La date du 4 août 2023 marque le 132ème anniversaire de l'assassinat d'Abdoul Bocar Kane de Dabia, grand résistant à la pénétration coloniale au Fouta. Sa tête avait été mise à prix par le colonel Dodds et le contrat exécuté en traitre alors qu'il séjournait chez une tribu maure alliée sur la rive gauche du fleuve Sénégal. Dans son édition du 10 septembre 1891, le " journal officiel du Sénégal et dépendances «, relatant les circonstances de sa mort écrit : "Dans un des numéro précédents, nous avons annoncé le meurtre d'Abdoul Boubakar, ancien chef du Bossea . L'homme qui vient de disparaître d'une façon aussi tragique avait joué depuis de longues années dans l'histoire du Sénégal , un rôle trop marquant pour que nous puissions nous borner à la mention sommaire de sa mort ". Abdoul Bocar est né vers 1831 à Dabia Odéji , un village du fouta central dans une famille de grands électeurs de l'almamy (Les Diagordé). La charge échoit d'abord à son grand père Aly dundou Séguélé (grand électeur du Bosseadu temps de l'almamy Abdul KADER) , puis à la mort de ce dernier , à son père Bocar Aly Dundu qui,à son tour transmettra à le flambeau à Abdoul bocar .
Abdoul Bocar est contemporain de Lat Dior, d'Alboury Ndiaye son compagnon de lutte en 1890 face à Dodds, et d'Ahmedou Seyku son allié par intermittence. Son entrée en scène sur la scène politique du Fouta au milieu des années 1850 intervient dans un contexte marqué par le dépérissement de l’almamya du fait des querelles intestines attisées par l'autorité coloniale, dudépeuplement du fouta suite au fergo omarien et de la défection des provinces périphériques de la confédération du Fouta (Toro , Dimat , lawo et Damga) qui se sont placées sous la protection de Faidherbe .
Le rôle d'Abdoul Bocar dans la résistance armée anti coloniale est établi dans les documents d'archives de l'administration coloniale de l'époque (rapports de gouverneurs, courriers d'Abdoul Bocar à ces autorités). De Jauréguiberry et Faidherbe à Dodds, presque tous les chefs militaires qui se sont succédés à la tête des troupes coloniales se sont heurtés à lui.
Mlle Garnier, dans un article publié dans le bulletin de l'IFAN du mois de janvier 1968 tome 30 cite des rapports de gouverneurs concernant Abdoul Bocar.
Le gouverneur Canard (1881?1882) écrit : "Quand Abdoul bocar est absent , la paix règne de Bakel à Saldé " .
Dans un rapport adressé à son ministre, le gouverneur Bourdiaux (1883?1884) parle D'Abdoul bocar en ces termes : " Le vieil ennemi qui de 1861 à 1864 avait tenu en haleine Jauréguiberry et Faidherbe dans le moyen Sénégal tenait en suspens depuis 1880 l'établissement des liaisons téléphoniques dans le haut fleuve ".
D'un rapport du gouverneur par intérim Quintrie daté du 8 janvier 1865, Mlle Garnier tire le passage suivant : "Dans le fouta central, les principaux chefs rarement unis entre eux se mettaient d'accord pour élire un Imam comme chef général politique autant que religieux, président de tous leurs palabres . Au nom de l'Islam, un de ces 10 chefs, Abdoul Boubakar, Almamy du Funangué Bosséa s'opposait depuis 1861 à la pénétration française au fouta. Du Dimar au Damga, on admirait son attitude, on guettait ses manifestations, et ses coups de main le long du fleuve. Les plus fanatiques n'attendaient qu'un signe de lui pour se joindre à ses guerriers et l'aider dans la mission divine qu'il disait avoir reçue de reconstituer l'ancien fouta sénégalais ".
