Tout tourne, danse, virevolte. Soudain, au milieu d'une pluie de couleurs, dans un vacarme assourdissant, un jeune Sénégalais tend les bras, bombe le torse et lance un long cri en direction du ciel.
Cédric Djikila Diatta a 21 ans et ce jour-là, dans son village de Casamance au sud du Sénégal, terre de culture et de traditions du peuple diola, il entre aux yeux de sa communauté dans "la Jeunesse", une période intermédiaire entre la fin de l'adolescence et l'entrée dans l'âge adulte à part entière.
Dans le vêtement rouge qui l'enserre, des foulards de toutes les couleurs accrochés à la taille, des colliers de perles pendus au cou, il danse, montre les muscles, se sent invincible. Comme une parenthèse dans sa vie.
Autour de lui, les compagnons de sa génération. Même force de l'âge, même assurance. Pendant un mois, il se sont côtoyés, ont travaillé dans les rizières, ont appris les valeurs de leur clan - le respect, l’hospitalité, la discipline - au cours d'un apprentissage secret partagé par les anciens, indispensable pour intégrer la communauté et y être écouté.
Pour devenir un homme, "un vrai guerrier", il faut aussi savoir lutter. Dès le plus jeune âge, les Diolas apprennent les fondements de ce sport traditionnel, une institution au Sénégal.
"Cette danse, elle nous donne du courage pour la lutte", confie Philippe Diatta, 22 ans.
Au rythme des tam-tams et du bombolong, un tambour traditionnel de forme allongée, des jeunes hommes sautent d'un côté, puis de l'autre, frottent leurs dizaines de bracelets de métal les uns contre les autres.
Certains sont torse nu, d'autres portent des tuniques, des plumes, des barrettes, des grigris... Ils se tournent, se retournent, qui brandissant des épées, qui des bâtons, et même des faux serpents. Chaque génération porte fièrement ses attributs. Ceux qui se marient dans l'année sont travestis en femme.
- Pratiques menacées -
L'heure passe. la lumière décline. Mais la fièvre s'accroît, gagne tout le quartier, venu se rassembler à l'ombre des deux grands fromagers et de leurs immenses branches vert tendre.
Les jeunes femmes ont rejoint la danse. Elles se massent autour des hommes, bougent leur hanche, rient. Maquillées, les tresses tombantes, elles prennent des selfies, chantent leur bonheur, appliquent de la poudre sur le corps sculpté de leurs athlètes.
Les enfants sont là, les anciens arrivent. Ils sont maintenant des centaines sur la place. Les mères regardent leurs petits, gonflées de fierté. "C'est mon fils. Il est beau !", crie la mère de Cédric, Angèle Antessey Diatta, un sourire éclatant sur le visage.
Ces fêtes marquant la fin de l'initiation se déroulent à la fin de l'hivernage - la saison des pluies - vers la fin septembre. Elles diffèrent d'un village à l'autre, tout comme l'enseignement prodigué, toujours secret, car relevant du sacré, note l'anthropologue Abdou Ndukur Kacc Ndao.
Les peuples de Basse-Casamance, originairement animistes, ont maintenu leurs initiations, contrairement à beaucoup d'autres au Sénégal, rappelle-t-il. "Mais ces pratiques sont aujourd'hui menacées. Dans 100 ou 200 ans, on peut craindre qu'elles n'existent plus".
En cause selon lui, la place de plus en plus prépondérante de l'islam, le métissage entre les groupes ethniques, les migrations vers d'autres régions du Sénégal ou l'étranger, et la modernité.
- Pauvreté -
Mais à Kabrousse, où se tient la cérémonie, l'initiation est prise très au sérieux. "Pour moi, la tradition, c'est très important. Une fois que tu es initié, tu changes de statut. Tu es libre de voyager, de te marier, de prendre des décisions pour la communauté", explique Cédric Diatta.
Il montre sa maison. Un sol en terre battue. Des petites chambres partagées à quatre ou cinq. Pas de meuble. Pas de toilette. Pas d'eau courante. Quelques bassines ici ou là.
"La vie, c'est un combat", estime-t-il. "Il faut toujours se battre".
Il a arrêté l'école à 12 ans pour aider ses parents dans les champs et les rizières. Son père est tombé malade. Deux de ses frères sont décédés, faute de soins.
Après avoir repris une formation, il est devenu cuisinier dans un des nombreux hôtels de Cap Skirring, une destination prisée des touristes, pour ses plages sauvages, ses paysages verdoyants et sa douceur de vivre.
Tous les matins, il se rend au travail à 4H30, prépare à manger aux clients, termine à 15H00, puis se rend aux rizières. Il dit gagner 80.000 francs CFA par mois (environ 120 euros), se plaint de ne pouvoir accéder à d'autres postes faute de relations.
Son rêve: intégrer le Club Med, un "village-vacances" haut-de-gamme implanté depuis 1973 dans la ville. "Quand tu es embauché là-bas, tu trouves les contacts pour aller vivre ailleurs", assure-t-il. Une forte tentation pour ce jeune homme qui n'a jamais franchi les portes de sa région d'origine.
7 Commentaires
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En Octobre, 2022 (13:04 PM)Reply_author
En Octobre, 2022 (14:28 PM)Reply_author
En Octobre, 2022 (16:45 PM)Abc
En Octobre, 2022 (13:52 PM)Reply_author
En Octobre, 2022 (15:59 PM)Reply_author
En Octobre, 2022 (18:53 PM)Foulbes!!!
En Octobre, 2022 (14:23 PM)FOULBES!!!
Sayfu
En Octobre, 2022 (14:56 PM)Reply_author
En Octobre, 2022 (22:23 PM)moi j'aime les voir c'est l'essence de ce pays heureusement qu'ils ont survécus aux noirabes.