A cinq jours de l’ouverture du Congrès mondial du sida à Washington, l’autorité américaine du médicament fait l’événement en autorisant l’emploi du Truvada, une bithérapie à prendre une fois par jour en une seule pilule, comme prévention du VIH. L’idée est donc que certaines personnes particulièrement à risque mais séronégatives, utilisent ce médicament pour éviter de contracter le virus, même s’ils sont mis accidentellement en contact avec du sang contaminé. Cela devrait contribuer, selon les autorités, à réduire le nombre de nouvelles infections.
L’agence des Nations unies de lutte contre le sida (Onusida) s’est immédiatement félicitée de l’approbation du 1er traitement préventif anti-sida : « Pris quotidiennement, le Truvada est destiné à être utilisé à titre prophylactique avant un contact avec le VIH (virus de l’immunodéficience humaine). Il devra être combiné avec des pratiques sexuelles sûres comme l’usage de préservatifs et d’autres mesures de prévention, comme le dépistage régulier et le traitement d’autres maladies vénériennes, pour empêcher la transmission du virus chez des adultes à haut risque » .
La question récurrente : quel usage ?
Car c’est bien la question délicate : l’autorité américaine du médicament autorise l’usage de ce médicament, mais en soulignant que « le Truvada ne peut pas se substituer à des pratiques sexuelles sûres ». Alors que la France avait débuté au début de cette année un essai clinique limité pour vérifier l’efficacité de cette technique, la décision américaine va permettre de généraliser cette pratique.
Jusqu’à aujourd’hui, les antirétroviraux sont utilisés comme arme prophylactique (« de prévention ») après une exposition accidentelle au virus du sida, soit après un accident de préservatif, soit lors d’un viol où la victime ignore si l’auteur était séropositif, soit lors d’une exposition d’un personnel de soins lors d’un traitement. Ils diminuent de manière significative le risque de contamination et la Belgique a d’ailleurs été l’un des premiers pays à rembourser ce traitement. Cette utilisation est née du constat que traiter les patients dont le sida est déclaré réduit le taux de virus dans le sang et diminue les risques de contamination envers leurs partenaires sexuels.
Les gens du terrain restent sceptiques
Mais faut-il étendre cet usage à d’autres catégories de personnes à risque, comme les partenaires réguliers de personnes séropositives ou aux travailleurs du sexe ? Sur le terrain, c’est le scepticisme qui prévaut : « Il faut rester prudent, notamment face au danger constitué par le fait que les participants pourraient se sentir protégés de la contamination. 30 ou 40 % de réduction du risque, c’est modeste face à d’autres moyens de réduction. Il ne faut pas que, par ailleurs, ils augmentent leur risque en pariant sur l’efficacité du traitement. Par ailleurs, ce traitement a un coût, environ 600 euros par mois, qui est bien plus élevé que celui d’un préservatif, qui est bien plus efficace. Ne pas utiliser le préservatif, c’est aussi s’exposer à d’autres maladies sexuellement transmissibles, contre lesquelles le médicament antirétroviral ne protège pas », réagit Thierry Martin, directeur de la Plate-forme Prévention sida de la Communauté française.
Le spécialiste de la prévention s’interroge aussi sur les effets secondaires éventuels du traitement, ainsi que sur l’éventuelle résistance accrue du virus au médicament si cette stratégie devait un jour être pratiquée sur une large échelle.
De même, Act Up Paris a jugé cette décision « précipitée » : « La FDA montre son mépris de la recherche, qui n’a jamais donné de preuves suffisantes d’une efficacité du Truvada en prévention. Nous sommes en colère contre cette décision, car la précipitation mal informée, en matière de prévention, se compte en contaminations. Laisserons-nous encore longtemps les lobbys du médicament dicter leurs règles à notre communauté, au mépris de notre santé ? ».
L’association soupçonne le laboratoire Gilead, producteur du médicament, d’avoir influencé les experts pour « bénéficier d’une rente considérable sur ce médicament, dès qu’il sera mis à disposition des gays américains ».
5 Commentaires
Nate
En Juillet, 2012 (11:40 AM)Ndiayde
En Juillet, 2012 (11:42 AM)Alil
En Juillet, 2012 (14:29 PM)Katanga
En Juillet, 2012 (19:21 PM)Itazi
En Juillet, 2012 (22:01 PM)Participer à la Discussion