Il y a un peu moins de six mois, le 23 janvier, la ville de Wuhan en Chine était confinée afin d’endiguer la propagation d’un nouveau virus, le Sars-Cov2. Ce 7 juillet, la pandémie de coronavirus a contaminé plus de 11,4 millions de personnes dans le monde. La maladie qu’il provoque, Covid-19, a entraîné la mort d’au moins 535.000 personnes, dont plus de 200.000 recensés en Europe. Des chiffres nécessairement sous-estimés.
Certains pays ont réussi à endiguer la propagation du virus. D’autres, comme les États-Unis, voient l’épidémie resurgir. Quoi qu’il arrive, la pandémie est loin d’être finie et le risque de deuxième vague toujours bien présent.
Depuis plus de six mois, une grande partie des scientifiques dans le monde tente de mieux comprendre ce nouveau virus. Petit à petit, étude après étude, certaines preuves ont commencé à s’accumuler, permettant d’y voir un peu plus clair. Si un consensus semble se dessiner sur certains points particuliers, l’incertitude demeure pour beaucoup et c’est à une science en pleine action que le monde doit se fier pour combattre la pandémie de coronavirus.
Des contagions mieux cernées
Pour endiguer l’épidémie ou l’empêcher de prendre, il faut faire baisser le fameux taux de reproduction (Rt ou Re) qui correspond au nombre de personnes infectées en moyenne par un contaminé. Sans aucune mesure, ce taux (R0) est estimé aux alentours de 3. S’il est inférieur à 1, l’épidémie ne progresse logiquement pas. C’est l’un des principaux indicateurs suivis par les autorités françaises et mondiales depuis le déconfinement.
Les indicateurs à surveiller en cas de deuxième vague:
Ce que l’on sait maintenant, c’est que ce Rt n’est pas vraiment représentatif de la situation réelle. C’est une moyenne qui cache des disparités importantes: certaines personnes vont propager le virus à des dizaines d’autres quand la majorité ne va pas le transmettre du tout.
C’est pour cela que même si le virus circule, il n’est jamais certain que l’épidémie prenne, il y a une part de hasard pour chaque contamination. “C’est comme si vous lancez un dé, vous ne pouvez pas connaître le résultat”, explique Jean-Stéphane Dhersin, chercheur CNRS, mathématicien à l’université Sorbonne Paris Nord, spécialiste en modélisations des épidémies. Mais une fois que l’épidémie a vraiment pris, tout devient plus clair: “Si vous lancez 1000 dés, vous savez que le résultat sera d’environ 3500, c’est la loi des grands nombres?.
Contagion asymptomatique ou présymptomatique
Ces épisodes de super-contamination peuvent être en partie liés à la biologie (une personne pourrait avoir plus de virus, tousser plus, etc.), mais sont surtout dépendants du timing, du nombre de personnes en contact et des conditions extérieures.
Sur le premier point, on sait maintenant qu’une personne a beaucoup plus de risques de propager le virus au moment de l’apparition des symptômes, mais aussi quelques jours avant et après.
C’est pour cela que le contact tracing, ou traçage des contacts, est si important pour casser les chaînes de transmission. Car il est possible de transmettre le virus sans avoir de symptômes apparents. Sans même parler de la proportion de personnes réellement asymptomatiques, qui fait encore débat: le taux varie en fonction des études, par exemple deux récentes évoquent un tiers ou encore 40%.
Extérieur vs intérieur
Même si une personne est à son pic d’infectiosité, encore faut-il qu’elle propage la maladie. Évidemment, plus elle croise de personnes, pendant longtemps, à faible distance et sans masque, plus le risque augmente.
Un autre élément qui semble aujourd’hui assez sûr, mais qui était encore inconnu il y a quelques mois, c’est que le risque de contamination est bien plus important en intérieur, dans un milieu mal ventilé qu’en extérieur. En effet, la plupart des études montrent que les épisodes de super contamination et, plus généralement, la majorité des clusters se forment dans des milieux fermés. Évidemment, cela ne veut pas dire que les risques sont nuls dehors, surtout si vous êtes dans un espace bondé.
