile et de personnalités politiques du Département de Guédiawaye a mis en place une initiative dénommée G-Mask dans le but d’apporter aides et soutiens aux populations. Des masques et produits détergents ont été distribués dans toutes les Communes de la Ville de Guédiawaye. En 2019, la section Forum Civil de Guédiawaye a aussi mené un plaidoyer auprès des dirigeants de la Ville de Guédiawaye pour que le Service d’hygiène soit doté en véhicule de pompage.
“Le Forum Civil est présent lors des débats d’orientation budgétaire qui se tiennent dans le Département. Nous assistons aussi aux sessions de vote des budgets de la Ville et des Communes”
Dans le cadre des noyades très récurrentes dans la zone de Malibu Plage, la section Forum Civil de Guédiawaye, en synergie avec d’autres forces citoyennes, a organisé des campagnes de sensibilisation auprès de populations, mené des actions d’alerte auprès des autorités territoriales comme le Préfet, le Sous-Préfet et les Maires. La section a également participé à l’aménagement de la plage et du littoral en menant des actions d’investissement humain et de reboisement en compagnie des services des Eaux et forêts ;
Récemment, la section locale du Forum Civil à Guédiawaye a fait un plaidoyer pour le redémarrage des programmes au niveau de la radio communautaire Guédiawaye Fm. En effet, après quelques mois de fonctionnement, la station a vu sa rédaction décimée et ses éditions suspendues. Aujourd’hui tout est revenu à la normale au niveau de la radio.
Au lendemain de son élection, le nouveau Maire de la ville Monsieur Ahmed Aidara a été invité par la section à s’acquitter de sa déclaration de patrimoine.
Lors des sessions budgétaires, le Forum Civil est présent lors des débats d’orientation budgétaire qui se tiennent dans le Département. Nous assistons aussi aux sessions de vote des budgets de la Ville et des Communes. D’ailleurs, la Ville de Guédiawaye, dans le cadre du budget participatif, consulte chaque année le Comité Local de Certification mis en place et piloté par le Forum Civil.
“Nous avons ainsi mis en place un Comité Territorial pour la Justice Fiscale (CTJF) dans la commune de Wakhinane-Nimzatt”
Pour lutter contre les inondations, une campagne de veille et d’alerte est tenue chaque année par la section locale du Forum Civil en coordination avec les autorités locales et les populations.
Concernant les Programmes, nous en avons déroulé plusieurs avec l’aide de partenaires financiers.
Avec Tax Justice Network Africa TJNA, par exemple, qui est une organisation spécialisée dans les questions liées à la justice fiscale, entre 2021 et 2022, nous avons réalisé la phase II du programme Renforcement de la justice fiscale au Sénégal. Nous avons ainsi mis en place un Comité Territorial pour la Justice Fiscale (CTJF) dans la commune de Wakhinane-Nimzatt.
Différents ateliers, portant sur des thématiques diverses et variées comme les impôts locaux et les incitations fiscales, mais aussi la mobilisation des ressources au niveau territorial, ont été tenus à Guédiawaye. En 2019, dans le cadre de la campagne Lutte contre les Flux Financiers Illicites, nous avons organisé une caravane de sensibilisation et une campagne de collecte de signatures au bénéfice de la pétition « Arrêtons l’hémorragie ».
Dans le domaine de l’éducation, l’année scolaire 2021-2022, a été l’occasion pour le partenaire Osiwa d’accompagner la mise en place des Clubs d’Intégrité pour la Citoyenneté Active (CICA). A Guédiawaye, pour cette première phase, le Lycée Pikine Est A sis à Wakhinane-Nimzatt en a bénéficié. Le Projet de lutte contre la corruption et pour la promotion de la Bonne Gouvernance et de la Redevabilité a permis d'outiller les élèves sur des notions liées à la corruption, au patriotisme, à l’environnement, aux biens communs naturels, à la reddition des comptes et à la bonne gouvernance.
