Le 14 août 2016, la Chine échoue tout juste au pied du podium en finale du 4x100 mètres féminin des Jeux olympiques de Rio. Un événement qui peut sembler insignifiant à première vue, mais qui est pourtant le point d'orgue, à ce jour, d'un combat dont les racines sont bien plus anciennes et profondes dans le monde du sport féminin. Depuis le début de ces JO, Fu Yanhui, 20 ans, amuse les réseaux sociaux par ses réactions spontanées au sortir de ses courses. Mais après cet échec, c'est un visage crispé, souffrant, qui apparaît à l'antenne de la télévision chinoise CCTV. L'envoyée spéciale pense alors bien faire en réconfortant Fu sur sa performance, mais elle est à mille lieux de s'attendre à la réponse quI va lui être donnée. « J'ai mal au ventre, car mes règles ont commencé hier. »
Si cette phrase à chaud peut sembler banale, elle fait néanmoins de Fu Yanhui la première à parler de ce tabou aux Jeux olympiques. Et si la jeune athlète explique ensuite « que ce n'est pas une excuse », c'est parce qu'elle sait que, dans le monde du sport et qui plus est de haut niveau, la période des règles ne l'est pas et ne doit pas l'être. À tort.
« Il n'y a pas de règle avec les règles »
D'autres sportives, avant Fu Yanhui, s'étaient déjà plaintes (on pense notamment à la tenniswoman britannique Heather Watson, très fortement gênée lors de son match du 1er tour à l'Open d'Australie, en 2015), de l'influence négative des règles sur la performance sportive. « Pour les filles qui font du sport à haut niveau, oui cela peut jouer. Cela peut les rendre plus "lourdes", les sauteuses en hauteur par exemple sont plus fatiguées... L'impact est visible dans ce cas-là » avance la gynécologue du sport Laurence Bernardet Vaksmann.
Car si les règles n'ont pas d'impact direct sur la performance comme l'explique dans son rapport la gynécologue de l'INSEP Carole Maitre, « des règles abondantes peuvent entraîner une diminution de l'hémoglobine, voire une anémie ferriprive (carence en fer, ndlr). » Elles peuvent aussi provoquer d'autres gênes, à l'image des maux de tête, des douleurs intestinales, qui ne placent pas l'athlète dans ses meilleures dispositions. Un constat que partage le docteur Bernardet : « Cela dépend du niveau, si elles font beaucoup de compétition ou non, de leurs exigences. Je me souviens de filles qui couraient le marathon et qui avaient des règles hémorragiques. Elles étaient obligées de s'arrêter pour changer leur tampon. En fin de compte, cela dépend des règles en elles-mêmes, si elles sont plus ou moins abondantes, plus ou moins douloureuses... Il n'y a aucune règle avec les règles (sourire). »
Les règles peuvent provoquer des maux de ventre, des migraines...
Les règles impactent le sport... et vice versa
Si la période des règles peut être éprouvante, la pratique sportive de haut niveau peut aussi peser de tout son poids sur le cycle menstruel : « Au-delà de 3 entraînements par semaine (ça dépend aussi de l'alimentation), l'athlétisme, notamment, peut causer un trouble des règles. On retrouve pas mal ça dans les sports d'endurance, qui favorisent la perte de poids, et l'on sait que lorsque l'on perd du poids jusqu'à un certain seuil, il y a une diminution des règles voire une disparition partielle » explique Laurence Bernardet.
Effectivement, si l'indice IMC est inférieur à 19 (ce qui est courant dans des disciplines comme l'athlétisme pour performer), il n'est pas rare que certaines athlètes aient des troubles des règles, voire plus de règles du tout ! Un cas assez fréquent quand on lit de nombreux forums consacrés, qui peut s'avérer problématique dans le futur, « une absence partielle ou importante des règles pouvant entraîner l'impossibilité d'être enceinte, ou la possibilité de développer des maladies telles que l'ostéoporose. »
La contraception comme protection
Anciennement en contact avec des athlètes, le Dr Bernardet a rencontré un problème récurrent, qui n'était pas de nature purement médical, mais bien humain : « J'étais en relation avec pas mal d'athlètes régionales auparavant et ce n'était pas simple, car les entraîneurs n'étaient pas tous en faveur de la contraception. C'était le plus souvent au cas par cas. On pouvait décaler les règles, parfois, à l'approche de certaines grandes compétitions, mais il faut tester avant pour savoir si c'est bien toléré par l'athlète. »
Pour contrecarrer ce possible impact négatif, plusieurs solutions étaient alors proposées, mais toujours au cas par cas : « Je leur prescrivais des contraceptions qui assuraient des cycles continus (absence de règles, ndlr), notamment pour celles qui faisaient du triathlon. Au niveau des contraceptifs, on peut utiliser des "pilules sans règles", des "stérilets sans règles". Et si elles prennent des pilules, on peut décaler les règles (comme dit plus haut). Mais cela doit rester un choix personnel. » conclut-elle.
1 Commentaires
Anonyme
En Décembre, 2016 (19:12 PM)Participer à la Discussion