Les sucres ajoutés aux aliments et boissons, en tout premier lieu le fructose, font le lit du diabète de type 2. Publiée en ligne jeudi 29 mars dans les Mayo Clinic Proceedings, une analyse des données existantes effectuée par des chercheurs américains est catégorique : « Il existe un énorme corpus de preuves scientifiques, de données d’observation et de résultats d’essais cliniques qui suggèrent que le fructose ajouté – même par rapport à d’autres sucres – est le principal moteur du développement du diabète et de ses conséquences. »
Représentant 90 % des formes de la maladie, le diabète de type 2 a pris des proportions épidémiques dans le monde : environ une personne sur dix dans le monde en est atteinte et la fréquence augmente avec l’âge. Dans le diabète de type 1, une anomalie immunitaire ne permet plus au pancréas de fabriquer de l’insuline, l’hormone permettant aux cellules de stocker du glucose, ce qui augmente le taux de sucre dans le sang. S’installant de manière insidieuse, le diabète de type 2 résulte d’une baisse de la sensibilité des cellules à l’insuline liée à l’obésité et à la sédentarité.
La résistance à l’insuline est associée à une augmentation de la concentration de cette hormone dans le sang (hyperinsulinémie), qui a pour effet de favoriser l’accumulation de graisse abdominale, l’élévation des triglycérides, ainsi que d’autres désordres métaboliques. L’hyperinsulinémie est un facteur de risque cardiovasculaire, corrélée à une diminution de l’espérance de vie de l’ordre de cinq à dix ans.
Sirop de maïs à haute teneur en fructose
L’étude rappelle que la littérature scientifique montre que « l’ajout de fructose – que ce soit sous forme de saccharose ou de sirop de maïs à haute teneur en fructose – est associé à une série d’effets biologiques indésirables chez l’homme comme chez l’animal ».
Ces données pourraient surprendre s’agissant d’un sucre que l’on trouve naturellement dans les fruits, d’où son nom. Mais le problème vient du fait que dans le sirop de maïs à haute teneur en fructose, ce dernier représente près de 50 % du poids de l’additif sucré, alors qu’il ne constitue qu’1 % du poids d’une pêche mûre, soulignent James DiNicolantonio, du Saint Luke’s Mid America Heart Institute (Kansas City, Missouri), et ses collègues. Outre cette faible concentration, la consommation d’un fruit ou d’un légume entiers apporte également de l’eau, des fibres, des antioxydants, qui sont bénéfiques pour l’organisme.
Dans leur article, les scientifiques précisent qu’aux Etats-Unis environ 40 % des adultes ont déjà un certain degré d’insulinorésistance et à peu près autant développeront un véritable diabète. En France, 4,6 % de la population serait globalement diabétique de type 2 mais l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) considère que ce pourcentage est « largement sous-estimé », car « 20 % des personnes diabétiques âgées de 18 à 74 ans ne sont pas diagnostiquées. »
Le fructose stimule des modifications métaboliques
Or, le rôle des sucres que nous ingérons dans des boissons ou des aliments solides, singulièrement celui du fructose, est déterminant dans le développement de ces anomalies. Le fructose stimule des modifications métaboliques qui aiguillent les calories vers le stockage dans les cellules du tissu adipeux abdominal. Ce mécanisme adaptatif avait toute son utilité pour nos lointains ancêtres qui n’avaient pas un accès facile à des aliments nourrissants et n’avaient accès qu’à des quantités limitées de fructose, essentiellement dans des fruits mûrs.
Au cours de l’évolution de l’humanité et surtout dans la période contemporaine où l’ajout de sucres dans l’alimentation s’est largement répandu, cet avantage s’est transformé en inconvénient. D’autant que les industriels de l’alimentation ont largement eu recours à l’ajout de fructose sous différentes formes : d’abord avec le saccharose, sucre associant une molécule de glucose et une de fructose que nous connaissons sous forme de poudre ou de carrés, puis de plus en plus avec le sirop de maïs à haute teneur en fructose, qui peut contenir jusqu’à 65 % de fructose.
Aux Etats-Unis, 25 kg de fructose par habitant par an
En 2012, une étude de chercheurs américains et britanniques montrait déjà du doigt le rôle de l’ajout de sirop de maïs à haute teneur en fructose dans le développement d’un diabète de type 2 et donnait des chiffres marquants : les Etats-Unis – où environ les trois quarts de l’ensemble des boissons et aliments préemballés contiennent du sucre ajouté – consomment annuellement 25 kg de fructose par habitant. Le Canada, le Mexique, la Belgique ou le Japon figurent également au rang des gros consommateurs. Loin devant la France, l’Australie, l’Inde, la Chine, la Suède ou le Royaume-Uni, qui plafonnent en dessous de 0,5 kg par habitant et par an.
Particulièrement inquiets de la situation dans leur pays, les chercheurs américains affirment : « Aux niveaux actuels, la consommation de sucre et celle de fructose en particulier – à des concentrations et dans des contextes que l’on ne rencontre pas avec les aliments entiers naturels – alimente une épidémie de plus en plus grave de diabète de type 2. » Ils s’inquiètent des recommandations en vigueur aux Etats-Unis : les lignes directrices émises en 2010 estimaient acceptable de consommer jusqu’à 19 % des calories sous forme de sucres ajoutés et l’Institut de médecine américain admet même le plafond de 25 %.
A l’issue d’une consultation publique qui a eu lieu en mars 2014, l’Organisation mondiale de la santé a publié début 2015 des recommandations beaucoup moins laxistes : réduire à moins de 10 % la part des sucres libres (glucides simples comme le fructose) ajoutés dans l’apport calorique total et suggère même de descendre en dessous de 5 %.
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En Janvier, 2015 (07:52 AM)Participer à la Discussion