Avec le partenaire Oxfam, nous avons travaillé sur la réduction des inégalités dans le Sahel. Ainsi, un atelier de renforcement des acteurs locaux a été tenu en février 2022. Il s’agissait de réfléchir sur les stratégies de mobilisation des ressources domestiques au Sénégal.
Avec le partenaire Action-Aid, spécialisée dans le plaidoyer au niveau de l’éducation, nous avons déroulé le programme « Education à voix haute » en septembre 2021 en renforçant les capacités des membres du Comité Territorial pour la Justice Fiscale (CTJF) et des acteurs locaux de l’éducation. L’atelier a permis de faire le point sur l’effectivité du financement de l’éducation au niveau territorial.
L’Association des Maires du Sénégal (AMS), de 2019 à 2020, a déroulé avec l’appui technique du Forum civil, le Programme Généralisation de la Certification Citoyenne aux Communes du Sénégal (Pg3c. La ville de Guédiawaye et la Commune de Sam-Notaire en ont bénéficié avec le concours de la section locale. Ce Programme a été financé par l’Union Européenne.
“Le plaidoyer mené auprès des autorités pour les inciter à prendre des initiatives pour lutter contre les inondations a poussé les autorités de la mairie de Golf-Sud à enlever le parc d’attraction et les cabanons érigés sur la plage”
Est-ce que ces activités ont un impact sur les populations ?
En effet, on peut affirmer que ces activités ont impacté la vie des populations même s’il faut rester mitigé à certains niveaux.
Le CTJF de Wakhinane-Nimzatt par exemple, a permis de découvrir que la SENELEC ne paie pas correctement les redevances qu’elle doit à la Commune. En collaboration avec l’autorité locale, au nom des populations, une action a été entreprise auprès de l’entreprise pour un règlement de la situation.
Après une enquête menée dans les écoles élémentaires de la Commune, le CTJF, a permis à la Mairie d’être plus efficace et plus efficiente dans ses donations en matériels didactiques attribués aux établissements scolaires.
La Ville de Guédiawaye grâce au Pg3c s’est beaucoup améliorée dans son organisation mais aussi dans la gestion du service public.
On peut aussi citer le cas des Club d’intégrité et à la Citoyenneté Active (CICA). Autant l’administration, par la voix du proviseur, le corps professoral que les élèves, sont unanimes à reconnaitre l’impact positif des modules de formation décernées aux bénéficiaires.
Le plaidoyer mené auprès des autorités pour les inciter à prendre des initiatives pour lutter contre les inondations a poussé les autorités de la mairie de Golf-Sud à enlever le parc d’attraction et les cabanons érigés sur la plage et à côté du rond-point et à engager des aides-nageur ; le Préfet quant à lui a dépêché les forces de l’ordre, le service civique, et les sapeurs-pompiers. Des mesures qui ont permis d’arrêter les noyades en son temps.
Grâce aux alertes menées par la section Forum Civil de Guédiawaye beaucoup de points bas et de cuvettes, réceptacles des eaux pluviales, ont été restructurés dans la Commune de Wakhinane-Nimzatt.
Nous ne sommes pas exhaustifs, d’autres exemples pouvaient être cités.
“Nous sommes convaincus qu’avec une plus forte adhésion des populations à la lutte contre le décret de déclassement de la bande des filaos le résultat aurait été autre”
Quelles sont les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre de ces activités ?
Les difficultés que nous rencontrons sont de deux ordres.
D’une part, le manque de collaboration des autorités locales constitue parfois une entrave aux actions que nous voulons mener. Par exemple, il nous arrive de vouloir travailler sur l’effectivité du budget participatif en organisant pendant la session budgétaire des débats dans les quartiers avec le concours des comités de quartier mais, sans l’accompagnement de l’institution, c’est comme donner un coup d’épée dans l’eau car l’objectif du processus est de mettre à la disposition du Conseil communal les avis et propositions des populations.
Pour le cas évoqué plus haut avec la SENELEC, la mairie de Wakhinane-Nimzatt n’a pas voulu suivre et appuyer l’initiative du CTJF. Ce qui fait que l’action entreprise n’a rien de probant.
