L'un est censé tenir les rênes et donner une direction au couple, tandis que le rôle de l'autre se confine à avancer au gré des ordres du premier. On croirait ainsi figées les relations entre patrons et chauffeurs : une relation de serf à son maître. Mais à y regarder de plus près, cette accointance est couverte d'aspérités dues souvent à un long compagnonnage fait de missions, de vicissitudes ou même de secrets salaces. Qui tient l'autre entre le patron et le chauffeur ? Allez savoir.
Un calme caniculaire règne devant la porte dérobée de l’Assemblée nationale. Garés çà et là, des Touaregs se font chouchouter par les laveurs de voitures pendant que leurs propriétaires remplissent leurs devoirs parlementaires. Dans l'un d'eux, somnole un homme au torse découvert par une chemise à carreaux, un pied nonchalamment posé sur l'encadrement de la porte. Diédhiou est chauffeur de député depuis bientôt trois ans. Entre lui et son patron, c'est l'amour fou. «Mon patron m'a pris avec lui à Dakar alors que je galérais à ne rien faire», avance-t-il d'emblée. Originaire de la Casamance, Diédhiou a, après son service militaire, longtemps milité au Parti démocratique sénégalais (Pds) et devait en retour bénéficier d'un travail... qu'il n'a jamais vu venir. Alors, il n'a pas hésité à quitter femme et enfants pour suivre son député de patron jusque dans sa demeure. «Je suis logé, nourri, blanchi chez lui.» En contrepartie, Diédhiou exécute toutes les courses de son député... quitte à rester en service à des heures très avancées. «J'avoue que c'est parfois dur. Surtout que je ne suis payé que 50.000 FCFA», se désole-t-il en insistant sur le fait que cela aurait pu être pire si son patron ne lui avait pas offert de quoi faire vivre sa famille restée en Casamance. Une famille qu'il ne visite que lorsque le député est en déplacement en Casamance.
«Je suis le proxénète de mes patrons»
Mangoné n'en finit plus de s'esclaffer à la question sur ses relations avec ses patrons. Chauffeur depuis près de 20 ans dans une grande succursale, «Doyen» - comme l'appellent affectueusement ses collègues - en a vu de toutes les couleurs... surtout celles du Golfe arabique. «L'enseigne dans laquelle je travaille est étrangère. Nous avons donc par intermittence des patrons arabes», débute-t-il en caressant sa barbe poivre et sel. Qui dit boss étranger dit forcément accueil à l'aéroport. Et pour cela, Mangoné en a bavé. «Les décalages horaires sont importants entre les pays arabes et le Sénégal. Il m'arrive parfois d'attendre des heures et des heures à l'aéroport», peste-t-il en soulignant s'être, à de nombreuses reprises, couché à 5 heures du matin pour se réveiller deux heures plus tard pour le boulot. «Doyen» ne tarit pas quant à ses mésaventures aéroportuaires. Comme lorsque ces mêmes patrons, une fois installés, offrent des vacances parisiennes à femmes et enfants. «C'est le moment que je déteste le plus dans ce boulot. Je suis obligé, dans un premier temps, d'aller enregistrer les bagages, le plus souvent entre minuit et 1h du matin. Je dois ensuite attendre un peu avant l'heure d'embarquement pour aller récupérer la femme et les enfants», fulmine-t-il, en jurant comme un charretier. Ces désagréments professionnels ne sont, cependant, que la partie immergée de l'iceberg. Une fois la famille exilée, Mangoné soutient que ces Arabes, pour la plupart, se livrent à des activités pas du tout catholiques. «Ils me disent parfois qu'ils veulent découvrir Dakar la nuit. Et je constate à chaque fois que plus que le panorama, ce sont les boîtes de nuit qui les intéressent», s'esclaffe-t-il, en décrivant les nymphes sur lesquelles ses patrons jettent leur dévolu. Il ne sait d'ailleurs pas si c'est vraiment le boss qui décide ou ces filles qui, à force de jeter leurs filets, ferrent gros poisson. Commence alors le rôle de «Doyen» qui est d'amadouer la vraie fausse innocente : «L’affaire est en général pliée dès que je dis que c'est un directeur». Ne reste plus qu'à leur trouver un hôtel à la fin de la soirée et «Doyen» peut tranquillement rentrer chez lui, les poches lourdes de pourboire. Là est la partie qu'il aime le plus : la générosité des patrons arabes dont les femmes offrent des habits et des plateau-repas en plus de l'argent donné par le mari. Tout le contraire des patrons sénégalais qui, d'après Mangoné, préfèrent donner leur fric aux marabouts plutôt qu'aux chauffeurs qui sont à leur service toute la journée. «Il y a longtemps, l'agence a eu un problème de détournement de fonds. Le patron sénégalais devait sauter avec les coupables, après investigations. Le lendemain, à l'aube, il m'a demandé de le conduire à Joal. Je peux vous dire que ce patron est resté jusqu’a sa mutation», sourit «Doyen», en faisant remarquer qu'il a assez parlé pour aujourd'hui.