Par contre, les manières exactes dont le coronavirus se propage ne sont toujours pas très claires. On sait qu’une contamination est possible via les gouttelettes expulsées lorsqu’on parle ou tousse, ou quand on touche une surface contaminée avant de toucher son visage. Les chercheurs ont aussi remarqué qu’il y a une certaine forme de contamination par l’air. Mais sur ce point, le débat est toujours présent.
L’OMS a reconnu, pour la première fois ce mardi 7 juillet, que des preuves émergent sur cette question. Par conséquent nous devons être ouverts à cette possibilité et à ses implications, ainsi qu’aux précautions qui doivent être prises”, a déclaré Benedetta Allegranzi, une responsable de l’organisation internationale.
293 chercheurs avaient envoyé une lettre ouverte à l’organisation pour affirmer que des preuves existent que de petites particules de virus, si légères qu’elles peuvent flotter dans l’air, peuvent infecter les gens. Pour autant, de nombreux chercheurs estiment que le mode principal de contamination reste les gouttelettes et que la transmission par l’air reste minoritaire. Bref, le débat n’est pas encore tranché.
La question des enfants entre deux eaux
Depuis le début de l’épidémie, les chercheurs ont été étonnés du faible nombre d’enfants touchés. On a d’abord cru à un biais statistique lié au fait que les plus jeunes ont moins de chance de développer des formes graves de Covid-19 et donc d’être sous représentés dans les hôpitaux.
Mais les multiples études et tests ont pour beaucoup confirmé qu’ils étaient moins nombreux à être touchés, en tout cas pour les plus jeunes (moins de 10 ans). Et pour autant, d’autres études affirment que dans un foyer, ils ont autant de chance qu’un parent d’être contaminés si quelqu’un est infecté dans la maison. Ou encore que les enfants ont autant de charge virale (le nombre de virus retrouvés dans un échantillon nasal) qu’un adulte.
Comme le rappelle le pédiatre Alasdair Munro sur Twitter, si la transmission à l’école semble rare, des cas ont tout de même été répertoriés. Et de rappeler que si les enfants semblent avoir moins de risque de transmettre le coronavirus, cela peut arriver. Continuer à accumuler des preuves sur ce sujet permettra d’affiner les mesures en cas de seconde vague, notamment la fermeture (ou non) des écoles.
Un taux de mortalité toujours fluctuant
Comme pour toute épidémie, les scientifiques veulent connaître le taux de mortalité. Couplé au taux de reproduction, c’est ce qui permet de prédire le potentiel impact d’un virus sur nos sociétés.
Pourtant, ce taux est très difficile à calculer, comme nous l’expliquions au début de l’épidémie. Dans l’idée, c’est pourtant simple: il suffit de diviser le nombre de morts par le nombre total de personnes infectées (vivantes ou mortes), de multiplier par 100 et le tour est joué. Mais dans la réalité, chacun de ces chiffres peut énormément varier. Asymptomatiques, manque de dépistage, mauvaise attribution des décès, efficacité du système de santé, délais de plusieurs semaines entre la contamination et le décès... Autant de biais qui peuvent faire varier ce taux de 0,1 à 30% en fonction des études.
Pour autant, avec six mois de recul, les modélisateurs et épidémiologistes commencent à y voir plus clair. Le 2 juillet, la scientifique en chef de l’OMS, la pédiatre Soumya Swaminathan, a rappelé que la plupart des études estiment ce taux aujourd’hui à environ 0,6%. On parle ici du risque de mourir pour chaque personne infectée, en prenant donc en compte les personnes asymptomatiques. Si ce taux semble faible, cela représente tout de même des dizaines de millions de morts dans le monde si rien n’était fait pour endiguer la propagation du virus.