D’autre part, c’est au niveau des populations que les difficultés se font ressentir. Il est en effet, très difficile de les mobiliser sur certaines questions. Par exemple, nous sommes convaincus qu’avec une plus forte adhésion des populations à la lutte contre le décret de déclassement de la bande des filaos le résultat aurait été autre.
Enfin, nous connaissons souvent des problèmes de suivi au niveau de certaines structures décentralisées.
“Nous n’avons pas toujours les retours que nous espérons lorsque nous demandons certains documents ou sollicitons une audience mais, nos alertes et plaidoyers bénéficient d’une oreille attentive”
Quelle est la nature de la collaboration entre la section locale du Forum Civil et les autorités locales ?
Nous en avons évoqué un aspect plus haut. Dans l’ensemble elle est bonne. Malgré une certaine frilosité, les autorités locales de Guédiawaye sont dans l’ensemble ouvertes aux interpellations de la section locale du Forum Civil. Nous n’avons pas toujours les retours que nous espérons lorsque nous demandons certains documents ou sollicitons une audience mais, nos alertes et plaidoyers bénéficient d’une oreille attentive.
“Ce que nous déplorons cependant c’est le fait que la section n’ait jamais été conviée à un Comité de Développement Départemental”
Est-ce qu’elles vous associent à leurs activités ?
Aujourd’hui, la Ville de Guédiawaye comme les Communes de Wakhinane-Nimzatt, de Ndiarème Limamou Laye et de Sam Notaire nous convient régulièrement, en nous dotant de toute la documentation nécessaire, à leurs différentes sessions et activités. Nous attendons des communes de Golf-sud et de Médina-Gounass la même diligence. Cependant, ces formalités ne nous empêchent pas d’user de notre droit, celui d’assister aux sessions en tant que population.
Pour ce qui est de la Préfecture, l’autorité est sensible à notre présence dans son territoire administratif. Elle nous informe des rencontres auxquelles la société civile est sollicitée. Ce que nous déplorons cependant c’est le fait que la section n’ait jamais été conviée à un Comité de Développement Départemental (CDD). Nous espérons que le nouveau préfet va rectifier le tir.
“La gestion du foncier connaît aussi énormément de difficultés à Wakhinane-Nimzatt, Ndiarème Limamou Laye, Sam Notaire à une moindre mesure Golf-sud”
Avez-vous identifié des problèmes de gouvernance dans la localité et quelles solutions préconisez-vous ?
Il est très difficile parfois d’avoir accès à certaines informations surtout si elles sont d’ordre budgétaire ou liées à certains projets et programmes exécutés dans le Département de Guédiawaye. C’est l’opacité totale, si ce n’est l’indifférence des agents.
La gestion du foncier connaît aussi énormément de difficultés à Wakhinane-Nimzatt, Ndiarème Limamou Laye, Sam Notaire à une moindre mesure Golf-sud. On a constaté que la bande, avant que le décret de déclassement n’ait été signé, avait déjà subi les assauts de promoteurs fonciers boulimiques sous la complicité de certains agents communaux.
Le statut du conseiller municipal pose aussi problème. Ils sont nombreux à jouir de cette dignité sans pour autant avoir suffisamment d’outils pour s’acquitter convenablement de la charge.
Dans le plan d’action de la section figure une activité dénommée Déclaration de Politique Locale (DPL). Il s’agit pour le maire nouvellement élu, à l’instar du nouveau Premier ministre devant l’Assemblée nationale, de faire face, lors d’une audience publique, aux différentes entités de sa population pour décliner ses ambitions. L’exercice pourrait être renouvelé tous les semestres ou une fois l’an.
La disponibilité de l’information est un pilier central dans le contrôle citoyen de l’action publique. On ne peut parler de bonne gouvernance sans une redevabilité effective.
La participation citoyenne étant érigée en principe dans l’acte 3 de la décentralisation, il serait bien qu’à tous les niveaux sa mise en œuvre soit une réalité.
2 Commentaires
Le travail continue
Participer à la Discussion