«Je passais devant mon patron sans le saluer»
«Le minimum entre un patron et son chauffeur; c'est la communication», clame d'emblée Ndiaga, chauffeur dans une entreprise de travaux publics. Bien calé dans le fauteuil d'un bureau climatisé, le doyen raconte, derrière ses lunettes teintées, sa première expérience de chauffeur particulier. «J'étais alors au ministère de l'Equipement où officiait un certain Robert Sagna. Je conduisais pour son assistante qui avait l'âge de ma mère. Je faisais toutes ses courses sans rechigner, y compris lui apporter son déjeuner, de la maison». Pour Ndiaga, la profession de chauffeur est plus un sacerdoce qu'une corvée. Amener les enfants à l'école aller chercher le courrier ou faire du lèche-vitrine avec madame, peu lui importe, du moment que son patron lui reste loyal. «Ce que j'entends par là, c'est que je peux tout faire pour le patron, à charge pour lui de reconnaître mes mérites.» D'ailleurs, il se souvient encore que les week-ends, il délaissait sa famille au gré des missions ministérielles, parce que, dit-il, on le considérait à l'époque «comme un fils». Les temps ont bien changé depuis. Ndiaga est maintenant le chauffeur le plus âgé dans son entreprise de constructions. Autres temps, autres mœurs. Les gens ne sont plus respectueux d'un pareil métier et la secrétaire, selon ses dires, prend un malin plaisir à le brouiller avec son patron. «Il m'est arrivé de passer devant mon boss sans le saluer, parce que je lui en voulais d'avoir accordé foi aux dires d'une assistante et de m'avoir mis sur la touche sans même prendre le temps de me prévenir», bégaie-t-il en faisant cogner l'anneau de son annulaire contre la table vernie. Un peu comme si, à force d'entrer dans le secret des patrons, celui qui se réclame d'un caractère «coléreux» en était lui-¬même devenu un. D'ailleurs, quand le gardien fait irruption dans le bureau pour chercher un chauffeur, Ndiaga réfléchit longuement avant de se désigner lui-même, intimant à Famara, le plus jeune des conducteurs, l'ordre de se reposer. Lui est d'un caractère plus coulant. Il ne s'offusque pas quand les deux femmes qu'il est chargé de conduire le matin au travail ne le préviennent pas d'un éventuel changement de programme. «C'est dur, mais c'est le boulot», déclare-t-il, sibyllin, citant l'exemple de ce conducteur beaucoup trop intrépide, muté dans la sous-région, parce qu'il avait en tête de créer un syndicat de chauffeurs.
«Le meilleur chauffeur, c'est celui qui ne parle pas»
À 31 ans, Alioune Badara incarne l'exemple d'une vie professionnelle réussie. Allure massive et ventre bedonnant, le responsable de service dans une boite de la place a une idée bien arrêtée sur les chauffeurs. «Ils revendiquent beaucoup trop et ne commettent que des impairs», avance-t-il, en se dirigeant vers son 4x4. Le trentenaire qui dit apprécier le silence lors des voyages raconte l'histoire d'un chauffeur qui est rentré de boîte,... bourré : «Il est entré dans le mur de la caserne des Mamelles». Et comme c'était un chauffeur d'appoint, c'est-à-dire embauché temporairement, la boite n'a rien pu faire d'autre que régler les choses à l'amiable avec le camp militaire. «D'abord, il nous a fait perdre beaucoup d'argent, ensuite, il n'avait pas à avoir la voiture avec lui», peste Alioune Badara. S'il admet qu'ils perçoivent bien trop peu de per diem lors des missions, le patron dénonce les comportements abusifs auxquels se livrent les conducteurs. «Certains passent la nuit dans leur voiture pour ne pas dépenser leurs indemnités de mission, pendant que d'autres demandent des bons d'essence qu'ils vont échanger contre de l'argent». Le sourire aux lèvres, Alioune Badara nous gratifie d'une dernière anecdote avant de sauter dans sa bagnole. «C'était lors d'une mission à Kolda. Le chauffeur est allé passer la nuit dans un hôtel de passe. Le lendemain, il a refusé de payer, parce qu'il estimait que la fille ne l'avait pas fait jouir. Ce qui a créé un boucan monstre dans le petit village».
Des impairs relevés aussi par un député de Vélingara qui se méfie des chauffeurs comme de la peste. «Ils font le gros dos avec les voitures des députés et vont souvent aux catins. Je n'aimerais pas que la police judiciaire fiche ma voiture dans ces endroits». De plus, il préfère conduire plutôt que de gérer le stress des absences. «Ils t'appellent souvent à la dernière minute pour te dire qu'un tel de la famille est malade ou qu'ils sont bloqués dans la circulation... Parfois; ils n'appellent même pas pour prévenir», fulmine celui qui déclare ne pas avoir les moyens d'embaucher un chauffeur personnel.
10 Commentaires
Le Québécois
En Septembre, 2011 (05:16 AM)C...con...
En Septembre, 2011 (05:26 AM).... IL FAUT ...EVEILLER.... LE PEUPLE....
.... BSATA AVEC VOS articles de sex, de maràboue, de sokhna aidara, de elhadji diouf...
Menigan
En Septembre, 2011 (08:05 AM)Observat
En Septembre, 2011 (08:57 AM)Doulikesseh
En Septembre, 2011 (10:11 AM)Jahfire
En Septembre, 2011 (14:25 PM)Sn
En Septembre, 2011 (09:07 AM)Patisco
En Septembre, 2011 (16:13 PM)Même 100 ans de recherche génétique ne pourrait permettre de créer quelqu'un d'aussi parfait que vous !
De toutes les merveilles connues, une seule fait l'unanimité : vous, ce sublime modèle de perfection.
Si certains prennent plaisirs à chercher vos infimes défauts, c'est pour mieux oublier leurs incommensurables lacunes.
Mbeugue Beuré Bagne Baré , vive wade et ses alliés 75% au premier tour
Ndiaganiao
En Septembre, 2011 (16:14 PM)99% de l'humanité n'est qu'une pâle copie de votre personnalité.
Vous êtes quelqu'un d'extraordinaire.
Vous êtes quelqu'un qui mérite d'être connu dans le monde entier.
Mbeugue Beuré Bagne Baré , vive wade et ses alliés 75% au premier tour
Mais
En Octobre, 2014 (11:37 AM)Merci
Karim
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