Malgré son déplacement en cours, la substance chimique qui a explosé à Beyrouth le 4 août fait frémir les voisins du port de la capitale sénégalaise.
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Derrière le comptoir, Anne-Françoise prépare des cafés. Face à son petit restaurant, de l’autre côté de la route, elle ne voit plus qu’elles… ces lourdes portes du port autonome de Dakar et le danger qui se cache derrière.
Au total, 3 050 tonnes de nitrate d’ammonium, une substance chimique utilisée pour fabriquer des engrais ou des explosifs, y sont stockées sur des palettes dans les entrepôts maliens du port. Le tout à quelques mètres du centre historique de la capitale sénégalaise.
« Après l’explosion de Beyrouth [qui a soufflé la ville le 4 août et due à la même substance], je trouve anormal que le nitrate d’ammonium soit gardé ici, en plein cœur de Dakar. C’est vraiment très risqué », continue la jeune femme, qui appelle les autorités à déplacer la substance le plus rapidement possible. D’autant que le long du mur qui protège le port, se tient chaque jour un marché avec ses dizaines de boutiques et ses marchands ambulants qui attirent une foule nombreuse.
Même si rien ne va assez vite aux yeux de l’opinion publique dakaroise, les autorités sont à l’œuvre et le propriétaire du stock a été mis en demeure le 19 août d’enlever sa cargaison. L’armateur a d’abord voulu trouver un site de stockage à Diamniadio, ville nouvelle à une trentaine de kilomètres de Dakar. Mais le ministère de l’environnement, chargé de donner les autorisations de stockage de matières chimiques dangereuses, n’a pas donné son accord.
« Ces stocks doivent quitter le pays »
« Nous avons demandé que ce produit ne reste pas au Sénégal, car tout stockage de nitrate d’ammonium sur le territoire national nécessite une installation classée “protection de l’environnement”, afin de prévenir tout risque, explique Baba Dramé, directeur de l’environnement et des établissements classés (DEEC) au ministère de l’environnement. Aujourd’hui, l’entreprise n’a pas demandé cette autorisation. Et si elle voulait l’obtenir, les procédures nécessiteraient du temps. Donc, face à l’urgence, nous avons demandé que ces stocks quittent le pays. »
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En conseil des ministres mercredi 19 août, le président sénégalais Macky Sall a d’ailleurs demandé aux ministres de l’intérieur et de l’environnement de mettre en œuvre un « plan national de recensement, d’audit et de sécurisation des dépôts de produits chimiques dangereux ».
Après plus d’un mois de stockage, il s’agit donc de renvoyer le nitrate d’ammonium vers le Mali, sa destination finale. Cette substance est destinée aux « sociétés minières maliennes qui l’utilisent dans des carrières », selon un communiqué du ministère malien des transports et de la mobilité urbaine.
Vingt camions par jour vers le Mali
Une procédure d’urgence a donc été mise en place pour transporter le plus rapidement possible toute la cargaison. Escortés par deux motos de la gendarmerie sénégalaise, les camions de trente tonnes remplis de ces produits chimiques ont commencé leur noria vers la frontière est du pays, à raison de vingt camions par jour, malgré la crise qui touche le Mali et l’embargo de la Cédéao. L’opération devrait être terminée le 1er septembre.
En attendant que le déménagement soit terminé, les autorités portuaires se veulent rassurantes. « Ici, les stocks sont entreposés à l’air libre et aucun autre produit inflammable ne se trouve à côté », précise Fousseynou Soumano, directeur général des entrepôts maliens au port autonome de Dakar, dans une déclaration à la télévision nationale sénégalaise, la RTS.
Des propos qu’aime entendre Mohamed, gardien de boutique en face du port. « J’étais très inquiet parce que je travaille cinq jours sur sept à une centaine de mètres du port où ce stock risque à tout moment d’exploser. Heureusement qu’ils ont interpellé rapidement le propriétaire », témoigne l’homme à la blouse grise, qui reste tout de même sur ses gardes tant que le produit n’a pas quitté le pays.
Un peu plus loin, Boubou Tandia, café à la main, attend lui aussi avec impatience la fin de cette affaire. « J’ai peur car j’habite et je travaille juste à côté du port, confie-t-il. C’est notre sujet de préoccupation à tous, j’y pense chaque seconde. On attend la fin de l’évacuation la semaine prochaine et on ne veut surtout pas que cela traîne. »
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