Une immunité lointaine et incertaine
Mais nous sommes très loin de ce scénario, car la majorité de la population mondiale n’a pas été contaminée par le coronavirus Sars-Cov2. Depuis les débuts de la pandémie, les chercheurs ont effectué des tests sérologiques sur de nombreuses populations, afin de savoir après coup combien de personnes ont été infectées. Et à chaque fois, le résultat montrait que le Covid-19 n’avait touché qu’une faible fraction de gens.
Une étude en Suisse, réalisée en 5 vagues afin de suivre l’évolution, a trouvé un taux de 11% dans un des cantons les plus touchés par l’épidémie. Les résultats de récents travaux ont également été publiés dans The Lancet le 6 juillet. En Espagne, les chercheurs ont sondé 61.000 personnes. Seules 5% ont été dépistées positives.
C’est une bonne nouvelle... mais cela veut dire qu’on est loin de la fameuse “immunité collective”. Surtout, même pour une personne contaminée, on ne sait pas exactement comment les anticorps acquis la protègent. Ni combien de temps. Sur ce sujet, quelques travaux ont montré une protection sur plusieurs semaines, mais il faudra du temps et de la recherche pour savoir si l’immunité se garde dans le temps de manière efficace.
Pourquoi rien n’est encore certain sur l’immunité:
Enfin, il ne faut pas non plus trop compter sur l’immunité croisée. En théorie, c’est l’idée selon laquelle le fait que notre corps ait déjà appris à se battre contre d’autres coronavirus lui permettrait de faire face à une tentative d’infection par le Sars-cov2. Si certaines études in vitro ont montré des résultats intéressants, il est beaucoup trop tôt pour en tirer des conclusions optimistes pour le monde réel.
Les chercheurs de l’Institut Pasteur, de l’AP-HP et de l’Inserm ont justement analysé cette piste. Après avoir analysé les anticorps aux coronavirus courants chez des centaines d’enfants (positifs et négatifs au Sars-Cov2), ils n’ont trouvé aucune différence notable.
Traitements et vaccins
Cette possibilité d’une immunité naturelle écartée, comment en finir avec la maladie? Car les mesures actuelles semblent permettre de contrôler une épidémie, mais le risque de deuxième vague est toujours présent. Ce qui a changé en six mois, c’est que l’on commence à avoir une (toute petite) idée de comment traiter le coronavirus Sars-Cov2.
Après de longs et épuisants débats sur l’utilité de tel et tel médicament, les premiers essais cliniques sérieux (randomisés, en double aveugle, etc.) ont commencé à rendre de premiers résultats. Si l’hydroxychloroquine et l’association lopinavir/ritonavir semblent peu efficaces, l’anti-inflammatoire dexamethasone semble permettre de diminuer la mortalité pour les cas grave en réanimation. D’autres pistes, comme le remdesivir, sont explorées et ont montré des résultats encourageants, qu’il convient de valider. Quoi qu’il en soit, il faudra encore plusieurs mois pour valider l’efficacité des différents traitements, mais aussi pour créer de nouveaux médicaments (ou des combinaisons d’anciens) afin d’avoir un taux d’efficacité plus important. La bataille est loin d’être gagnée.
Et pour un vaccin, qui semble aujourd’hui l’une des principales portes de sortie définitive face au Covid-19, les choses sont encore plus compliquées. De manière générale, développer un vaccin prend du temps, au moins une année à minima. De plus, nous n’avons jusqu’alors jamais réussi à mettre au point de vaccin contre un coronavirus.
Pourquoi n’avons nous jamais réussi à créer un vaccin contre un coronavirus:
La bonne nouvelle, c’est que beaucoup de laboratoires travaillent sur cette piste. Le 6 juillet, l’OMS a recensé les projets en cours. 130 candidats sont en cours de développement et 19 vaccins sont aujourd’hui testés dans des essais cliniques, plus ou moins avancés.
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