L’État du Sénégal continue de s’adonner à son jeu favori: l’intimidation, le harcèlement, l’acharnement et la tentative de bâillonner toute voix discordante de citoyens qui ne cherchent à s’exprimer qu’au nom de la démocratie et de la liberté d’expression. Il s’illustre par des pratiques anti-démocratiques et contraires à l’éthique. C’est tout le sens qu’il faut donner à l’élimination d’adversaires politiques comme Khalifa Sall et Karim Wade lors des élections présidentielles de 2019 et l’emprisonnement injustifié du patriote Guy Marius Sagna pour avoir manifesté son indignation face à la violence que ce même État exerce sur sa population par manque de ‘yeurmandé’. C’est aussi comment il faut comprendre la traque dont je fais l’objet dans mes activités quotidiennes et qui s’est traduite récemment par mon arrestation à Saint-Louis le mercredi 5 février 2020 suivie de mon interdiction de sortie du territoire national à partir de l’AIBD, le mercredi 12 février. Le soubassement de ces tracasseries n’est ni policier ni juridique; il est éminemment politique.
En premier lieu, Je voudrais souligner que c’est en tant que simple citoyen soucieux de ne pas voir sa ville à feu et à sang, que je me suis investi dans la résolution du violent conflit qui opposait les jeunes pêcheurs de Guet-Ndar à l’État resté inerte et impassible face à leurs revendications légitimes liées aux licences de pêche mal négociées par le Gouvernement. Devant le tout répressif d’une police nerveuse et violente, les jeunes étaient décidés à ne pas céder du terrain et avaient réussi à interdire aux forces de l’ordre l’accès au quartier de Guet-Ndar. Après les échauffourées, les casses et les arrestations, policiers et jeunes pêcheurs se regardaient en chiens de faïence de part et d’autres du petit bras du fleuve. C’est au cours de ce long face à face que je me suis rendu à Guet-Ndar pour parler aux jeunes qui m’ont bien accueilli, écouté et suivi. C’est ainsi qu’ils ont accepté, à ma demande, de se démobiliser pour aller rejoindre leur famille, étant entendu que nous avions envisagé de nous retrouver le lendemain à 10 heures a.m avec trois à quatre responsables choisis pour exposer tous leurs griefs devant la presse et de laisser le soin aux bonnes volontés de faire le reste. En réalité, ce que je n’avais pas dit, c’est que j’étais prêt à aller moi-même solliciter une rencontre avec le président mauritanien qui est un camarade de promotion avec qui j’ai passé trois ans à l’Académie Royale de Mecknès, au Maroc, pour qu’il aide à atténuer la souffrance de mes parents guet-ndariens.
Après la dispersion des manifestants, je suis parti sur l’autre rive du fleuve où se trouvaient le commissaire central, la toute nouvelle commissaire de l’île de Saint-Louis et les hommes en alerte. J’ai informé le commissaire central de ma démarche, de la dispersion pacifique des jeunes et de l’état final recherché. Je lui ai aussi fait part du programme pour le lendemain évoqué plus haut et il avait salué l’initiative.
Grande fut cependant ma surprise en recevant tôt le jeudi matin l’information selon laquelle la police avait quadrillé la zone dès six heures du matin. Qu’est-ce qui a pu changer? En tout état de cause, Je décidai d’aller voir même et dès mon arrivée sur les lieux, à dix heures, j’ai été arrêté par la police avec une brutalité inacceptable pour être conduit manu militari dans les locaux du commissariat de la police du Nord de l’île où j’ai passé une audition de plus de cinq heures d’horloge sur…mes intentions.
L’enseignement tiré de cet incident est que les forces de sécurité sont instrumentalisées par le pouvoir qui en fait des forces de répression plutôt que des forces de protection du citoyen. Craignant certainement de me voir engranger un gain politique important en parachevant l’opération de pacification, il fallait m’arrêter et laisser la place à l’APR qui a immédiatement dépêché ses sbires à Saint-Louis pour enfin remettre les licences de pêche. Voilà un gouvernement réactif et non proactif.
En second lieu, j’ai été interdit de sortie du territoire national alors que Je m’apprêtais à embarquer à bord du vol Air Sénégal en destination de Ouagadougou, au Burkina Faso. Il s’agissait de représenter le parti Rewmi à la 16ème Assemblée Générale annuelle du Réseau Libéral Africain dont le thème portait sur « Paix et stabilité pour le développement économique et social en Afrique ».
Certes, Je suis encore sous contrôle judiciaire. Cependant, j’ai bien informé le juge du voyage projeté et il a donné son blanc-seing en présence de mon avocat. En première approche, on serait tenté de penser à un manque de coordination entre le bureau du juge et les autorités de l’AIBD mais il n’en est rien. Je ne blâme pas le juge qui a fait de son mieux pour que je puisse prendre le prochain vol mais le dossier préparé à cet effet est resté bloqué chez le procureur de la république pour des raisons que j’ignore pour l’instant.
Ainsi donc, après avoir échoué à donner un contenu politique à la notion de devoir de réserve pour me faire lâcher prise, les voilà en train de mener une guerre d’usure avec des provocations tous azimuts. Avec un pouvoir sans foi ni loi de cet acabit, englué dans des scandales financiers d’une ampleur jamais égalée, impitoyablement arrogant, aucun mode d’action n’est à écarter, y compris l’élimination physique d’un opposant où d’un empêcheur de tourner en round.
Dans tous les cas, leurs tentatives d’intimidation ne font que renforcer ma détermination à faire face et à ce titre, je suis aux cotés de tous ceux qui sont debout pour combattre démocratiquement la corruption, l’injustice, l’impunité, et toutes les formes de violence exercées sur le peuple.
Dr Abdourahim KEBE
Colonel (er)
Enseignant-chercheur
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