Au total, pendant près de 30 ans (1860 1891), Abdoul Bocar Kane et ses alliés ont réussi non seulement à préserver l'indépendance du bosséa (Fouta central) mais aussi à empêcher l'effectivité du protectorat français sur le damga. Or, la conquête du bosséa et du damga conditionnait à la fois la sécurité de la navigation fluviale entre St Louis et bakel et l'achèvement de la ligne télégraphique St Louis?Kayes si cruciale dans l'avance française vers le Soudan. Entre 1880 et 1885, Abdoul bocar et ses alliés se sont opposés au passage à travers le bosséa de cette ligne dont les sections St Louis ? Saldé et Kayes ? Bakel étaient déjà réalisées .
Sur le chemin de l'exil vers le Kaarta après la prise de Yang Yang en mai 1890, Alboury Ndiaye est accueilli par Abdoul Bocar Kane à Dabia en dépit des injonctions des chefs du fouta central acquis à la cause coloniale et des menaces de représailles proférées par le gouverneur Clément Thomas. Devant son refus, Dodds est chargé par le gouverneur Lamothe (successeur de C.Thomas) de monter une expédition afin d'en finir avec Alboury et son hôte . Ces derniers, avec leurs troupes traversent le fleuve pour aller s'établir à Kaédi.
Lamothe fait intervenir l'aviso "La Cigale" afin de les en déloger. Ce vaisseau, à l'aube du 29 juillet 1890,bombarde copieusement la ville de Kaédi. Alboury Ndiaye, dont le fils Bouna Alboury sera kidnappé là-bas, poursuit alors sa route vers l'Est afin de rejoindre Ahmadou Seyku à Kayes.
Traqué et sa tête mise à prix par les français, Abdoul Bocar Kane, quant à lui, est assassiné traîtreusement le 4 Août 1891 alors qu'il s'apprêtait à quitter la tente d'un de ses alliés Maure.
Son frère Aly bocar et son fils Mamadou Abdoul qui comptaient parmi ses principaux collaborateurs sont arrêtés et déportés au Gabon.
Conclusion
La résistance d'Abdoul s'est déroulée dans un contexte difficile marqué par l'affaiblissement du régime des almamys légué par Thierno Souleymane Baal. En outre, l'agressivité des colonisateurs et les querelles intestines encouragées par les envahisseurs français selon le principe du "diviser pour régner"avaient fini de les perdre. Des heurts violents ont souvent opposé des familles Foutankés les unes contre les autres avec les encouragements du colon.
Les rancœurs et les frustrations nés de ces confrontations parfois très violentes ont pendant longtemps constitué un obstacle à l'écriture de l'histoire réelle du fouta en cette période cruciale. A présent, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts. Les liens matrimoniaux unissant les familles Foutankés se sont multipliés. En témoigne la diversité de la descendance d'Abdoul Bocar Kane. On y retrouve les Ly , Wone , Ba , Diallo , Wane , Sall , Hanne , Kébé, Diop , Camara , Baal , Aw, Dème, bref tous les patronymes du fouta . Le moment est peut?être venu de faire cesser cette omerta qui maintient Abdoul Bocar dans l'oubli et relègue ainsi au second plan toute l'histoire du fouta de la deuxième moitié du XIX -ème siècle.
TAANIIRAABÉ Abdoul Bocar
10 Commentaires
Senegalais Lambda
En Août, 2023 (12:07 PM)Reply_author
En Août, 2023 (12:17 PM)Oumar Baila Wane
En Août, 2023 (12:46 PM)Cette image représente Alpha Oumar Baila Wane général de l'armée de Omar Tall mort tue par Des coupeurs de route, de retour d'une mission Au Nord Chez les Chérif De Tombouctou sollicitant un appui contre les Peuls Du Macina - lesquels eurent finalement raison de Omar Tall à Bandiagara dans les falaises au point de Degimbereh.
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En Août, 2023 (16:32 PM)Merci
En Août, 2023 (12:19 PM)Diop
En Août, 2023 (12:29 PM)Reply_author
En Août, 2023 (13:02 PM)Mouride
En Août, 2023 (13:12 PM)Senegal Mon Pays
En Août, 2023 (13:34 PM)les familles religieuses surtout
trop de contes
Poulo Ardo
En Août, 2023 (16:21 PM)Torodo
En Août, 2023 (17:13 PM)Participer à la Discussion