De nombreux agents du personnel médical sont diagnostiqués positifs au coronavirus. Beaucoup d’entre eux sont contaminés dans les structures hospitalières. «Une situation alarmante» qui pose le problème de la protection de ces soldats en première ligne dans la guerre contre la Covid-19.
Ils sont en première ligne dans la riposte contre le coronavirus. Une position qui fait qu’ils sont surexposés à la Covid-19. Eux, ce sont les agents de santé.
En effet, cette pandémie qui sévit partout dans le monde, a mis à rude épreuve les systèmes de santé publique. Le Sénégal n’est pas en reste. Le personnel soignant est contaminé et le nombre ne cesse de grimper. Plus d’une trentaine de personnes sont enregistrées, à ce jour, et plus de 70 agents sont placés en quarantaine. Le samedi 9 mai dernier, 5 membres du Service d’accueil des urgences du centre hospitalier universitaire de Fann ont été testés positifs au coronavirus.
Les 5 hôpitaux les plus touchés
L’Organisation mondiale de la santé (Oms) se dit préoccupée par le grand nombre d'infections signalées chez les travailleurs de la santé, soit un taux de 10 %. «C’est une tendance alarmante, parce que lorsque ces personnes sont en danger, nous le sommes tous», a déclaré le directeur général de l’Oms, Tedros Adhanom Ghebreyesus.
Mais, souvent, le personnel médical est atteint par le virus en dehors des établissements de santé, dans la communauté ou dans l’exercice de leurs fonctions. «Cela dépend des centres de traitement épidémiologique (Cte) et par rapport aux zones où on répertorie de nouveaux cas. Chaque fois qu’un malade arrive dans une structure hospitalière, il est en contact avec les soignants. Une fois qu’il est établi qu’il est positif, ces derniers sont mis en quarantaine pour une période bien déterminée, pour voir s’ils n’ont pas développé le virus», expliqué le secrétaire général du Syndicat démocratique des travailleurs de la santé et du secteur social (Sdt3s) Cheikh Seck.
Au Service de maternité de l’hôpital Roi Baudouin de Guédiawaye, à Mbour, à l’hôpital Fann, à Vélingara, à Médina Gounass, à Louga, à Thiès, à l’hôpital Principal ou encore à Touba, il y a eu beaucoup de cas de contaminations chez le personnel de santé. A l’heure tour, les agents transmettent le virus à des membres de leurs familles.
Ce qui favorise la contamination chez le personnel soignant
Pour l’Oms, cela est dû à la reconnaissance tardive de la Covid-19, au manque de formation ou à l'inexpérience dans le traitement des agents pathogènes respiratoires. L’organe des Nations Unies fait observer que de nombreux travailleurs de la santé sont également exposés à un grand nombre de patients, dans le cadre de longues équipes avec des périodes de repos insuffisantes.
Toutefois, avertit l’Oms, quand les travailleurs de la santé portent des équipements de protection individuelle de la bonne manière, les infections peuvent être évitées.
A ce propos, le syndicaliste à l’hôpital Idrissa Pouye de Grand-Yoff a voulu être on ne peut plus clair. A l’en croire, si les gens prennent leurs dispositions en accueillant ces malades, il y a de fortes chances qu’ils ne développent pas la maladie. Cependant, «par des fautes d’inattention ou autres, il peut arriver qu’on soit en contact avec le virus».
Concernant le manque d’équipements brandi souvent par des observateurs pour justifier ces nombreux cas positifs chez les spécialistes de la santé, Cheikh Seck a rétorqué que ce sont de mauvaises estimations qui sont faites sur l’utilisation des masques. «Si on vous dit que chaque Sénégalais doit porter un masque, cela veut dire que l’Etat va commander 15 millions de masques par jour. C’est valable pour les structures de santé, parce que si vous avez une équipe qui compte 800 ou 1 000 agents, vous avez besoin de mille masques par jour. Alors que pour les masques que nous utilisons, il faut 2 à 3 masques pour une journée», signale-t-il.
Avant de s’interroger : «Cela fait 3 millions de masques en moins de 10 jours et si on a 10 hôpitaux à servir, est-ce qu’il y a ce stock-là disponible dans nos structures sanitaires ?»
«Un seul hôpital peut consommer 100 000 masques en moins d’un mois»
Très en verve, l’agent de santé de regretter : «Au niveau de la Pharmacie nationale d’approvisionnement, on a dit qu’on a suffisamment de masques. Mais après des investigations menées, j’ai su qu’il s’agissait de 100 000 masques et c’était un don de l’homme d’affaires chinois et fondateur du groupe Alibaba, Jack Ma. Alors qu’un seul hôpital peut consommer cela en moins d’un mois.»
Le syndicaliste de se livrer à un réquisitoire sans appel. «L’équipement médical, ce n’est pas des paroles, c’est la réalité du terrain. Le personnel médical n’a pas la même approche que le ministre. Je parle du rythme de consommation», argue-il.
Tout en faisant remarquer : «En Italie, beaucoup d’agents étaient contaminés. Ce n’est pas parce qu’ils ne portaient pas de masques ou de tenues, mais c’est au moment de les enlever, parce qu’ils étaient fatigués, qu’ils ont été contaminés. Ils ont porté des masques qui ont duré, puisqu’ils étaient tellement débordés», a-t-il fait remarquer.
Avec ces multiples contaminations des personnels de santé au Sénégal, le directeur du Centre des opérations d’urgence sanitaire (Cous), Docteur Abdoulaye Bousso, a affirmé que ce qui est important à noter est qu’aujourd’hui, dans les centres de traitement, malgré l’augmentation des patients en soins, aucun agent de santé n’est infecté.
Il rassure : «Cela est une indication extrêmement importante, parce que tout simplement le ministre de la Santé et de l’Action sociale, Abdoulaye Diouf Sarr, a donné des instructions fermes pour que ces structures de santé soient dotées de tous les moyens de protection pour l’ensemble du personnel.»
«Avec les masques, tout le monde ne porte pas de lunettes. Donc, il faut suffisamment de visières»
De plus, l’Oms a fait don à l’Etat du Sénégal des équipements de protection destinés en priorité au personnel soignant. Cette aide est composée, entre autres, de gants, de combinaisons, de lunettes de protection, de masques chirurgicaux, de masques faciaux de type Ffp2 et de cache-visages.
Mais pour le syndicaliste, les visières, il n’y en a pas assez dans les hôpitaux. Or, souligne Cheikh Seck, le virus a la possibilité de passer par les muqueuses des yeux.
«Donc, on n’est pas protégé à 100 % avec ces objets. On peut avoir des masques, mais beaucoup de gens qui sont dans les guichets n’ont pas de visières. Nous en avons besoin, parce que tout le monde ne porte pas des lunettes. Je ne dirai pas que les autorités étatiques ou sanitaires n’ont rien fait, puisqu’elles ont augmenté les masques ; mais il faut des améliorations. Il faut le reconnaître, ça reste encore, si on sait que la vitesse de propagation du virus est rapide», émet-il. Quoique le personnel soignant travaille jusqu’au bout… de la contamination.
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